OPINION

Nier la nécessité du féminisme en 2018 ?

Fâchée, déconcertée, triste, profondément navrée. Voilà l’amalgame d’émotions qui viennent me visiter quand je me trouve devant des personnes qui nient la nécessité du féminisme en 2018 ou qui contestent la pertinence du mouvement.

Ce désaveu du féminisme m’est toujours douloureux, mais il me fait encore plus mal quand il vient de la bouche de femmes. Fort probablement parce qu’il met en exergue un sexisme insidieux et d’autant plus dangereux.

De quoi découle ce déni chez certaines femmes de l’importance du féminisme ? D’ignorance, de complaisance ? D’avoir trop baigné dans le privilège, d’avoir laissé les diktats patriarcaux couvrir sournoisement le regard et le cœur ? Cette infirmation du féminisme ne fait que souligner la prégnance du sexisme.

Oui, il nous est aujourd’hui possible à nous les femmes de voter, de travailler, d’entreprendre des études universitaires. Néanmoins, nous faisons toujours face à une société où règnent sexisme et misogynie, bien que cette réalité puisse être moins flagrante qu’elle ne l’a déjà été.

Me dois-je de rappeler à ces femmes pourquoi elles gagnent moins que leurs collègues masculins, pourquoi elles ont peur de marcher dans les rues seules tard le soir, pourquoi elles doivent s’assurer de rester jeunes, minces et pas trop moches ?

Il incombe à toutes les femmes de poursuivre la lutte contre le sexisme et la misogynie et de se battre contre cette infiltration insidieuse de préceptes patriarcaux dans l’esprit des personnes qui en sont victimes. Ce déni aberrant chez certaines femmes qui ont le privilège de se proclamer indemnes des blessures que le patriarcat inflige occulte la réalité de femmes moins chanceuses. 

Nier la nécessité du féminisme, c’est faire violence aux victimes qui ont pris la parole dans la foulée du mouvement #moiaussi, c’est faire violence aux femmes qu’on dépossède de leur corps en les empêchant d’avoir recours à l’avortement, c’est faire violence aux mères seules qui ont peine à assurer la sécurité du foyer de par leur maigre salaire, c’est faire violence aux femmes autochtones disparues et assassinées qu’on a laissées sombrer dans l’oubli.

Nier la nécessité du féminisme, c’est faire violence à toutes ces femmes qui n’ont pas accès aux mêmes chances ou au même traitement que les hommes.

Et pourtant, le féminisme, c’est juste quelque chose de beau. C’est une attitude de care, c’est une lutte pour la bienveillance, un mouvement pour l’affranchissement de notre société de ses inégalités. À toutes ces femmes qui nient la nécessité du féminisme : ce texte n’est pas une invitation à brûler vos brassières, à arborer une pilosité axillaire ou encore à cracher sur le premier homme venu, mais plutôt une invitation à faire voyager vos pensées et vos mots là où nombre de femmes ont besoin de votre appui.

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