Musées

Trésors choisis

Hors du circuit des grands musées, les plus petits établissements muséaux de Montréal recèlent des trésors méconnus. Pour découvrir six d’entre eux à l’aube de la relâche, on vous présente six artefacts uniques, ludiques, d’une grande richesse historique ou carrément émouvants, choisis par l’équipe de conservation de chaque musée.

Musée Redpath

La momie de Thèbes

Indiana Jones se sentirait comme à la maison en entrant au musée Redpath : les vitrines anciennes débordent d’objets fabuleux rapportés des quatre coins du monde, dont trois momies égyptiennes. Celle de la femme de Thèbes est particulièrement impressionnante, avec son cercueil de bois plâtré très coloré, couvert de la tête aux pieds de hiéroglyphes et de scènes de vie égyptienne.

Le corps de la femme (âgée entre 30 et 50 ans à sa mort), qui a vécu entre l’an 230 et l’an 380 de notre ère, est gardé à l’abri des regards, « mais des examens de tomodensitométrie et l’utilisation de techniques médicolégales ont permis en 2012 une reconstitution faciale de la défunte », explique Annie Lussier, conservatrice de la Galerie des cultures du monde. Expérience stupéfiante s’il en est que de plonger les yeux dans ceux de cette femme aux cheveux grisonnants, qui est née, a vécu et est morte en Égypte, mais qui repose depuis 1859 si loin de chez elle, à Montréal. Quel voyage elle a fait !

Le musée

Le musée Redpath est le plus vieux musée d’histoire naturelle de la province. Inauguré en 1882, cet établissement de recherche, situé au cœur du campus de l’Université McGill, compte une impressionnante collection minéralogique, d’imposantes reproductions de squelettes de dinosaures et des objets culturels provenant des cinq continents.

859, rue Sherbrooke Ouest

Pendant la relâche

Plusieurs activités sont offertes cette semaine, notamment de très courues visites guidées à la lampe de poche, de 19 h à minuit, ce soir. Réservations non nécessaires. De lundi à vendredi, entre 11 h et 14 h, des animations destinées aux familles sont présentées. C’est l’occasion d’apprendre à écrire son nom en hiéroglyphes ou à fabriquer un dinosaure en origami ! Aussi : visites guidées et activités familiales le dimanche.

Musée Stewart

Le globe céleste

« Blois, 1533. » Cette inscription laissée au poinçon sur le globe céleste fait rêver Sylvie Dauphin, conservatrice en chef des collections au musée Stewart. Car Blois était un des lieux de résidence de la royauté française en 1533. Il serait donc possible que le roi François 1er lui-même, au pouvoir à l’époque, ait possédé ce globe délicat, entièrement fabriqué de bronze doré et présentant 48 constellations de la voûte céleste…

« Ce roi français était un grand humaniste qui a reçu Leonard de Vinci ; il aurait pu commander ce globe, de toute évidence très luxueux avec ses colonnes et ses chérubins… Le globe appartenait assurément à un prince ou un seigneur très fortuné », dit Mme Dauphin. Peu importe qui l’a jadis possédé, cet objet a exigé des centaines d’heures d’un minutieux travail de ciselure. « Il n’existe que trois globes du genre répertoriés dans le monde. » L’un est en Allemagne, un autre est en Grande-Bretagne. Et le troisième est à Montréal.

Le musée

Installé dans un ancien dépôt militaire fortifié par les Britanniques dans l’île Sainte-Hélène, le musée Stewart regroupe des centaines d’artefacts qui témoignent de l’influence des civilisations européennes en Amérique du Nord et de la vie quotidienne en Nouvelle-France. Dans le lot, des cartes anciennes, des armes, mais aussi une immense maquette interactive de Montréal au XVIIIe siècle et un coffre rempli de costumes à essayer. À savoir : l’accès au musée est gratuit en tout temps pour les moins de 12 ans.

