Impôt sur le gain en capital

Une rumeur qui fait peur

La rumeur donne la frousse à certains contribuables, anxieux de la lourde facture d’impôts qui en découlerait.

Selon cette rumeur, le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, haussera l’impôt sur le gain en capital lors du budget qui sera déposé demain. La portion du gain imposable passerait de 50 à 75 %, comme elle l’était entre 1990 et 2000.

« Cette rumeur crée pas mal d’incertitudes. Elle rend des gens nerveux », dit Jean-François Thuot, associé au sein de la firme PwC. Le fiscaliste juge qu’il y a une bonne probabilité que Bill Morneau aille de l’avant.

Un gain en capital est réalisé lorsqu’il y a vente à profit d’une résidence secondaire, d’une entreprise ou encore d’actions en Bourse, par exemple.

Trois raisons alimentent cette rumeur, que ne peut jamais commenter le ministère des Finances. D’abord, le gouvernement libéral a clairement fait son nid pour la classe moyenne. L’an dernier, il a haussé le taux marginal maximal de l’impôt des particuliers de 3,3 points de pourcentage, ce qui a eu pour effet de le faire passer de 50 à 53,3 % (en incluant le régime fiscal québécois).

Ce taux maximal de 53,3 % frappe les revenus d’emploi entièrement. Dans le cas du gain en capital, seulement 50 % est imposé. Une hausse de ce taux d’inclusion à 75 % serait une autre façon de puiser dans le gousset des mieux nantis et de réduire les inégalités de revenus, auxquelles les libéraux fédéraux sont sensibles.

Deuzio, le déficit fédéral gonfle à vue d’œil, avec les difficultés financières des provinces pétrolières. Un redressement du taux à 75 % serait une façon de remplir les coffres de l’État. Il ferait augmenter le taux d’imposition net maximum sur le gain en capital de quelque 26,7 % à 40 %, en supposant que le Québec suivrait (ce qui a été le cas par le passé).

Pour un contribuable qui réalise un gain en capital de 1 million de dollars, la facture grimperait donc de 133 000 $ (1).

Globalement, l’exemption actuelle de 50 % coûte environ 1,5 milliard par année aux deux gouvernements pour les contribuables du Québec. En faisant passer le taux d’inclusion à 75 %, la facture diminuerait de moitié, à 750 millions. Le Québec représente un peu moins du quart de la population canadienne.

Il faut prendre ce calcul comme un ordre de grandeur, puisqu’il suppose notamment qu’une hausse à 75 % n’aurait pas pour effet de changer le comportement des contribuables visés.

Troisième raison qui alimente les rumeurs : l’écart grandissant au fil des années entre le taux d’imposition net du gain en capital et celui des dividendes. L’écart entre les deux taux est passé de 8 % il y a quelques années à plus de 13 % aujourd’hui. Par exemple, au Québec, le taux net est maintenant de 26,7 % pour le gain en capital, mais de quelque 40 % pour un dividende déterminé.

En revanche, d’autres croient que Bill Morneau ne fera rien. D’une part, la mesure ne faisait pas partie du plan du Parti libéral des dernières élections. Surtout, la décision serait mal avisée avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis, qui a promis d’abaisser les impôts des riches contribuables. Une hausse au Canada nuirait à notre compétitivité fiscale.

Essentiellement, le système fiscal américain est structuré de sorte que les particuliers paient l’équivalent de 50 à 80 % du taux régulier pour les différentes formes de gain en capital à long terme, comparativement à 50 % au Canada. Le taux régulier est toutefois plus élevé au Canada.

Pour les gains à court terme (un an ou moins), les particuliers paient aux États-Unis le même taux que leurs revenus d’emploi ou, autrement dit, 100 % du taux régulier.

Le changement d’Ottawa pourrait être coûteux. En supposant qu’il n’y ait pas de mesures transitoires, les entrepreneurs sur le point de conclure une transaction importante pourraient voir grimper de 33 % leur facture fiscale d’un seul coup.

Les fiscalistes ont donc recommandé à leurs clients de cristalliser leurs gains en capital, entre autres. Il est possible d’y parvenir en cédant les actifs qui ont pris de la valeur à une société par actions et de provoquer ainsi la réalisation d’un gain en capital avec le taux d’inclusion à 50 %, sous réserve de certaines conditions.

Cette planification doit être réalisée avant l’entrée en vigueur du changement. Ce changement pourrait être fait dès demain, mais plus probablement à une date qui serait précisée par Bill Morneau, comme le 1er janvier 2018. Il n’est pas impossible qu’elle exclue l’immobilier.

L’imposition moindre du gain en capital, rappelons-le, vise notamment à récompenser la prise de risque et à contrer les effets de l’inflation sur la valeur des actifs.

À tout événement, il serait souhaitable que le gouvernement fédéral imite les Américains en imposant pleinement le gain en capital pour les actions en Bourse détenues à court terme. Cette distinction permet de décourager la spéculation.

1. Ce calcul est basé sur l’hypothèse que le contribuable visé n’a pas droit à l’exemption sur le gain en capital ou qu’il l’a déjà utilisée.

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