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C’EST DU SÉRIEUX…

Une certaine frange d’amateurs du Canadien ne fait pas que regarder le hockey ; elle se sent carrément investie d’une mission pour aider l’équipe en séries. Aucun de ces superstitieux ne croit réellement que ses habitudes un peu maniaques auront une incidence sur le résultat des matchs, mais ça ne les empêche pas de laisser libre cours à leurs excentricités !

Enfermé dans les toilettes

Dino Roberge habite Gatineau et ce maniaque fini du Canadien voit 50 % des matchs de son équipe en séries. Seulement la moitié ? Oui, car il refuse de regarder les matchs à l’étranger. « Depuis l’année où Michael Thelven a fracturé le pouce de Stéphane Richer et que Patrick Roy a accordé un mauvais but à Cam Neely [1988], je ne suis plus capable de voir la réaction des amateurs dans d’autres arénas, explique-t-il. Je ne veux même pas avoir le score. » Comme si ce n’était pas suffisant, Dean ne regarde plus les prolongations depuis 1977, soit depuis l’année où Jacques Lemaire avait marqué en prolongation pour donner la victoire au Tricolore. Cette année-là, il s’était enfermé dans les toilettes. Et c’est ce qu’il fait constamment depuis. « J’ai un taux de succès d’environ 80 %, estime-t-il. En 1993, c’était fou, j’étais toujours dans les toilettes ! Je pars le ventilateur, je lis un livre, et on vient m’avertir quand c’est fini. On a gagné l’or comme ça, aussi. Quand Sidney Crosby a marqué pour l’équipe canadienne en 2010, j’étais dans les bécosses… Je sais que c’est niaiseux, mais je souffre pour la cause. »

Un rituel bien précis

Chaque année, Pascal Laplante a un rituel qu’il maintient jusqu’à l’élimination du Canadien. Il a pris cette habitude à l’époque où il suivait Patrick Roy, son joueur préféré, lui-même très superstitieux. Cette année, les jours de match, Pascal va travailler en tenue de golf, « pour conjurer le mauvais sort ». À son retour à la maison, il enfile un chandail des Phillies de Philadelphie et des shorts. « J’ai un chandail rétro du Canadien que je mets au Centre Bell, explique-t-il, mais je ne peux pas le porter chez nous, car à chaque fois que je le mets, on perd. » Avant d’aller coucher son bébé, il lui met une couche lavable aux couleurs du Canadien. Puis, il s’assure d’écouter les chansons Le but, Feels Like ’93 et Rock the Sweater. Que pense sa copine de tout cela ? « Elle me trouve pas mal épais. Quand je vais chercher mon vin rouge L’Orpailleur pour les matchs à domicile et mon Kim Crawford blanc pour ceux à l’étranger, elle me trouve ben tata… »

Le fauteuil

Chez David Côté, le hockey, c’est du sérieux. On aime ça même si ça nous énerve. Dès que ça se corse, son beau-père est incapable de regarder le match et doit changer de pièce. Sage décision pour cet homme qui souffre de tachycardie… David, lui, s’impose d’aller au gymnase trois heures avant chaque match. « J’ai besoin de sortir le stress, explique-t-il. Je suis tellement énervé durant les matchs qu’autrement je risquerais de faire une crise cardiaque ! » Une fois de retour à la maison, l’important pour lui est d’être toujours assis à la même place. Sans faute. « J’écoute souvent le hockey avec des beaux-frères et des cousins, et eux savent qu’il faut me laisser le fauteuil deux places, explique-t-il. Mais si j’ai de la visite, je dois trouver des façons de le réclamer. Lors de l’avant-dernier match contre les Sénateurs, un de mes chums est venu voir le match chez moi et il était assis à ma place. J’ai dû lui dire : “Viens voir les rénovations que j’ai faites dans ma chambre”, juste pour que je puisse reprendre ma place en revenant ! »