20, chemin du Tour-de-l’Isle, Montréal

Pour la relâche

Deux activités extérieures sont au programme pour la relâche, soit des joutes de curling comme au XVIIIe siècle et une visite guidée de l’île Sainte-Hélène en raquettes. Réservations obligatoires. Aussi, à l’intérieur du musée : capsules historiques, atelier de fabrication de quilles et galerie de jeux anciens à essayer. Exceptionnellement, le musée est ouvert le lundi 5 et le mardi 6 mars.

Musée de l’Holocauste Montréal

Le cœur d’Auschwitz

Il tient dans la paume d’une main, mais lorsqu’on le déplie, ses feuilles en forme de cœur s’ouvrent comme un trèfle à quatre feuilles. Et c’est sans conteste l’un des objets les plus émouvants qu’on puisse voir au Musée de l’Holocauste Montréal.

Ce calepin en forme de cœur a été offert à Fania Fainer, pour célébrer ses 20 ans. Banal ? Pas quand la scène se déroule en 1944 dans le camp d’Auschwitz et que Fania est esclave dans une usine d’armements. « C’est une amie, Zlatka Pitluk, qui a fabriqué le cœur avec du tissu découpé dans sa chemise, du fil volé et de la colle faite de mie de pain mâchouillée », explique Audrey Licop, coordonnatrice aux événements et aux communications du Musée. Dix-huit autres prisonnières y ont inscrit leurs vœux dans un geste d’espoir et d’humanité qui tranchait avec leur lieu de détention. Mieux, elles ont aidé la jeune femme à protéger ce trésor des yeux des kapos.

« Fania a déjà dit que sans ce cœur, elle n’aurait pas survécu ; que ce geste de solidarité à son égard lui a donné la force de continuer. Pendant la Marche de la mort, elle a d’ailleurs caché le calepin sous son aisselle. Les prisonnières ont continué à se le passer et à y inscrire des messages, en quatre langues. » Le préféré de Fania, écrit en polonais : Liberté, liberté, liberté. 

Le musée

L’exposition permanente du Musée de l’Holocauste Montréal raconte, par le truchement de plusieurs photos, objets et documents d’archives, la vie des communautés juives avant, pendant et après l’Holocauste.

5151, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal

Pour la relâche

Aucune activité spéciale n’est organisée expressément pour la relâche, mais le musée propose trois parcours de visites sur tablettes ou téléphones intelligents et l’un d’eux concerne la vie des enfants et des adolescents pendant l’Holocauste. L’application est gratuite, peut être téléchargée avant la visite et s’adresse aux 11 ans et plus.

Musée Dufresne-Nincheri

Le piano rococo

Il trône dans le grand salon où jadis, Marius Dufresne et sa femme Edna Sauriol recevaient leurs invités dans les années 20. Sur l’instrument de bois marqueté et d’ivoire, l’artiste Alfred Faniel a peint ici des angelots, là des fleurs, du placage en trompe-l’œil ou des scènes pastorales. Du pur rococo !

« C’est une pièce rare, explique Manon Lapointe, directrice générale du musée Dufresne-Nincheri. Ce modèle de piano quart de queue Baldwin a d’ailleurs été montré en 1900 et 1904 aux expositions universelles de Paris et de Saint-Louis, où il a gagné des prix. » Inspiré de Petit Trianon de Versailles, le bâtiment vaut aussi la visite, avec ses meubles d’époque et ses nombreuses fresques. Fresques qui, pour la petite histoire, ont été recouvertes de gouache par les Pères de Sainte-Croix en 1948, lorsque ces derniers ont ouvert en ces lieux un externat pour garçons. « Ils ne voulaient pas que les nus nuisent aux études des élèves ! », lance Manon Lapointe.

Le musée

Situé à un jet de pierre du Stade olympique, le musée Dufresne-Nincheri est installé dans un bâtiment d’inspiration beaux-arts achevé en 1918. Les pièces ont été restaurées et meublées pour recréer l’ambiance qui régnait ici dans les années 20 et 30, lorsque les frères mécènes Oscar et Marius Dufresne recevaient chez eux le gratin culturel de Montréal et d’ailleurs.

2929, avenue Jeanne-d’Arc, Montréal

Pour la relâche

De mercredi à vendredi, les Fables de La Fontaine sont à l’honneur au musée Dufresne-Nincheri, qui propose aux 5 à 10 ans de découvrir huit fables méconnues, illustrées sur un ancien service de porcelaine. Au programme :  jeux d’observation, dessins animés et atelier de création de dessin sur assiette.

