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Quatre femmes, quatre cibles

Menaces de viol, demandes de soumission et de silence. C’est ce que les détracteurs les plus insensibles du web infligent aux femmes qui « osent » prendre la parole en public pour exprimer leur opinion. Des femmes telles qu’Isabelle Maréchal, Denise Bombardier, Pénélope McQuade et Sophie Durocher. Des femmes qui refusent de capituler et qui n’ont pas dit leur dernier mot.

Isabelle Maréchal

« Tu n’as pas de cervelle », « Espèce de conne finie », « Vulgaire prostituée, je te cracherais dessus et j’ai hâte d’aller cracher sur ta tombe »… L’animatrice Isabelle Maréchal a beau se forger une carapace, la haine qui remplit chaque jour sa boîte courriel la sidère.

« Je n’ai pas de problème à débattre d’opinions, mais ce que je trouve désobligeant, c’est le ton acrimonieux, menaçant et extrêmement violent de ce qu’on m’écrit », raconte l’animatrice au 98,5 FM pour qui les menaces ont pris une ampleur démesurée ces dernières années.

« À TQS, un gardien me reconduisait à mon véhicule le soir parce que j’avais eu des menaces de mort. À l’époque, je pensais que c’était un seul fou. Mais force est de constater que ce mal-là a atteint beaucoup de monde. Je ne sais pas comment on va régler ça », s’interroge-t-elle. Elle constate qu’elle n’est pas la seule ; toutes les femmes qui expriment leur opinion semblent déranger.

« C’est comme s’il y a des groupes qui sont habilités à se lever et on les écoute. Mais une femme qui se lève, les gens vont dire : “Bon, qu’est-ce qu’elle veut, elle ? Elle est donc ben fatigante.” Mais moi, en tout cas, je ne me tairai pas. »

Denise Bombardier

Denise Bombardier le dit d’emblée : les gens l’adorent ou la détestent. En 40 ans de métier, elle a reçu de tout, y compris des menaces de mort envers elle et ses proches.

« À l’époque, je recevais des lettres anonymes à Radio-Canada. Des fois, comme dans les films, c’était des menaces en lettres découpées dans des revues. Ça prenait du temps. La pulsion haineuse devait être persistante. Aujourd’hui, c’est comme s’ils vomissent leur haine. Ils n’ont pas le temps de réfléchir à ce qu’ils viennent d’écrire. »

La femme de tête a toujours refusé de s’en plaindre. Le contraire aurait été d’accorder de l’importance à ces gens pour qui elle n’a « aucun respect ».

« Dans ce métier-là, ça prend une armure. J’ai toujours été comme ça. J’aime ce que je fais et je ne suis pas tuable. Je les ai à l’usure. »

Elle croit que des femmes trop jeunes se lancent maladroitement dans le genre éditorial et n’ont pas le profil ou l’expérience nécessaires pour encaisser les contrecoups.

« Il ne faut pas que les femmes se mettent à brailler et arrêtent d’écrire. Si tu dis des insanités ou que tu attaques des gens avec ta tribune, tu dois t’attendre à des réactions. »

Pénélope McQuade

Les nombreux commentaires sur son habillement, sa coiffure, son maquillage… Pénélope McQuade s’en balance. Par contre, elle abhorre les individus qui cherchent systématiquement à faire taire les femmes.

« Émotivement, je suis zéro affectée. Mais intellectuellement, ça me sort de mes gonds. C’est inacceptable ! Il faut que les femmes arrêtent de se faire dire : “Ta gueule, crisse de vache” », croit l’animatrice, qui fait de plus en plus de place à ses réflexions dans ses tribunes.

« Les filles qui font de l’opinion, controversée ou pas, elles se font toutes rentrer dedans. On dirait que c’est une question de liberté. Comme si cette liberté que je prends pour partager ma pensée, je l’enlève à quelqu’un. »

Des reproches, des menaces de viol, des vidéos d’hommes qui se masturbent, des attaques agressives… La populaire animatrice pourrait énumérer longtemps les messages moins glorieux qui s’accumulent dans sa boîte de réception.

« Moi, ce qui me préoccupe, c’est la question sous-jacente. Je ne pense pas que les réseaux sociaux empirent le problème. Je pense qu’ils sont un porte-voix pour cette pensée qui s’incruste de plus en plus profondément, c’est-à-dire la difficulté que certaines personnes éprouvent avec l’opinion féminine », nuance l’animatrice.

Sophie Durocher

« La pire fois, je pense que c’est quand j’avais écrit sur l’histoire de Joël Legendre. Des fans finis venaient me souhaiter d’avoir le cancer. Le cancer… C’est débile, souhaiter ça à quelqu’un. »

La chroniqueuse au Journal de Montréal vit bien avec la critique constructive. Le problème, c’est que la plupart des attaques dirigées à son endroit n’ont rien à voir avec le contenu de ses écrits.

« Quelqu’un qui t’écrit sur Twitter ou sur Facebook, c’est quelqu’un qui veut te faire de la peine, te faire du mal, observe-t-elle. On a beau dire que ça ne nous affecte pas, ce n’est pas vrai. »

Elle se souvient d’une comédienne connue qui avait écrit : « Quand je ne m’endors pas, plutôt que de compter les moutons, j’essaie de m’imaginer la vie sexuelle de Sophie Durocher. » Un exemple parmi tant d’autres.

« Les femmes reçoivent des attaques sur leur physique ou de nature sexuelle comme “Tu es mal baisée”. Les hommes, ça va être davantage physique, du genre “Je te pèterais la gueule !” en encore sur leurs idées », a observé celle qui partage le quotidien de Richard Martineau, qui reçoit lui aussi son lot de critiques virulentes.

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