Jean-Jacques Muyembe Tamfun était au Québec, la semaine dernière, pour y rencontrer des spécialistes des maladies infectieuses (dont Michel Chrétien, Majambu Mbikay et son grand ami Gary Kobinger). Pendant ce temps, dans son pays, le virus Ebola fait encore des siennes.
Avec plus de 3000 cas confirmés et 2177 morts, l’épidémie qui frappe l’est de la République démocratique du Congo depuis plus d’un an est l’une des plus meurtrière de l’histoire. Le Dr Muyembe Tamfun la décrit comme « la bataille la plus difficile de sa carrière ».
« Il y a plusieurs problèmes, énumère l’expert. L’épidémie touche une région densément peuplée. Il y a la présence de groupes armés qui créent une insécurité permanente et perturbent la lutte. La population est traumatisée par les viols et les tueries et on constate un non-engagement des communautés, qui sont résistantes et agressives envers le personnel médical. »
Il faut dire que cette bataille, Jean-Jacques Muyembe Tamfun l’a longtemps regardée sur les lignes de côté. En août 2018, quand l’épidémie s’est déclarée, le ministre de la Santé de l’époque, Oly Ilunga, a refusé son aide.
« Il croyait tout connaître et il a négligé tous les anciens – pas seulement moi. Il a voulu faire cavalier seul. »
— Le Dr Jean-Jacques Muyembe Tamfun
En avril, l’expert a rédigé un rapport très critique de la gestion de la crise par le gouvernement congolais.
« On a oublié le côté socioculturel. On n’a pas recherché l’adhésion de la population. On a voulu imposer. Il y a trop d’étrangers – et, là-bas, même les gens de Kinshasa sont des étrangers », dit-il. Le ministre Ilunga a démissionné en juillet et a été accusé en septembre d’avoir détourné des fonds de la lutte anti-Ebola. Au mois d’août, Jean-Jacques Muyembe Tamfun a été chargé par le président de diriger la réponse à l’épidémie. Il s’est immédiatement rendu dans les églises des régions touchées pour parler aux gens.
« Je leur ai dit : “Mes chers frères, mes chères sœurs, le président m’a donné une charge très lourde. Seul, je n’y arriverai pas. Mais avec votre aide et votre bénédiction, c’est une maladie que nous allons éradiquer” », raconte-t-il.
UN VENT D’OPTIMISME
En acceptant la direction des opérations, en août dernier, Jean-Jacques Muyembe Tamfun a clamé que l’épidémie serait maîtrisée « en trois ou quatre mois ». Aujourd’hui, alors que le nombre de nouveaux cas est en baisse, il garde le cap sur cet objectif.
« Nous pensons qu’au début du mois de novembre, tout sera maîtrisé. Des cas apparaissent encore, mais ils ne sont pas inconnus – ils viennent de chaînes de transmission que nous connaissons », dit-il. La semaine dernière, 21 nouveaux cas ont été répertoriés par l’Organisation mondiale de la santé, loin des 126 cas par semaine enregistrés au plus fort de l’épidémie.