Neurosciences

Trop d’écrans à l’école en cette fin d’année ?

Alors que l’année scolaire tire à sa fin, les périodes « récompenses » consacrées aux jeux à l’ordinateur et au visionnement de films se succèdent dans les écoles et services de garde. Une situation qui interpelle Joël Monzée, docteur en neurosciences et directeur de l’Institut du développement de l’enfant et de la famille.

« Les enfants devraient avoir autour de cinq heures d’écrans de loisirs par semaine, au grand, grand, grand maximum », estime M. Monzée, père de trois enfants au primaire. Cinq heures par semaine, en additionnant le temps passé devant télé, tablette, téléphone intelligent et ordinateur, tant à la maison qu’à l’école ou ailleurs. « C’est ce qui fait en sorte qu’on minimise les effets négatifs », explique le professeur associé au département de psychiatrie de l’Université de Sherbrooke.

Or, il est courant de récompenser les élèves, après un examen ou une semaine de bon comportement, en leur donnant du temps d’écran. « L’école apprend aux enfants qu’ils doivent faire des efforts pour avoir le privilège de jouer aux jeux vidéo, plutôt qu’être fiers de ce qu’ils ont accompli », regrette Josiane Caron Santha, ergothérapeute à la clinique pédiatrique Les Mille-Pattes, à Boucherville.

« Est-ce qu’il n’y a pas d’autres récompenses qu’on peut donner à l’école ? demande M. Monzée. Ou si on utilise l’ordinateur, faisons de la robotique. Si on voit un film, discutons-en après, que ça devienne un outil pédagogique. C’est ce qui manque, parfois. »

APPORTEZ VOTRE TABLETTE

Des écoles vont jusqu’à permettre aux enfants d’apporter leurs propres appareils – quitte à quémander la tablette familiale, s’ils n’ont pas la leur – lors des périodes de jeux libres. « Beaucoup de mes clients me disent que leurs enfants ne veulent pas faire autre chose que jouer aux jeux vidéo, témoigne Mme Caron Santha. L’école ne les aide pas, en proposant des périodes de jeux sur tablette. On se sent coupable, dans ces cas-là, d’envoyer l’enfant en classe avec un Monopoly. » 

« Je m’attends pourtant à ce que l’école soit un lieu d’apprentissage, de développement de la créativité et de socialisation. »

— Josiane Caron Santha, ergothérapeute

« Les parents ne savent pas les dégâts que ça peut faire dans le cerveau de leurs enfants, l’usage excessif des écrans, observe M. Monzée. Beaucoup d’enfants développent des difficultés d’adaptation en classe, des difficultés scolaires, des comportements d’impulsivité et d’hyperactivité. Pourquoi ? Parce que pour être bon dans un jeu vidéo, vous devez être impulsif. Vous devez vous concentrer, donc vous utilisez de la dopamine. C’est de cette dopamine-là que vous avez besoin pour vous concentrer en classe. Aucun professeur n’est capable de stimuler de manière aussi efficace l’enfant qui est à l’école. C’est la même chose pour les enfants qui regardent trop la télévision ou chattent beaucoup. »

JOUER DANS L’AUTOBUS SCOLAIRE

Autre problème : l’usage de consoles de jeux vidéo et de téléphones intelligents dans les autobus scolaires, matin et soir. « Mon fils n’en a pas, mais ses amis en ont, alors il a accès aux jeux dans l’autobus, relate Mme Caron Santha. Ça le surexcite. On n’a pas de contrôle là-dessus. Je me questionne : est-ce qu’il ne devrait pas y avoir des politiques à ce sujet ? Des recherches sur l’impact de ce temps passé devant un écran ? »

« Ç’a été démontré : le matin, il suffit de neuf minutes – même devant la télévision – pour perturber les apprentissages pendant la journée, dit M. Monzée. Quand c’est très stimulant au niveau visuel ou auditif, comme Bob l’éponge ou La Pat’ Patrouille, quatre minutes suffisent pour perturber les apprentissages. Évidemment, les enfants qui ont plus de capacités peuvent fonctionner là-dedans. Mais les enfants qui sont plus fragiles vont avoir plus de difficultés. »

En cette fin juin, alors qu’enseignants, éducateurs et élèves sont fatigués, ne peut-on pas comprendre que tous veuillent visionner un film ? « Il vaut mieux que les enfants aillent dehors, répond M. Monzée. S’il n’y a pas d’activité extraordinaire, ce n’est pas grave. Les enfants ont besoin de s’ennuyer. C’est en s’ennuyant qu’ils développent leur curiosité et leur créativité. »

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