FESTIVAL DES FILMS DU MONDE  CLAUDE LELOUCH

Le grand allié de tous les festivals

Claude Lelouch reste un allié indéfectible des festivals de cinéma. Aussi s’est-il empressé d’accepter l’invitation que lui a lancée la direction du Festival des films du monde de Montréal en choisissant comme film d’ouverture Salaud, on t’aime, son 45e long métrage.

« Les festivals de cinéma sont plus importants que jamais, a déclaré hier le cinéaste au cours d’un entretien téléphonique accordé à La Presse. Ils constituent un refuge pour les films de qualité. Et le dernier rempart du cinéma d’auteur. Ce sont les seuls endroits où l’on peut voir encore des films de qualité les uns derrière les autres. » 

« Je soutiens tous les festivals, peu importe qu’ils soient grands, moyens ou petits. Ils jouent tous un rôle important, car ils permettent au public d’être un peu plus exigeant. » — Claude Lelouch

« Chaque fois qu’on m’invite, j’accepte. Car s’il existe encore aujourd’hui un cinéma de qualité, c’est grâce aux festivals. »

Habitué des festivals en général, certes, mais aussi du FFM, qu’il a déjà gratifié de sa présence quelques fois. Il y a trois ans, Claude Lelouch était d’ailleurs à Montréal pour offrir une leçon de cinéma à laquelle a assisté un public fidèle et affectueux. Même si ses films sont désormais moins bien distribués chez nous, Claude Lelouch reste l’une des figures emblématiques du cinéma français au Québec.

« Entre le public québécois et moi, c’est une longue histoire, rappelle-t-il. Elle a commencé il y a près de 50 ans grâce à Un homme et une femme. Depuis, j’ai toujours entretenu des liens solides avec le Québec. Les uns et les autres a tenu l’affiche pendant deux ans chez vous, je crois. C’était une autre époque, évidemment. D’ailleurs, cela m’attriste de constater que les films français sont moins nombreux sur les écrans chez vous. Pendant des années, les Québécois en étaient très friands. »

UN FILM PERSONNEL

Salaud, on t’aime est un film de nature très personnelle. Mettant en vedette Johnny Hallyday, Sandrine Bonnaire et Eddy Mitchell, cette chronique familiale tourne autour d'un éminent photographe de guerre qui, après s’être installé dans une magnifique résidence dans les Alpes, entretient le fantasme de réunir autour de lui ses quatre filles, qu’il connaît trop mal. Comme un désir de rattraper avec elles le temps perdu à une époque où la passion du métier prenait le dessus sur tout le reste. Toute ressemblance avec un cinéaste connu n’est évidemment pas fortuite. Seuls les noms ont été changés…

« Comme j’ai moi-même été photographe de guerre à la fin des années 50, c’est le métier auquel j’ai pensé pour le personnage, explique Claude Lelouch. Si j’en avais fait un cinéaste, ç'aurait été trop gros. D’évidence, cette histoire m’est très proche. J’ai eu sept enfants de cinq femmes différentes. Je connais bien le sujet ! »

Le monde de la production cinématographique a radicalement changé au cours des dernières années. La façon dont les films sont distribués – et consommés – aussi. Farouchement indépendant – et libre –, Claude Lelouch déplore néanmoins la mainmise des chaînes de télévision sur l’ensemble de la production cinématographique.

« Le plus grave problème, c’est que les films, pour la plupart, sont en fait des téléfilms, fait-il remarquer. Ils sont coproduits par des chaînes de télévision qui rabaissent le niveau de qualité et d’exigence du cinéma. On conçoit des projets en fonction d’un public de télé qui veut toujours revoir le même film. Et on croit savoir ce que le public aime. La télé est en train de tuer les beaux films de cinéma. »

« Je ne peux pas regarder un film ailleurs que sur grand écran. J’ai confiance au cinéma. J’ai toujours refusé les projets de télé. » — Claude Lelouch

Malgré la présence de Johnny Hallyday au générique, le vétéran cinéaste, aujourd’hui âgé de 76 ans, a eu beaucoup de mal à mettre sur pied Salaud, on t’aime.

« Partout on me disait : “Johnny est un chanteur, pas un acteur.” Aucun de ses films n’a marché. Moi, je savais bien qu’il était parfait pour le rôle que j’envisageais pour lui. Je savais que c’était lui qu’il fallait. Son vécu sert magnifiquement le film. Et quelle gueule ! »

LA PLUS GRANDE HISTOIRE D’AMOUR

Son amour du cinéma passant aussi par son admiration des comédiens, Lelouch évoque un tournage « très joyeux » entre deux copains heureux de se retrouver (Hallyday et Mitchell), et une rencontre magique avec Sandrine Bonnaire.

« Dès notre première rencontre, j’ai su que ça y était, se souvient le cinéaste. On ne voulait plus se quitter. Au bout de trois heures, nous étions en train de parler de tout, sauf du film ! »

Le cinéaste n’hésite pas à dire que la plus grande histoire amour de sa vie est celle qu’il vit toujours avec le cinéma.

« Le cinéma est la seule chose que je n’ai pas trompée, la seule chose à laquelle je suis resté fidèle. J’aime le cinéma de plus en plus. Je crois qu’un jour, un grand film changera le monde. Il aura potentiellement ce pouvoir en deux heures de faire des miracles. J’aurais bien aimé le réaliser, ce film, mais hélas, il reste trop peu de temps ! »

Pour l’heure, Claude Lelouch n’est pas à court de projets pour autant. Il prépare présentement Un plus une, un film qu’il tournera en Inde au mois de janvier. Jean Dujardin et Elsa Zylberstein en seront les têtes d’affiche.

« Un plus une est la formule de l’humanité pour faire 7 milliards d’individus, explique-t-il. J’espère en faire une comédie, mais on ne sait jamais. Je découvre mes films quand ils sont finis, car la vie a toujours été une de mes actrices principales. Je la laisse intervenir quand elle veut. Et de plus en plus. D’ailleurs, toutes mes scènes favorites dans mes films sont celles qui ne figuraient pas dans le scénario au départ. »

Salaud, on t’aime ouvre le Festival des films du monde de Montréal jeudi.

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