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Une majorité de professionnels atteints de détresse psychologique

Détresse psychologique, sentiment d’impuissance, démotivation, absentéisme : les professionnels en santé affirment que les compressions et réorganisations qui touchent actuellement le réseau se font au détriment de la santé psychologique de ses travailleurs.

L’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) a dévoilé, hier, les résultats d’un sondage montrant que 60 % de ses membres disent souffrir de détresse psychologique « élevée » ou « très élevée ». L’APTS cite des données publiques montrant que ce taux est de 19 % pour l’ensemble des travailleurs québécois.

Les 32 000 travailleurs affiliés à l’APTS sont des physiothérapeutes, travailleurs sociaux, psychologues et techniciens de laboratoire, notamment.

« Pour nous, il y a un nom : Gaétan Barrette, qui est le grand responsable de cette situation catastrophique. »

— Carolle Dubé, présidente de l’APTS

Le syndicat jette le blâme sur les compressions et réorganisations dans le réseau de la santé, notamment le récent projet de loi 10, pour expliquer le piètre état de ses troupes. Le sondage a été mené l’automne dernier auprès de 6980 travailleurs avec l’aide de chercheurs de l’Université Laval. Il indique aussi que 65 % des répondants estiment manquer de temps pour bien accomplir leurs tâches et que 35 % d’entre eux ont pris au moins un jour de congé au cours de la dernière année pour des raisons psychologiques.

« On s’en va vers une explosion des prestations d’assurance salaire, et ça va coûter cher », prédit Mme Dubé, qui affirme que le phénomène est déjà commencé.

« Les 12 travaux d’Astérix »

Mélanie Roy, ergothérapeute à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, est venue témoigner des « conséquences majeures » qu’a eues le projet de loi 10 sur ses collègues et elle.

« On est bousculés, on est à bout de souffle. Des collègues tombent et ne sont pas remplacés, et ceux qui restent doivent éteindre les feux », a-t-elle dit.

Elle affirme que les gestionnaires eux-mêmes sont dépassés par les nombreux changements qui se sont succédé au fil des ans. « On ne se retrouve plus dans les structures. On est dans les 12 travaux d’Astérix », lance-t-elle.

« Les gestionnaires nous demandent de tourner les coins ronds, et on est inquiets pour les patients. »

— Isabelle Mantha, technologiste médicale au Centre hospitalier de Granby

La présidente du syndicat, Carolle Dubé, « interpelle » le ministre Barrette pour que les travailleurs soient davantage consultés au sujet des changements qui les touchent. Elle affirme que des « comités paritaires », prévus à la convention collective, doivent être mis sur pied pour se pencher sur la santé psychologique des travailleurs.

« Nos membres sont des spécialistes, pas des pions. Ils ne méritent pas d’être malmenés au gré des idées de grandeur du ministre », lance-t-elle.

Au cabinet du ministre Barrette, on affirme que la question de la santé mentale est « importante » et qu’un « plan d’action en santé mentale 2015-2020 » a même été déployé pour accompagner les employés. « Nous n’avons pas eu accès au sondage complet de l’APTS, ni aux détails et aux bases qui leur permettent de conclure que la réforme est la cause des enjeux de santé mentale dans le réseau », affirme l’attachée de presse du ministre Barrette, Julie White, qui soutient que la mise en place du plan d’action est suivie avec attention.

Le projet de loi 10

Proposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, et adopté il y a deux ans, le projet de loi 10 modifie profondément l’organisation du réseau québécois de la santé. Il a aboli un palier administratif, les 18 agences régionales, et fusionné les 182 centres de santé et de services sociaux (CSSS) en 28 entités. Le projet de loi a aussi créé les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS), qui chapeautent tout le réseau. Il vise à dégager des économies annuelles de 220 millions.

Les principales conclusions du sondage

60 % des répondants disent vivre un niveau de détresse psychologique « élevé » ou « très élevé ».

60 % disent avoir été affectés négativement par le projet de loi 10.

60 % affirment qu’ils ont peu d’influence sur leur propre travail.

65 % disent ne pas avoir assez de temps pour faire leur travail.

35 % disent avoir pris au moins un jour de congé pour des raisons psychologiques au cours de la dernière année.

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