Lili-Jeanne Pothel, 13 ans, atteinte d’arthrite juvénile

« Plus on m’accepte, moins la douleur est présente »

L’Île-Perrot — Lili-Jeanne Pothel a 13 ans. Une jolie fille aux yeux clairs, à l’esprit vif. Un brin timide. Depuis la petite enfance, elle apprend à vivre avec la douleur. Celle, bien physique, qui touche ses articulations. Celle aussi du rejet et de l’exclusion, de l’incompréhension. Elle vit avec l’arthrite juvénile.

« L’arthrite est une maladie qui me limite dans certaines activités, comme la course à pied, la raquette. J’ai très peu d’endurance, confie Lili-Jeanne. En éducation physique, au primaire, personne ne voulait de moi dans son équipe. »

« T’es tellement poche que tu vas mourir », lui ont déjà lancé des garçons, alors qu’elle traînait la patte lors d’une course. Incapable de suivre son groupe en ski de fond, Lili-Jeanne devait attendre le retour de ses camarades de classe dehors, en grelottant. « Aujourd’hui, je tente d’expliquer ma maladie. Plus j’en parle, plus on m’accepte, et moins la douleur est présente », s’étonne-t-elle.

Environ 4500 enfants et adolescents vivent avec l’arthrite au Québec. 

« C’est invisible et méconnu, alors les gens ont de la difficulté à comprendre. On pense à tort que l’arthrite touche seulement les aînés. »

— Léonie Brousseau, mère de Lili-Jeanne Pothel

« S’il y avait davantage de sensibilisation, il y aurait moins de stigmatisation. J’ai souvent dû me battre avec les enseignants d’éducation physique pour que ma fille soit dispensée des cours », explique Mme Brousseau.

Mourir à petit feu

Lili-Jeanne a reçu un diagnostic d’arthrite juvénile à 18 mois. « On a remarqué qu’elle boitait quand elle poussait sa petite poussette. Quelque chose n’allait pas », confie sa mère. Secouée, celle-ci a accueilli la nouvelle non pas avec tristesse, mais avec inquiétude. « J’ai accouché à 22 ans, j’étais séparée, encore aux études. J’étais seule devant l’inconnu. Heureusement que mes parents ont été très présents. » Néanmoins, la jeune maman a enfilé les petits boulots qu’elle perdait en raison de ses trop nombreuses absences.

Le duo mère-fille faisait la route vers l’Hôpital de Montréal pour enfants plusieurs fois par mois. Les grands-parents aussi. Les séances de physiothérapie et d’ergothérapie se succédaient. Lili-Jeanne dormait avec des attelles pour que ses membres en croissance ne soient pas tordus. « Elle est aujourd’hui une belle grande fille bien droite », dit fièrement Mme Brousseau.

Quand Lili-Jeanne a eu 7 ans, la douleur, jusque-là maîtrisée, est devenue insoutenable. On lui a alors prescrit une dose hebdomadaire de méthotrexate, médicament aussi utilisé dans le traitement de certains cancers. La fillette a subitement commencé à dépérir. 

« J’ai vu ma fille mourir à petit feu. Elle perdait ses cheveux, elle vomissait à répétition. Elle était incapable de se lever le matin, elle perdait l’appétit, elle manquait de concentration à l’école. Son système immunitaire était affaibli. »

— Léonie Brousseau, mère de Lili-Jeanne Pothel

Après deux ans de ce régime, Mme Brousseau a décidé de stopper le traitement, contre l’avis des médecins. « Ç’a été très déchirant, mais Lili-Jeanne souffrait tellement. Chaque semaine, elle descendait une pente qu’elle devait remonter. On n’en pouvait plus de ces montagnes russes. » A-t-elle fait le bon choix ? Elle se le demande encore.

Aujourd’hui, Lili-Jeanne va très bien. « Je fais de la danse, du vélo, du patin, du kayak. » Elle prend une dose minime d’anti-inflammatoire et envisage un sevrage. Elle sait qu’il y a un risque de grave rechute. « Il y a deux ans, j’ai rechuté. J’avais de la difficulté à marcher, de la douleur aux genoux, une grande fatigue. » Les médecins prendront la décision.

