OPINION

Ne touchez pas à ce qui fonctionne bien

En 2013, la Régie de l’assurance maladie a versé 1,2 milliard en honoraires. Bien que cette somme semble élevée, elle représente la rémunération totale des pharmaciens, pour l’ensemble des 178 millions d’actes posés et couverts par la RAMQ, ce qui représente environ 6,74 $ par acte.

Ces actes comprennent la vérification d’une nouvelle ordonnance accompagnée de la remise d’un conseil, la vérification du dossier lors d’un renouvellement, la rédaction d’une note au médecin pour suggérer un ajustement au traitement du patient, le refus de servir une médication qui pourrait porter préjudice au patient, la préparation et la vérification des piluliers pour une clientèle plus vulnérable, etc.

Ils n’incluent cependant pas les dizaines de conseils de médicaments en vente libre remis chaque jour en pharmacie ou au téléphone, ni les renouvellements que les patients nous demandent de faire parvenir par télécopieur à leur médecin.

Ainsi donc, ce montant moyen de 6,74 $ par acte représente le profit brut du pharmacien propriétaire. Il permet ensuite de couvrir les dépenses comme les salaires, le matériel, l’équipement informatique, le loyer, l’hydro, le téléphone, la livraison, la publicité et autres frais usuels d’un commerce.

Pour revenir à l’énoncé de base, en coupant 177 millions en honoraires, le gouvernement réduit d’environ 10,8 % les profits bruts du pharmacien (et non les revenus), pour l’exécution de ces tâches. Pour représenter l’impact de cette coupe, voyons un exemple simple : un commerce moyen de détail dégage une marge de profit brute d’environ 25 %, verse généralement 12 à 16 % (ou plus – pardonnez mes écarts, je ne suis pas comptable) de ce profit brut pour couvrir les diverses dépenses. Le reste, après impôts, représente le profit d’opération du pharmacien propriétaire.

Pour ceux qui suivent encore, si la part de profit de 25 % se trouve amputée de 10 %, comme le propose le gouvernement et que les autres dépenses restent identiques, la gestion de toute la partie publique du Régime d’assurance médicaments devient rapidement non rentable et même déficitaire ! La seule façon pour le commerce d’absorber une telle compression est de réduire radicalement l’offre de service ou d’augmenter ses revenus, et donc son profit, ailleurs. Compte tenu de l’aspect hyper-réglementé de la pharmacie, la deuxième option est difficilement réalisable.

Pour ma part, même si j’ai évidemment un parti pris, je critique ouvertement la décision du gouvernement de réduire de 177 millions les honoraires des pharmaciens, car elle contribue à détruire un de rares éléments du système de santé québécois qui fonctionnent relativement bien, avec une accessibilité 7 jours sur 7, 12 à 15 heures par jour, avec un professionnel disponible sans rendez-vous, dans un délai relativement acceptable…

OÙ FAIRE DES COUPES ?

Oui, mais on fait des coupes où alors ? Quelques idées : 

 – On arrête de perdre 3 à 6 mois avant d’accepter de payer pour un nouveau médicament générique (qui coûte le quart du prix d’un médicament d’origine). On le couvre dès sa sortie et on cesse de payer pour le médicament original.

 – On cesse de couvrir les médicaments d’origine chez la clientèle qui bénéficie de l’aide sociale, alors que le reste de la population doit payer un surplus à moins de choisir la version générique.

 – On impose un usage des molécules les moins dispendieuses pour traiter diverses maladies (diabète, cholestérol, hypertension).

 – On couvre le service de révision de la thérapie médicamenteuse, qui permet une ou deux fois par année de réviser l’ensemble de la thérapie d’une clientèle vulnérable, pour éviter les erreurs de prise, les oublis et réduire les hospitalisations.

Est-ce que ça dégage 177 millions ? Aucune idée, mais en même temps, je ne connais aucun autre groupe de la société ni aucun autre secteur d’activité commerciale à qui on demande de réduire de 10 % son bénéfice brut.

À bien y penser

Budget rouge et Vendredi fou

À voir tant de monde dans les magasins au Vendredi fou, je ne suis pas certain que la classe moyenne s’appauvrit.

— André Toulouse

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