Aventure

Une traversée du Canada en vélo à mains

Peu après un accident de voiture qui l’a rendu paraplégique à l’âge de 19 ans, en août 1996, Jimmy Pelletier a vu des images de Dean Bergeron au cours des Jeux paralympiques d’Atlanta. « Il avait une médaille autour de son cou, se souvient-il. À ce moment-là, je me suis dit que, moi aussi, j’irais aux Jeux. »

La parole n’est pas lancée en l’air. Malgré le choc, l’homme s’embarque dans une décennie d’efforts qui le mènera jusqu’aux Jeux paralympiques de Turin. En parallèle à sa carrière, il se lance une succession de défis et crée la Randonnée Jimmy Pelletier qui, jusqu’ici, a permis de récolter 475 000 $ pour des organismes de Québec.

Cette année, la Randonnée sera intégrée à un projet qui a nécessité près d’un an de préparation : la traversée du Canada entre Vancouver et Halifax. Du 7 mai au 10 juillet, Pelletier, accompagné de six autres cyclistes, fera les 7200 km sur son vélo à mains. Sept autres membres, dont une massothérapeute et une physiothérapeute, le suivront dans l’un des quatre véhicules récréatifs.

Grâce notamment à l’achat de kilomètres, il espère amasser 500 000 $ pour Patro Roc-Amadour et Adaptavie, deux organismes qui viennent en aide aux personnes vivant avec une déficience intellectuelle et physique ou avec le trouble du spectre de l’autisme. Un don sera aussi fait à des organismes de chacune des provinces.

« On fait la traversée en 67 jours, mais on prend une journée de congé dans chacune des 10 étapes, dit-il. Au total, je vais rouler au-dessus de 300 heures avec une moyenne de 125 km par jour. Ça fait longtemps que cette idée me trottait dans la tête puisque c’était le rêve de ma blonde. À un moment, je lui ai dit que j’allais réaliser ce rêve. »

Durant cette aventure, il y a d’abord les étapes qu’il anticipe pour la beauté des paysages. « J’ai très hâte de traverser les Rocheuses. J’aime bien le coin de Lake Louise et de Banff. Les Rocheuses, ça va être assez mouvementé. Mais ce qui est le fun, c’est qu’il n’y a pas de stress. Quand j’étais athlète, je devais m’entraîner pour retrancher des minutes ou des secondes. »

Il y a également les étapes qui s’annoncent très fortes symboliquement. Juste avant d’arriver à Calgary, au 11e jour de la traversée, il sera rejoint par Ryan Straschnitzki, l’un des survivants de la catastrophe d’Humboldt qui a décimé l’équipe des Broncos (Ligue de hockey junior de la Saskatchewan). « Quand ils leur ont rendu hommage au repêchage de la Ligue nationale et que j’ai vu des personnes en fauteuil roulant, je suis allé faire des recherches. J’ai vu que deux joueurs sont devenus paraplégiques et que l’un d’eux était à Calgary. Je lui ai envoyé un message pour essayer de le rencontrer. On a expliqué notre projet, ils ont volontiers accepté. Là-bas, ils vont nous accompagner durant les derniers kilomètres. »

Pelletier donnera aussi une conférence dans des écoles francophones de chacune des provinces traversées. Pendant une heure, il y parlera de son histoire, des aventures réalisées – dont l’ascension du Kilimandjaro en 2018 – et de sa traversée actuelle. Le message qu’il souhaite véhiculer tient en trois mots, « la persévérance, la détermination et la résilience ».

« Quand on me voit rouler, les gens disent : “Regarde, lui, il force avec ses bras. S’il est capable, moi aussi, je peux le faire.” »

Un grand sportif

Pelletier a toujours été un grand sportif. Il n’était donc pas question de tout stopper malgré cet accident de voiture. Au contraire, il ne voyait pas meilleur remède pour soigner sa forme physique et mentale. L’homme qu’il a vu de sa chambre d’hôpital, médaille au cou, est aussi devenu un proche.

« Quand j’ai rencontré Dean et qu’on a commencé à s’entraîner ensemble, il m’a vraiment pris sous son aile. Ça m’a aidé aussi à m’adapter. Ça m’a aussi permis de vivre mes rêves. En tant que mentor, il m’a permis de me sécuriser grâce à son calme. On s’entendait bien ensemble. »

— Jimmy Pelletier

Pelletier a testé une multitude de sports, du vélo à mains au marathon en passant par le tennis ou l’athlétisme en fauteuil roulant. Dans cette dernière discipline, il ne lui manquait qu’une à deux secondes par épreuve pour espérer participer aux Jeux paralympiques de Sydney en 2000. Il a finalement vécu son rêve sur les pistes de Turin, six ans plus tard, lors de l’épreuve de ski de fond en luge.

À côté de cette pratique sportive, l’ancien membre de l’équipe canadienne de paracyclisme a multiplié les activités de bienfaisance. La Randonnée, qui se déroulera entre Saint-Jean-sur-Richelieu et Québec du 27 juin au 1er juillet, célèbre son cinquième anniversaire. L’an dernier, il a également amassé des fonds lors de son ascension du Kilimandjaro, qu’il qualifie de « très belle expérience ».

« Quelqu’un qui fait du bénévolat pour moi organise des ascensions au Kilimandjaro. Je lui ai dit : “Marc [Provost], j’aimerais ça, moi, le monter. En 2009, quelqu’un l’a fait en vélo de montagne à mains et j’aimerais être le deuxième.” Je l’ai fait en réalisant mes deux rêves : être en haut des nuages et faire un safari. Par contre, ç’a été difficile de me rendre jusqu’à la fin. C’est à pic. À 200 m du sommet, il a commencé à y avoir des plaques de neige à certains endroits. On a essayé de les contourner le plus possible. Mais, mes compagnons n’avaient pas le choix de me lever ou de me tirer avec des cordes pendant que je pédalais en même temps. »

Les cordes ne seront pas utiles durant la traversée canadienne qui, par contre, ne manquera pas d’émotions.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.