Rêves caritatifs

L’adolescente rêve maintenant de donner au suivant. Elle aimerait organiser un événement sportif caritatif. « J’aimerais aussi être rhumatologue. Ça prend de la détermination, mais je suis prête. » Elle hésite et ajoute : « Je lis beaucoup et j’ai commencé les Harry Potter. J’aimerais aller à Orlando pour voir sa maison. »

Et plus que tout, elle rêve d’être acceptée pour elle-même, au-delà de son affection. Comme au camp Papillon, où, depuis six ans, elle rencontre des jeunes qui vivent avec l’arthrite. « C’est la meilleure chose qui soit arrivée dans ma vie. On se comprend, on tisse des liens forts. »

Lili-Jeanne dansera ce matin lors du spectacle d’ouverture de la 3e Rencontre provinciale sur l’arthrite, à Montréal. Récemment refusée dans la troupe de danse de sa classe – « à cause de ton arthrite », lui a-t-on lancé – , elle compte savourer chaque seconde de son passage sur scène. Comme une douce consolation.

Qu’est-ce que la Rencontre provinciale sur l’arthrite ?

Autour de 800 participants sont attendus aujourd’hui à la Rencontre provinciale sur l’arthrite, organisée par la Société de l’arthrite au Palais des congrès de Montréal. Une cinquantaine de conférences y seront présentées. Fondée en Colombie-Britannique en 1948, la Société a investi, depuis, plus de 195 millions dans des projets qui ont mené à des percées en matière de diagnostic, de traitement et de soins des personnes atteintes d’arthrite, dont 1,6 million en recherche au Québec cette année.

Santé

Qu’est-ce que l’arthrite juvénile ?

La forme d’arthrite la plus souvent diagnostiquée chez les jeunes est l’arthrite juvénile idiopathique (AJI). Cette forme ne touche que les enfants et les adolescents. Il s’agit d’une inflammation prolongée (douleur, raideur et enflure) d’une ou de plusieurs articulations pendant au moins six semaines et pour laquelle aucune autre cause ne peut être déterminée. Elle peut engendrer des problèmes de croissance, des poussées douloureuses suivies de rémission.

Santé

24 000

On estime qu’environ 24 000 enfants canadiens de moins de 18 ans sont atteints d’une forme d’arthrite. C’est environ 4500 au Québec seulement. C’est l’une des causes les plus courantes d’invalidité chronique chez les enfants et les adolescents. L’arthrite affecte plus de 4,6 millions de Canadiens et peut nuire grandement à leur qualité de vie.

Santé

Impossible à guérir

L’arthrite juvénile est impossible à guérir, il s’agit d’une maladie chronique. Un traitement précoce – médication, physiothérapie, ergothérapie, activités physiques et repos – peut aider à contrôler la douleur et à prévenir des lésions permanentes aux articulations. Une personne vivant avec l’arthrite a trois fois plus de risques qu’une personne sans aucune maladie chronique d’être hospitalisée, de recevoir des soins primaires ou de devoir se rendre chez un spécialiste.

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Problèmes de santé mentale

Les personnes arthritiques sont trois fois plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé mentale – comme les troubles de l’humeur, l’anxiété, la dépression –  que celles sans maladie chronique. « À 8 ans, Lili-Jeanne me suppliait pour aller en classe même très mal en point, confie sa mère. Elle avait peur d’être incapable de rattraper le groupe. Encore aujourd’hui, cette anxiété la suit, même si elle a de très bons résultats scolaires. »

Santé

Fardeau économique

L’absentéisme, le présentéisme ou le retrait forcé de la vie active associés à l’arthrite correspondent à un fardeau économique de 142,1 milliards de dollars (de 2010 à 2015). Une personne atteinte d’arthrite est 10 fois plus susceptible qu’une personne sans maladie chronique de présenter une incapacité permanente de travailler. Mais les deux tiers se rendent tout de même au travail, malgré des symptômes qui les indisposent. Près de la moitié estiment qu’il est difficile d’assumer leurs responsabilités professionnelles.

Source : Société de l’arthrite

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