Personnalité de la semaine

Le cœur sur deux roues

Présidente et directrice générale de Vélo Québec, qui fête cette année son 50e anniversaire, Suzanne Lareau a piloté l’organisation du plus récent Tour de l’île. Elle est notre personnalité de la semaine.

Suzanne Lareau est une véritable enfant de la Révolution tranquille. Née en 1959, année de la mort de Maurice Duplessis et début de la fin de la Grande Noirceur, elle a grandi dans une famille progressiste au cœur d’un développement de banlieue coopératif près de Belœil. D’école alternative en école alternative, elle a appris à remettre en question les idées reçues pour chercher de meilleures solutions. Qui est étonné que ce soit ce type de parcours qui l’ait menée à la tête de Vélo Québec, figure de proue de mille batailles et de mille avancements collectifs dans le domaine du transport à deux roues ?

Notre personnalité de la semaine, dont l’organisation a été constituée il y a 50 ans cette année, pilote de projets longtemps responsable du fameux Tour de l’île (qui vient tout juste d’avoir lieu), a fait du vélo pour la première fois à 6 ans, comme bien des enfants. Quand sa famille a déménagé à Outremont, quand elle avait 9 ans, c’est rapidement devenu son moyen de transport pour aller à l’école. Et le vélo ne l’a plus jamais vraiment quittée.

Inutile de préciser qu’elle ne possède pas de voiture, mais plutôt cinq bicyclettes, dont une avec des pneus conçus spécialement pour se déplacer l’hiver. Et que sa ville préférée est Copenhague, pionnière du vélo-partage, où tous les taxis sont obligés d’avoir des porte-bicyclettes, afin que ni la pluie ni la fatigue ne découragent quiconque de partir à deux roues… « La première chose qui frappe quand on arrive dans cette ville, c’est le calme… »

Le déclic s’est passé à 19 ans, explique Suzanne Lareau en entrevue. Avec une gang d’amis sportifs, munie de son premier dix-vitesses, elle décide de revenir de Val-Morin à Montréal en pédalant sur toute la distance de 90 kilomètres.

La liberté qu’elle ressent la marque. « C’est comme si j’avais vu d’un coup toutes les possibilités que cela m’ouvrait », dit-elle.

L’année suivante, à 20 ans, elle s’inscrit à un stage d’initiation au cyclotourisme à Vélo Québec. « Ça a été un moment déterminant. C’est là que j’ai commencé à militer pour le vélo. J’étais tombée dans une talle de gens militants et professionnels. » Parmi eux, il y a Guy Rouleau, qui devient son mentor. « Un homme idéaliste qui faisait extrêmement confiance aux jeunes. »

Et à Vélo Québec, les femmes prennent leur place naturellement. « On n’avait pas besoin de la revendiquer. »

Lareau décide d’aller à l’université, à l’UQAM, en enseignement de l’éducation physique, mais elle constate rapidement que l’école ne sera pas son terrain de jeu. C’est à la société tout entière qu’elle a envie de montrer à faire du sport.

Elle revient donc à Vélo Québec et rapidement commence à travailler sur le Tour de l’île né en 1985 avec 3500 cyclistes. L’événement annuel, qui a depuis fait des petits, dont le Tour de nuit, en accueille maintenant chaque année dix fois plus. Les années passent et Lareau prend du galon.

En 2001, elle devient PDG de l’organisme qui compte 75 employés et qui joue à la fois un rôle de lobbying pour convaincre nos sociétés de faire une place sécuritaire à la bicyclette – les campagnes pour les pistes cyclables, par exemple, ce sont ses gens qui les ont menées, avec Le Monde à bicyclette – et d’organisateur d’événements et de voyages ici et outre-mer. Par exemple, en août 1994, le Grand Tour, un circuit à travers le Québec, voit le jour, puis la Petite Aventure, pour les familles.

Selon Suzanne Lareau, il y a ici maintenant une vie à bicyclette unique en Amérique du Nord.

« Il n’y a pas un État américain, pas une autre province canadienne qui ait une culture du vélo comme la nôtre. »

— Suzanne Lareau

« Les Québécois ont vraiment embarqué », dit-elle, citant le circuit de pistes cyclables à Montréal et la Route verte. Il s’en est donné, des coups de pédales, depuis l’aménagement de la première piste cyclable sur le bord du canal de Lachine en 1977. Maintenant, ça roule partout, même en hiver, concept saugrenu il y a à peine 20 ans…

Mais il reste beaucoup à faire. Selon Suzanne Lareau, bien des pistes montréalaises sur des rues passantes devraient être mieux protégées.

Une ligne peinte, dit-elle, dans bien des cas, ce n’est pas suffisant. Ça marche seulement pour les rues qui ne sont pas achalandées.

Elle croit aussi qu’il manque de pistes au centre-ville, où la circulation automobile est saturée. Il faut plus d’aménagements structurants, dit-elle, pour amener les gens à utiliser le vélo comme mode de transport vers leur travail au centre-ville.

« Il faut que ça soit invitant. Et il faut normaliser l’usage du vélo. »

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