Élimination des référendums municipaux

Des groupes de citoyens craignent de perdre leur levier de négociation

Pas dans ma cour. Forces de l’immobilisme. Refus du développement. Plusieurs groupes de citoyens ayant eu recours aux référendums jugent réductrice la façon dont leurs démarches sont décrites. Pour eux, imposer un vote représente avant tout le seul levier de négociation pour convaincre promoteurs et élus d’améliorer un projet qui aura des répercussions sur leur milieu de vie. La Presse a rencontré plusieurs associations citoyennes qui craignent les répercussions du projet de loi 122 prévoyant l’élimination des référendums à Montréal et Québec et leur affaiblissement ailleurs dans la province.

Résister à Gilles Vaillancourt

Huguette Larochelle se bat depuis 23 ans pour préserver trois îles situées près de Laval. Et elle est catégorique : sans référendum, elle est convaincue qu’elle n’aurait jamais réussi à tenir tête à l’ex-maire Gilles Vaillancourt, qui souhaitait y permettre du développement immobilier.

« Si les villes avaient joui des mesures du projet de loi 122, les îles seraient aujourd’hui déjà développées comme d’autres zones de Laval », dit Huguette Larochelle.

La Lavalloise n’a pas apprécié les commentaires du ministre des Affaires municipales lors de l’étude sur les citoyens qui abusent des référendums. « J’ai l’impression que [Martin] Coiteux veut retirer aux citoyens la possibilité d’avoir un mot à dire dans la vie de leur ville. »

Huguette Larochelle n’accepte pas plus les arguments de ceux qui estiment qu’il revient aux élus de trancher. « Je trouve cela d’une bassesse. Ce n’est pas parce qu’on a le droit de vote qu’il ne faut plus s’occuper de politique. »

Oui dans ma cour

Les groupes citoyens se font souvent accuser de faire du « pas dans ma cour ». C’est pourtant tout le contraire du Comité des amis du Village Saint-Augustin, dans l’arrondissement du Sud-Ouest, à Montréal. Ses membres ont récemment utilisé la procédure référendaire pour conserver le droit de construire un troisième étage à leur résidence.

Pour contrer la spéculation immobilière dans ce secteur en ébullition de la Ville, des élus du Sud-Ouest avaient proposé plusieurs changements au zonage, notamment une réduction de la hauteur des bâtiments pouvant être construits. Des citoyens se sont toutefois mobilisés, estimant que cette décision réduirait la valeur de leur propriété.

Fait inusité, les élus dont la décision a été contestée travaillent pour Projet Montréal, qui a défendu cette semaine en commission parlementaire le droit des citoyens de recourir aux référendums. La conseillère Anne-Marie Sigouin dit que cette contestation a été salutaire, en bout de piste. « Ça a obligé les élus à tenir compte des préoccupations de ces citoyens. On a retiré les dispositions en se disant que ces gens avaient des craintes et qu’il fallait y répondre. Ça nous a donné la possibilité d’approfondir notre réflexion pour voir si nos mesures étaient les meilleures. »

Un des citoyens, Gilles Labranche, se dit heureux d’avoir pu compter sur ce contre-pouvoir. « C’est grâce à la force d’un référendum possible qu’on a réussi à les faire reculer. Sans référendum, on aurait été pris avec une modification qui faisait perdre pas mal de valeur à nos propriétés. »

des Petits groupes ?

Lucie Lamarche n’en peut plus d’entendre les partisans de l’abolition des référendums dire que des « petits groupes de citoyens imposent leur volonté à la majorité ». « Je trouve que 250 personnes, ce n’est plus un petit groupe. Ce n’est pas comme si on était deux, trois anarchistes au coin d’une rue », dit la membre de Verdun citoyen.

Le groupe est en démarche pour bloquer la voie à un projet qui prévoit la construction d’une épicerie avec une soixantaine de logements au-dessus. Les citoyens estiment que la rue est trop étroite pour un tel projet qui devrait générer beaucoup de circulation.

Verdun citoyen a obtenu la tenue d’un registre, dont la date devrait être annoncée en mars, pour déterminer si un référendum sera déclenché. Lucie Lamarche précise ne pas être contre tout développement. Elle veut toutefois que le projet soit amélioré afin de respecter le quartier. « Ce n’est pas l’assassinat d’un projet. Le référendum ajoute à la capacité de bonifier un projet », estime-t-elle.

des améliorations, pas l’abolition

Le 5 mars, 500 citoyens de Val-David seront appelés à se prononcer sur un changement de zonage autour d’un lac. Au cœur du conflit se trouve ironiquement le résultat d’une consultation publique aujourd’hui contesté par un petit groupe de citoyens.

La municipalité des Laurentides dit avoir reçu beaucoup de demandes pour permettre aux travailleurs autonomes d’exploiter leur entreprise depuis leur résidence, durant la consultation pour revoir les règles autour du lac afin de le préserver. D’autres ont aussi réclamé de pouvoir aménager un logement dans leur sous-sol pour aménager une résidence multigénérationnelle.

La mairesse Nicole Davidson affirme toutefois que la machine à rumeurs s’est emballée, certains craignant que ces changements n’ouvrent la porte à l’arrivée de salons de massage érotique. Une pétition s’est mise à circuler, ce qui a mené à l’ouverture d’un registre, qui a été signé par suffisamment de citoyens pour enclencher un référendum qui coûtera 10 000 $ à la municipalité.

Nicole Davidson a beau estimer que ce groupe de citoyens a abusé en forçant la tenue d’un référendum, elle ne croit pas pour autant que cette procédure devrait être abolie. L’améliorer suffirait. « Dans ce cas, je pense qu’on fait face à un abus citoyen, mais, oui, il pourrait y avoir des cas d’abus municipaux. Alors, où tracer la ligne ? Il faudrait améliorer la manière de faire, d’informer les gens. Les citoyens ont raison de dire qu’ils ont le droit de se faire entendre, mais en même temps, il faut agir pour le bien de la majorité des citoyens. » L’élue souligne d’ailleurs que la première fois que sa municipalité vit un tel référendum.

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