Ski de fond

« Il est l’un des meilleurs au monde »

Devon Kershaw parierait volontiers sur les chances de médaille de son coéquipier Alex Harvey... si c’était légal !

PyeongChang — Pour bien comprendre Alex Harvey, il faut voir Devon Kershaw parler de lui avec admiration. Si l’Ontarien s’apprête à disputer ses quatrièmes Jeux olympiques, il l’attribue en grande partie à son ami de Saint-Ferréol-les-Neiges.

Au début des Jeux de Turin en 2006, Kershaw avait participé à un événement de presse avec ses collègues masculins. « On était l’équipe la plus anonyme. Il n’y avait pas trop de médias... »

Hier après-midi, dans une salle du centre de presse principal, une quarantaine de journalistes et photographes ont assisté à la conférence d’ouverture de l’équipe canadienne de ski de fond à PyeongChang. Emily Nishikawa, Dahria Beatty et la Québécoise Cendrine Browne représentaient les femmes, Kershaw, Len Valjas et Harvey, les hommes.

Tout le monde a eu droit à quelques minutes pour expliquer ses attentes en Corée du Sud. La période de questions et réponses a beaucoup tourné autour du dopage (voir le deuxième onglet).

Évidemment, Harvey et Kershaw ont accaparé le gros de l’attention, tout en braquant les projecteurs sur leurs coéquipiers, une « deuxième famille », dixit le Québécois.

À la blague, Kershaw a dit qu’il avait laissé sa « marchette » à la porte du centre de presse. 

« Plusieurs choses ont changé. Juste de voir le genre de skieur qu’Alex est devenu depuis 2013-2014, ça a été l’un des faits marquants de ma carrière. Pas seulement de le suivre comme un partisan, mais de pouvoir faire partie de tout ça. Ça a été une aventure merveilleuse. »

— Devon Kershaw, âgé de 35 ans

Quelques semaines après les Jeux de Turin, Kershaw est monté sur un podium en Coupe du monde, une première pour un fondeur masculin depuis Pierre Harvey en 1988. L’arrivée du Russe d’origine Ivan Babikov, maintenant entraîneur dans l’équipe, et de Harvey a donné un autre souffle.

En 2010, les trois hommes ont amorcé les Jeux de Vancouver comme des négligés. « Il n’y avait pas de pression et on a surpassé les attentes », a noté Harvey, qui avait 21 ans à l’époque. « Personnellement, ça a été un tournant dans ma carrière. Devon avait terminé cinquième au 50 kilomètres, Ivan, cinquième au 30 et Devon et moi, quatrièmes au sprint par équipes. On était vraiment proches du podium, mais on n’y était pas encore tout à fait. Ça nous a donné la motivation pour nous entraîner fort. En même temps, ça nous a fait réaliser que c’était possible. »

L’année suivante, Harvey et Kershaw sont devenus champions du monde au sprint par équipes. Valjas, un grand sprinter torontois, s’est joint au groupe. Les podiums se sont succédé en Coupe du monde. Les Jeux de Sotchi devaient être une consécration. Ils ont plutôt viré au cauchemar sur une odeur de fartage raté.

« On a beaucoup appris, a relevé Harvey. On a pris le positif de Vancouver, le négatif de Sotchi, et on a bâti une très bonne équipe. Notre équipe technique a changé un peu. On a de meilleurs outils, un meilleur soutien. On ne peut rien tenir pour acquis. On est mieux préparés que jamais et on arrive ici avec beaucoup de confiance en nous, mais pas trop. Il faut trouver le bon équilibre. On doit laisser parler les jambes. »

Une médaille ?

À PyeongChang, Harvey veut évidemment une médaille. Le skiathlon, son épreuve favorite, pourrait donner le ton dimanche. Les pronostiqueurs l’ont dans leur ligne de mire, de Sports Illustrated à l’Associated Press en passant par La Presse (à voir dans le guide de demain), qui l’attendent deux fois sur le podium.

Kershaw voit lui aussi son coéquipier dans sa soupe. « Il est l’un des meilleurs au monde. Il était troisième du Tour de ski, il vient de finir deuxième en Autriche. Il y a peut-être quatre ou cinq gars vraiment forts dans chaque épreuve. Alex est l’un de ceux-là. Trois chances sur cinq, si ce n’était pas illégal, moi, je mettrais de l’argent là-dessus, c’est sûr ! Mais ce n’est pas une garantie. Il peut gagner quatre, cinq médailles, mais il peut aussi finir quatrième quatre ou cinq fois. »

Même s’il a rarement raté son coup dans les grands événements, Harvey en est bien conscient. « Bien sûr, je vise des médailles, c’est mon rêve depuis que je suis tout jeune. D’autres personnes visent dans l’équipe des records personnels, ce qui est aussi excitant. On veut tous réussir nos meilleures courses aux Jeux. Si on réussit ça, on n’aura pas le droit d’être déçus. Je veux juste partir d’ici avec le sentiment du devoir accompli, peu importe ce que j’ai autour du cou ou pas. »

Ski de fond

« Les Jeux les plus propres »

PyeongChang — Au moment où les affaires de dopage continuent de monopoliser l’actualité à PyeongChang, Alex Harvey s’attend néanmoins à disputer « les Jeux olympiques les plus propres » de mémoire récente.

Encouragé par les « mesures draconiennes » prises par le Comité international olympique (CIO) et le « message clair » envoyé depuis le scandale de Sotchi en 2014, le fondeur de Saint-Ferréol-les-Neiges est persuadé que les tricheurs seront moins nombreux en Corée du Sud.