La bougie des séries

Angélique Martel n’a jamais été superstitieuse. Mais elle a constaté que les gens dans les médias sociaux l’étaient ! « L’an dernier, en deuxième ronde, j’ai dû aller à Paris pour le travail, raconte cette rédactrice à Elle Québec. J’étais déçue de ne pas voir le Canadien contre les Bruins. Avant le premier match, je suis entrée à La Madeleine pour allumer trois lampions : un bleu, un blanc et un rouge. J’ai mis la photo sur Twitter et sur Instagram, et le lendemain, j’ai reçu plusieurs messages qui me disaient : “Ça a marché ! Il faut que tu continues !” » Angélique a continué le rituel jusqu’à la fin de la deuxième ronde et, à son retour à Montréal, s’est mise à allumer sa « bougie des séries ». Elle a repris l’habitude ce printemps, sauf qu’un engagement l’a empêchée d’allumer sa bougie vendredi dernier, lors du cinquième match face aux Sénateurs. « Et on s’est fait planter solide, rappelle-t-elle. Évidemment, j’ai reçu plein de messages… J’ai créé un monstre ! »

Plusieurs couches de folie

Marie-Pier C. St-Jean possède un médaillon porte-bonheur du CH qui ne doit surtout pas changer de côté. « Quand je sors, je mets un petit morceau de papier collant pour l’empêcher de tourner, sinon ça porte malheur », précise-t-elle. Les soirs de match, elle écoute le hockey dans un fauteuil placé tout près du foyer. Et même si on arrive au mois de mai, le foyer doit être allumé. Le mannequin originaire de Repentigny a d’autant plus chaud que plusieurs couches peuvent ensuite s’ajouter à son rituel. « J’ai des accessoires pour chaque étape. Si l’on perd par deux buts, j’ajoute une paire de bas à ceux que je porte déjà. Et cette année, quand on perdait par un but, j’ai mangé un œuf Cadbury et le Canadien a marqué tout de suite. Je l’ai refait à chaque fois ! Je n’ai vraiment pas la dent sucrée – c’est à la limite dégueulasse – et je suis un peu tannée d’en manger, mais je le fais parce que c’est rendu un peu obsessionnel. » Des mitaines de four, un drapeau… L’attirail est sans fin. « Lorsqu’on s’est fait éliminer par les Rangers, j’avais toutes les solutions possibles empilées sur moi. Je me suis regardée avec un peu de recul et je me suis dit : “De quoi j’ai l’air ?” »

Les sous-vêtements pliés

Un soir, l’an dernier, Marc Poirier a réalisé que le CH l’avait emporté après qu’il eut plié une brassée de lavage. « Je ne sais pas trop comment ça a évolué, mais ils ont eu quelques victoires les soirs où j’ai plié mon linge. À un moment donné, on est allés dans un chalet pour écouter le match, je n’ai pas apporté de linge et ils ont perdu. C’est là que j’ai compris qu’il y avait quelque chose ! » L’homme originaire de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, a constaté que ça fonctionnait particulièrement bien avec les sous-vêtements. « C’est une évolution de cette année », dit-il en riant. Les brassées de lavage sont maintenant synchronisées avec les soirs de match. Mais avec des matchs tous les deux jours, il se garde des vêtements à plier pour plus tard. « Je ne prends pas ça très au sérieux », précise Marc Poirier. Bien sûr…

Bout d’ail à la porte

Philippe Desrosiers est animateur à la radio de Radio-Canada, professeur de psychologie au cégep et… grand fan. « Le hockey est quelque chose sur quoi il est impossible d’avoir un contrôle, alors on se donne l’illusion d’avoir une influence », dit-il à propos des superstitions. C’est donc avec moquerie qu’il a décidé d’accrocher un collier d’ail à la poignée de sa porte, afin de « repousser les méchants envahisseurs ». Le gag a beau être du second degré, Philippe se laisse quand même prendre au jeu. Il échange par texto avec un ami pour savoir si la casquette doit se porter à l’endroit ou à l’envers. Et maintenant qu’ils ont fait le constat que c’est en ne portant pas le chandail de l’équipe qu’elle a pu éliminer les Sénateurs, il est hors de question de l’enfiler pendant les matchs… jusqu’au jour où le rituel ne fonctionnera plus. « Il n’y a plus rien de sacré dans nos vies, il n’y a plus de rituels. Tout ça me fait du bien ! »

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