Enjeux

Repenser le Guide alimentaire canadien

Le plus grand défi dans cette aventure est avant tout d’offrir un outil simple et facile à comprendre

Depuis sa première version en 1960, Santé Canada a édité quatre mises à jour du Guide alimentaire canadien (GAC), la plus récente datant de 2007. Déjà huit ans sont passés sans l’ombre d’une réédition en vue. Le processus est sans aucun doute laborieux, puisqu’il implique à la fois les progrès scientifiques, les changements au niveau de l’approvisionnement alimentaire, les habitudes de consommation, des consultations et des analyses auprès des parties intéressées.

Des guides sont révisés périodiquement dans tous les pays afin d’orienter la sélection des aliments et de promouvoir une saine alimentation dans leur population respective. Les échéances de révision sont très variables et il est vrai que le Canada fait piètre figure au rang des réviseurs.

Le plus grand défi dans cette longue aventure est d’abord et avant tout d’offrir un outil simple et facile à comprendre, en tenant compte des différentes sous-populations. En exemple, citons le tableau des valeurs nutritives qui est obligatoire sur tous les aliments canadiens préemballés. C’est un outil fort utile pour faire des choix alimentaires éclairés, à la condition de savoir l’interpréter adéquatement. Malheureusement, bien peu de gens le maîtrisent.

Pourquoi la pandémie de surpoids progresse-t-elle à un rythme effréné, malgré un GAC qui permet de nous limiter à peu de calories quotidiennement ? Parce que les gens ne respectent tout simplement pas ses directives.

Le nouveau modèle alimentaire brésilien, auquel le GAC a récemment été comparé, innove par une approche plus holistique, en intégrant un contexte émotionnel et social, en suggérant par exemple de manger en famille ou entre amis et de cuisiner davantage afin d’éviter les aliments transformés. Le GAC actuel fait aussi référence à ces concepts, invitant même à repenser ses comportements alimentaires, autant que le choix des aliments.

La classification des aliments est un problème de taille. Par exemple, le jus de fruits fait bel et bien partie de la section des fruits et légumes, mais son impact sur l’appétit ou sur les choix alimentaires subséquents est tout autre. Une section « liquides » devrait peut-être apparaître, mais l’enjeu sera de définir quels liquides seront retenus et sur quelle base de valeurs nutritives. Que faire avec les céréales à déjeuner sucrées, même celles enrichies en fibres ? Devraient-elles appartenir au groupe des produits céréaliers, puisqu’elles deviennent une source importante de fibres ?

L’approvisionnement actuel offre majoritairement des produits transformés, gras, sucrés ou salés qui occupent une très grande place sur les étagères d’épicerie. Ces aliments ne disparaîtront pas et il faut identifier leur valeur nutritive plus ou moins intéressante par un système d’étiquetage différent.

Cuisiner maison ne peut pas garantir que les choix seront judicieux, mais des outils pratiques pour y parvenir doivent être fournis, notamment des recettes simples, nécessitant un nombre limité d’ingrédients de base et une période de préparation et de cuisson rapides.

Le format actuel du GAC aurait avantage à être repensé et il devra intégrer des directives claires quant à la taille des portions. L’excès calorique et la faible dépense énergétique demeurent les facteurs de risque principaux aux problèmes de poids et des maladies chroniques, peu importe que l’on mange en famille ou que l’on cuisine maison. Il est cependant clair que le problème va au-delà du surplus de calories et que nous devons régler les comportements alimentaires déficients.

Une mise à jour prochaine du GAC est souhaitée, en encourageant la consultation des groupes d’experts complètement exempts de biais commerciaux ou industriels. La littérature scientifique en nutrition évolue constamment et elle n’échappe pas à une cacophonie troublante. Différentes études, différentes populations, des devis expérimentaux incomplets donnent des résultats très souvent contradictoires. Faire des mises à jour trop rapprochées pourrait donc miner la crédibilité du Guide chez le consommateur qui peine déjà à s’y retrouver. Il s’agit donc d’une entreprise d’envergure, parsemée d’obstacles complexes, mais ce guide reste un outil ludique essentiel.

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