Réseau électrique métropolitain

Le train de la Caisse n’est pas le bienvenu en zone agricole

L'emplacement projeté pour la gare terminale de la Rive-Sud est sévèrement critiqué

La Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) affirme qu’il serait « inopportun » de construire la gare terminale du Réseau électrique métropolitain (REM) de la Rive-Sud sur des terres propices à l’agriculture, et que cet empiètement « exercerait une pression insoutenable » sur la zone agricole, en Montérégie.

Dans un avis daté de vendredi dernier, la CPTAQ estime que la construction de cette gare dans le quadrant sud du carrefour des autoroutes 10 et 30, à Brossard, entraînerait la perte irrémédiable d’au moins 50 hectares de sols cultivables d’excellente qualité, soit une superficie équivalente à environ 80 terrains de football.

De plus, en réitérant que l’autoroute 30 constitue depuis longtemps « une limite de la zone agricole à ne pas franchir, dans ce secteur », la CPTAQ est d’avis que la construction de la station projetée par une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec, CDPQ Infra, exposerait 221 hectares de terres agricoles supplémentaires « qui pourraient être convoités à des fins de développement urbain », dans les années à venir.

L’avis de 60 pages rendu public hier par la CPTAQ critique très durement le travail de la filiale de la Caisse dans ce dossier, et met en doute plusieurs des arguments invoqués par CDPQ Infra pour justifier l’emplacement de la station sur des terres agricoles en friche situées à l’ouest de l’autoroute 10 et au sud de l’autoroute 30, en face du centre commercial DIX30.

Le REM est un projet de transports collectifs de 5,5 milliards de dollars proposé par une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec, CDPQ Infra.

150 000

Projection du nombre d’usagers par jour qui emprunteront le Réseau électrique métropolitain dès son ouverture, à la fin de 2020. 

Le réseau initial compterait 24 stations et s’étendrait sur 67 kilomètres. Il relierait le centre-ville de Montréal à la Rive-Sud, à la banlieue nord, à l’aéroport international Trudeau et aux municipalités éloignés de l’ouest de l’île de Montréal.

SITE PRIVILÉGIÉ

Pour son antenne de la Rive-Sud, CDPQ Infra requiert un site d’une superficie de 30 hectares qui accueillerait une station terminale, un stationnement incitatif de 3000 places, un terminus d’autobus doté de 17 quais et un atelier-dépôt pour le stationnement et l’entretien quotidien des rames de train.

En audiences publiques, la filiale de la Caisse a estimé que les terrains dans les autres quadrants du carrefour A10/A30 ne conviennent pas à ses besoins, parce qu’ils sont d’une taille insuffisante, qu’ils possèdent une mauvaise capacité portante ou qu’ils sont situés trop près des résidences prévues dans un projet immobilier futur.

ARGUMENTS BALAYÉS

Dans son avis, la CPTAQ déboulonne presque tous les arguments avancés par CDPQ Infra pour justifier l’emplacement de la station terminale de la Rive-Sud en zone agricole.

Après avoir exploré les emplacements voisins et les projets de développement qui sont prévus en bordure de l’autoroute 10, à Brossard, près du site privilégié, la CPTAQ est d’avis que le projet pourrait « être réalisé entièrement dans le territoire non agricole, en répondant aux besoins identifiés et aux objectifs du projet ».

De plus, la CPTAQ dit ne pas comprendre « d’où vient cette nécessité de réunir sur un même site toutes ces infrastructures » prévues par CDPQ Infra pour la station de la Rive-Sud. La commission souligne ainsi que sur l’antenne de Deux-Montagnes du REM, l’atelier-dépôt sera localisé à 1,7 km de la station terminale. De même, sur l’antenne de Sainte-Anne-de-Bellevue, dans l’ouest de l’île de Montréal, le stationnement incitatif et le terminus d’autobus qui étaient prévus en fin de ligne ont été relocalisés à la station suivante, à plusieurs kilomètres de distance, pour préserver deux milieux humides.

« La commission se demande pourquoi on ne met pas autant d’efforts pour protéger le territoire et les activités agricoles que pour préserver des milieux humides, des bâtiments patrimoniaux ou des espaces à développer. »

— Extrait de l’avis de la Commission de protection du territoire agricole du Québec

La CPTAQ estime enfin qu’en plus des 30 hectares soustraits à la zone agricole pour les besoins de la station, les terrains résiduels situés près du site seront enclavés, au point d’y rendre la remise en culture très difficile. Pour cette raison, les pertes réelles de terres agricoles seraient « de l’ordre de 50 hectares », selon la CPTAQ, et non de 30 à 35 hectares, comme l’affirme CDPQ Infra.

VERS UN DÉCRET ?

La CPTAQ, créée en 1978, est un organisme administratif et judiciaire qui a pour mandat de veiller au respect de la loi québécoise sur la protection du territoire agricole. Elle rend jugement sur toutes les demandes d’utilisation de ces terres à des fins autres que l’agriculture et conseille le gouvernement du Québec sur toute question relative au territoire agricole.

L’avis de la CPTAQ sur l’implantation de cette station en zone agricole a été demandé par le ministère des Transports du Québec, le 12 août dernier. Dans ce dossier, le Ministère agit au nom de CDPQ Infra, en matière d’acquisitions immobilières, parce que celle-ci n’a pas de pouvoir d’expropriation.

Hier, le porte-parole de CDPQ Infra, Jean-Vincent Lacroix, a estimé que cet avis « est un élément de plus au dossier » et que la Caisse en tiendra compte dans ses discussions avec le gouvernement du Québec, qui pourrait maintenant être forcé d’adopter un décret pour soustraire le site convoité au territoire agricole protégé.

Ce faisant, estime la CPTAQ, Québec devra aussi modifier unilatéralement le Schéma d’aménagement de l’agglomération de Longueuil et le Plan métropolitain d’aménagement et de développement de la Communauté métropolitaine de Montréal, parce que ces plans d’occupation du territoire interdisent tous les deux des empiètements dans la zone agricole.

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