« On a l’impression que les œuvres arrivent par magie, mais non… » lance Nathalie Bondil, directrice générale et conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM).
Même si le MBAM n’a pas les moyens du musée d’Orsay, il crée beaucoup d’expositions prestigieuses qui sont ensuite appelées à partir en tournée. C’est le cas de l’exposition en cours sur Alexander Calder – qui connaît un grand succès – lancée par Mme Bondil.
Il faut être créatif, explique-t-elle. Oui, ce serait formidable de faire une exposition sur Van Gogh ou Vermeer. Mais bonne chance !
« La première question à se poser, c’est : “Est-ce un projet réaliste ?”, indique Nathalie Bondil. Le nerf de la guerre, c’est d’avoir des œuvres à exposer. Comme quand on fait un film, on veut le meilleur casting. »
Comment s’y prendre quand on n’a pas le budget d’une superproduction ? « Il faut que le sujet soit assez fort pour convaincre les prêteurs de la pertinence du projet. »
Avec un argumentaire d’une grande « qualité scientifique et académique ».
« Quand on demande des œuvres de Calder ou de Picasso, il y a énormément de compétition partout dans le monde. Il faut se démarquer avec la force de notre projet. »
— Nathalie Bondil, conservatrice en chef du MBAM
De nombreuses œuvres de Calder exposées au MBAM – il y en a 150 – ont rarement été présentées ou ne l’ont jamais été. Certaines ont aussi été restaurées pour l’occasion. Si la Calder Foundation et de grands musées comme le Centre Pompidou, le Guggenheim, le Whitney et le Metropolitan Museum of Art ont fait des prêts, c’est forcément en raison de l’angle novateur de l’exposition sur Calder en tant « qu’inventeur radical ».
Et si Thierry Mugler a décidé que le MBAM allait présenter la première exposition mondiale sur son travail en haute couture – il avait refusé des offres de plusieurs autres institutions muséales –, c’est grâce aux arguments de Mme Bondil et au succès de l’exposition sur Jean Paul Gaultier en 2011.
Autre bon coup : l’exposition Napoléon – Art et vie de cour au palais impérial, présentée au début de 2018, avec plus de 400 œuvres et objets provenant de près de 60 prêteurs. L’exposition conçue par le MBAM tournera dans quatre villes au total, dont Fontainebleau, où se trouve le musée Napoléon 1er en France. « C’est un an et demi. C’est énorme comme durée de prêts. »
« L’art ancien, c’est fragile et difficile à obtenir, et il y a plein de projets sur Napoléon, souligne Nathalie Bondil. Or, c’était un projet nouveau d’un point de vue académique et de l’érudition, donc nous avons eu des prêts extrêmement prestigieux. »
« Comme je le dis souvent : nous n’avons pas de pétrole, mais nous avons des idées. Quand on dit qu’un dollar va loin au Québec, c’est vrai », lance-t-elle.
Des musées puissants
Si vous êtes le musée d’Orsay ou le Louvre, avec une riche collection permanente, vous avez de la « puissance » pour négocier, explique Nathalie Bondil.
À Paris, la Fondation Louis Vuitton a aussi les moyens d’emprunter 30 chefs-d’œuvre de Sergueï Chtchoukine, comme elle l’a fait en 2016.
Sinon, un musée bien nanti comme le Young Museum de San Francisco peut s’offrir « une exposition clés en main » dispendieuse sur Picasso ou l’Égypte ancienne.
« C’est la force de l’argent », résume Nathalie Bondil.
Pour la directrice générale du MBAM, ce n’est pas ce qui l’allume. Elle préfère « les projets plus complexes ».
Or, un musée comme le MBAM ne peut pas créer toute sa programmation. Il adapte parfois des expositions, dont celle D’Afrique aux Amériques : Picasso en face-à-face présentée l’été dernier. Et il lui arrive de prendre des projets clés en main. Le MBAM présentera par ailleurs Momies égyptiennes, exposition du British Museum qui a beaucoup voyagé et qui sera dévoilée pour la première fois en Amérique du Nord.