« Tu ne peux jamais rien garantir, mais il y en aura moins que jamais en tout cas, a jugé Harvey, hier après-midi. Ça, je le crois fermement. […] Ce message fort envoyé, c’est peut-être la plus grande victoire pour tous les autres athlètes. Personne ne peut se permettre de prendre de risques. Je pense que ça va être les Jeux les plus propres [depuis longtemps]. »

Harvey réagissait à l’appel d’urgence déposé le même jour par 32 athlètes russes, dont le fondeur Sergey Ustiugov, devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) pour être réintégrés aux Jeux de PyeongChang. Une chambre ad hoc du TAS doit rendre une décision aujourd’hui.

Par ailleurs, une enquête conjointe menée par le quotidien britannique The Times et la chaîne de télévision allemande ARD a éclaboussé un peu plus le ski de fond. Un lanceur d’alerte a fourni à ces médias une base de données contenant les résultats de 10 000 tests sanguins effectués par la Fédération internationale de ski (FIS) de 2001 à 2010. Selon un expert, ces données concernant 2000 athlètes révèlent que près du tiers des médaillés aux Jeux olympiques et aux Championnats du monde depuis 2001 présentaient des paramètres hématologiques suspects.

Au total, 291 fondeurs auraient remis des tests suggérant des manipulations sanguines irrégulières durant cette période. Parmi les pays les plus touchés, la Russie vient en tête, avec 51 athlètes concernés. Dix fondeurs canadiens auraient aussi présenté des résultats de tests anormaux.

Harvey, qui n’était pas au courant de l’existence de cette enquête, s’est dit surpris de voir le Canada impliqué. « C’est possible parce que je ne suis pas avec tout le monde 365 jours par année, c’est possible dans tous les sports, c’est sûr, mais selon moi, non, il n’y en avait pas [au Canada] », a-t-il indiqué en marge de la conférence de presse de l’équipe canadienne de ski de fond à PyeongChang.

Passeport biologique

Comme le passeport biologique et son suivi longitudinal ne sont entrés en vigueur qu’en 2009, Harvey a émis l’hypothèse que les pratiques de suivi antidopage de l’époque expliquaient le nombre élevé de valeurs suspectes.

« Avant, il y avait une limite pour le niveau d’hématocrite [proportion de globules rouges dans le sang] et je sais qu’un Canadien, Sean Crooks, avait été au-dessus de la limite en 2006. Après ça, ils ont changé. C’est un hématologue qui analyse les données sanguines parce qu’il y en a pour qui elles sont naturellement élevées. Personnellement, je n’ai jamais été trop élevé. »

Le vétéran Devon Kershaw a lui aussi soulevé l’exemple de son « grand ami » Crooks, un coéquipier aux Jeux de Turin en 2006. « Je n’ai jamais rien entendu de tel au Canada, mais c’est sûr que je suis déçu quand je lis des choses comme ça », a commenté l’ancien numéro deux mondial.

« Ce n’est pas juste pour le sport. On ne veut pas d’un monde fait de tricheurs qui ne subissent pas de conséquences. C’est laid. C’est plus que décevant. »

— Devon Kershaw

Kershaw a déploré le manque de « transparence » du CIO et le fait que les décisions se prennent derrière des portes closes. « Personnellement, je ne comprends pas pourquoi des personnes du CIO, de l’Agence mondiale antidopage et de la FIS portent plusieurs chapeaux. Je n’ai qu’une tête et je ne sais pas pourquoi certains pourraient porter deux chapeaux... Je suis déçu quand je lis des trucs comme ça. »

Surpris de la suspension d’Ustiugov, quintuple médaillé aux derniers Mondiaux dont le nom n’avait jamais été mêlé au scandale de Sotchi, Harvey ne perdra pas le sommeil en attendant que le TAS tranche sur son cas et celui de ses 31 collègues.

« Moi, sur la ligne de départ dimanche prochain, que n’importe qui soit là, je fais ma course et je ne doute pas que même si Ustiugov est là, je suis capable de skier plus vite que lui », a affirmé le champion mondial québécois.

Hymne national

Un (autre) défi pour les athlètes canadiens

Le Comité olympique canadien (COC) demandera aux athlètes qui participent aux Jeux de PyeongChang de chanter les nouvelles paroles en anglais de l’Ô Canada qui ont récemment été modifiées afin de rendre l’hymne plus neutre en ce qui a trait au genre. Les athlètes se souviendront-ils de ces nouvelles paroles au milieu de l’euphorie de la conquête d’une médaille d’or ? « Je peux vous le jurer, les paroles de l’hymne national sont enracinées en moi depuis 36 ans. Je ne me souviendrai pas de ce changement, je suis désolé pour tous ceux que je pourrais offenser », a notamment déclaré Jesse Lumsden, freineur en bobsleigh. Le 31 janvier, le Sénat a adopté le projet de loi C-210 afin de remplacer, dans les paroles officielles de l’Ô Canada en anglais, les mots « un vrai amour de la patrie anime tous tes fils » par une version plus inclusive, soit « un vrai amour de la patrie nous anime tous ».

— La Presse canadienne

Sécurité

Épidémie de norovirus

Quelque 1200 employés de la sécurité des Jeux de PyeongChang sont confinés dans leurs chambres pendant qu’ils font l’objet de contrôles pour le norovirus. Lee Hee-beom, président du comité organisateur des Jeux, a déclaré que ces employés seraient mis en quarantaine jusqu’à ce qu’ils soient déclarés sains. Le comité organisateur des Jeux a révélé lundi que les autorités avaient commencé à enquêter sur une épidémie de norovirus après que 41 agents eurent souffert de diarrhée et de vomissements. Le norovirus est un virus contagieux qui provoque des douleurs abdominales, des nausées et de la diarrhée.

— Associated Press

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