Musée des maîtres et artisans du Québec

Les bonshommes dansants

Ils ont l’air bien sages, ces bonshommes de bois colorés, musiciens et danseurs au garde-à-vous en attendant l’arrivée du prochain set carré. Mais dès qu’un pied humain se met à taper sur la planchette qui leur sert de plancher, toute la bande s’anime et la gigue est lancée ! Si le nom du créateur de ces marionnettes à planchette s’est perdu avec le temps, on sait que cette œuvre d’art populaire a été conçue vers le milieu des années 50.

« C’est une œuvre ludique très ancrée dans le folklore québécois, celui des gosseux de bois et des violoneux », lance Fanny Luquet, responsable des communications au Musée des maîtres et artisans du Québec. « Les bonshommes dansants de ce genre étaient très populaires au XIXe siècle dans les régions rurales du Québec et ont connu un regain de popularité dans les années 70. On trouvait souvent un ou deux bonshommes sur ces planchettes, mais celle-ci est très élaborée, avec sept personnages. »

Le musée

Le Musée des maîtres et artisans du Québec a pour mission de mettre en valeur les objets faits à la main au Québec, du XVIIe siècle à aujourd’hui. Plus de 300 objets – meubles, textiles, verre soufflé… – sont exposés dans l’ancienne (et magnifiquement conservée) chapelle qui abrite le musée.

615, avenue Sainte-Croix, Saint-Laurent

Pour la relâche

Le Musée des maîtres et artisans du Québec ouvre ses portes gratuitement du 5 au 9 mars inclusivement. Chaque jour, trois ateliers créatifs, animés par des artisans professionnels, sont offerts sans frais à 10 h, 13 h et 15 h. Ceinture fléchée, petit animal de feutrine, marionnettes ou jeux de société à tester… Des visites guidées spéciales seront proposées et une petite exposition temporaire présentera aussi des jeux ou jouets anciens, tous faits artisanalement.

Musée des ondes Émile Berliner

Les aiguilles de gramophone

Une boîte métallique pas plus grande qu’un étui à lunettes. À l’intérieur, ce qui ressemble à de petits clous est en fait des aiguilles de gramophone, plus ou moins rigides, pour faire résonner le son plus ou moins fort. « La boîte a été fabriquée à Montréal et date probablement de 1910 ; c’est le tout premier artefact que le musée a exposé », lance Anja Borck, directrice générale du Musée des ondes Émile Berliner. « À l’époque, il fallait acheter beaucoup d’aiguilles du genre, parce qu’il fallait en prendre une neuve dès qu’on changeait de face du disque. » Le coût pour 200 aiguilles ? Un dollar.

La boîte – frappée du célèbre logo d’un chien aux côtés d’un gramophone – rappelle que Montréal a déjà été une plaque tournante dans la production mondiale de disques et de gramophones, grâce à Émile Berliner. Et que c’est ici que l’un des plus célèbres logos publicitaires du monde moderne – aujourd’hui celui de RCA Victor – a vu le jour…

Le musée

Ce micromusée sur l’histoire du disque et de la musique, fondé en 1994, occupe un local de Saint-Henri, à l’endroit même où Émile Berliner a fondé sa première usine montréalaise, en 1907. Il présente actuellement une exposition temporaire sur le design de stéréo réalisé à Montréal dans les années 60 et 70, mais planche sur une exposition permanente qui permettra d’exposer quelques-uns des 35 000 objets cachés dans la réserve : radios anciennes, gramophones, disques faits de laque…

1001, rue Lenoir, local E-206, Montréal

Pour la relâche

En tout temps, des visites guidées sont proposées sur demande lors des heures d’ouverture du musée, soit le mercredi (sur rendez-vous), les vendredi, samedi et dimanche de 14 h à 17 h. Il est parfois possible, sur demande, de faire une visite dans la réserve du musée, véritable caverne d’Ali Baba pour amoureux de musique et d’antiquités.

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