Mon clin d’œil

« L’Asie, quel beau pays ! »

— Donald Trump

Opinion

Un enseignant comme vedette du Lab-École

On ne peut être contre la vertu de repenser l’école. Effectivement, l’architecture et le design d’une école peuvent influencer la qualité de l’apprentissage et de l’enseignement. C’est un sujet qui me tient à cœur et j’en discute souvent avec les étudiants et mes collègues. L’activité physique est tout aussi importante et négligée dans nos écoles. En ce qui a trait à la nourriture, on peut constater une amélioration dans certaines écoles, mais nous sommes loin de la qualité des aliments que l’on voudrait bien voir dans l’assiette des élèves.

En somme, le Lab-École est intéressant comme espace de réflexion, mais on semble passer à côté de sujets nettement plus importants et pertinents si l’on veut construire « l’école du futur  ». 

En fait, j’ai davantage l’impression que le réel objectif de toute cette opération vise à mettre en valeur le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, comme porteur d’une nouvelle vision de l’école québécoise. 

Bien que les intentions de celui-ci soient louables, le tout me donne l’impression que les visites dans les écoles ont été précipitées et par conséquent, il n’a vu que l’arbre devant la forêt.

Vous voulez reconstruire avec des assises solides l’école du futur  ? Laissez-moi vous suggérer de porter un regard attentif sur un phénomène qui nuit considérablement aux élèves (je dis bien aux élèves et non aux clients) : la précarité du personnel enseignant. En ce début d’année scolaire, il a été question de pénurie d’enseignants dans certaines commissions scolaires du Québec. En pleine rentrée des classes, certaines se trouvaient orphelines, n’ayant pas encore d’enseignant titulaire pour entreprendre l’année. Dans la même mesure, l’année dernière, la CSDM a eu un problème de suppléant. Ils ont trouvé une solution temporaire : celle de faire revenir les enseignants retraités pour combler les suppléances. Qui plus est, les nombreuses coupes des dernières années ont laissé de profondes cicatrices dans les milieux scolaires et cela se traduit, entre autres, par un manque de personnel dans les écoles.

La précarité d’emploi et les conditions de travail parfois misérables des nouveaux enseignants constituent des problèmes majeurs qui gangrènent le milieu de l’éducation. 

Je vous ferai grâce des statistiques peu reluisantes de l’abandon du métier d’enseignants en début de carrière. Ils n’ont qu’à embaucher de nouveaux enseignants, diront certains. Ce n’est pas si simple…

Voici, en vrac, un éventail pas très reluisant de scénarios avec lesquels doivent composer les nouveaux enseignants qui n’ont absolument rien d’attrayant pour les personnes qui seraient tentées par l’enseignement. En fait, la grande majorité d’entre eux vont attendre plus de 10 ans avant d’avoir un poste d’enseignant, alors obligés de vivre à coup de petits contrats à 70 %, 50 % ou 30 % d’une tâche. On décode que l’employeur (les commissions scolaires) juge que cette situation est normale et que l’on doive accepter toute tâche d’enseignement sans rien dire. On peut alors comprendre que le fait de faire quatre écoles pour combler une tâche, attendre et attendre que le téléphone sonne pour travailler, de commencer sa carrière avec un salaire dérisoire, de tout recommencer l’année suivante, car on se retrouve dans une autre école et bien souvent à un niveau différent, d’être le 4e enseignant assigné à un groupe (ici, on pense rarement aux élèves), ça ne donne pas trop le goût de se lancer en enseignement… Engagez-vous, rengagez-vous qu’y disaient  !

Enfin, si vous pensez que les élèves ne sont pas affectés par les va-et-vient d’enseignants dans leur classe. Il n’en est rien. Au contraire, et particulièrement au primaire. Je voudrais bien cette stabilité pour eux et, bien sûr, pour ces enseignants à statut précaire. Monsieur le ministre, je vous propose une autre « vedette » pour votre Lab-École. Un enseignant  ! Et pourquoi pas Fred Savard de La soirée est (encore) jeune, qui ferait aussi l’affaire, car les enseignants à statut précaire sont en colère.

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