RÉPLIQUE

MATERNELLE 4 ANS EN MILIEU DÉFAVORISÉ Un outil essentiel pour réduire les inégalités

En réponse à l’éditorial de Paul Journet, « Maternelle 4 ans : ne perdez pas le nord », publié mercredi

La maternelle 4 ans à temps plein en milieu défavorisé (TPMD) joue un rôle primordial : rejoindre les enfants les plus vulnérables qui ne fréquentent pas les services de garde comme les CPE.

C’est exactement dans le but d’offrir à ces enfants de 4 ans des interventions visant à mieux les préparer au reste de leur parcours scolaire qu’a été votée la loi 23 en juin 2013. Cette loi a été adoptée à l’unanimité par tous les partis de l’Assemblée nationale.

Elle protège les enfants les plus vulnérables de notre société et leur donne un accès gratuit à un service de qualité, régi par le ministère de l’Éducation. Tout comme les CPE, les maternelles 4 ans ont leur place dans la société québécoise. Ces services, qui ne sont obligatoires pour aucun enfant, agissent de façon complémentaire et doivent cesser d’être opposés.

L’âge de l’entrée à l’école

Les comparaisons entre le Québec, l’Ontario, la France et les autres provinces ou pays sont toujours problématiques. Le Québec est distinct, que cela soit par sa langue ou par l’organisation de ses services en petite enfance. De plus, il est indéniable que le réseau des CPE du Québec est un joyau qu’il faut conserver et continuer à développer.

Il est important de souligner que les deux programmes de maternelle 4 ans et 5 ans au Québec sont également axés sur l’apprentissage par le jeu. Bien sûr, les enseignantes du préscolaire offrent également aux enfants des activités de conscience phonologique et des moments de lecture, qui leur permettent de vivre des expériences en littératie et en numératie.

Pour des enfants vulnérables n’ayant jamais fréquenté de services de garde, ces activités sont déterminantes pour leur préparation à l’école. Plus encore, le programme de la maternelle 4 ans du ministère de l’Éducation mise sur l’ensemble des sphères de développement des enfants, tant sur le plan moteur, cognitif, émotif que des habiletés sociales.

Or, la maternelle 4 ans offre aux enfants les plus vulnérables un service essentiel qui contribue justement à réduire l’écart de développement qui existe entre eux et ceux qui sont prêts pour leur entrée à la maternelle 5 ans.

Pour contrer le décrochage scolaire

Bien sûr, l’intervention précoce commence bien avant 4 ans. Toutefois, les maternelles 4 ans TPMD doivent continuer d’être implantées en grand nombre dans les milieux défavorisés pour répondre aux besoins des enfants vulnérables. Le décrochage scolaire est beaucoup plus élevé en milieu défavorisé qu’en milieu favorisé.

De plus, les enfants des immigrants de première génération fréquentent très peu les services de garde. À leur arrivée, la maternelle 4 ans leur donne alors accès à un service de qualité qui les aidera non seulement à s’intégrer rapidement dans leur nouvelle école de quartier, mais aussi à apprendre le français. Il ne faut pas oublier que plusieurs enfants d’immigrants de deuxième génération fréquentent aussi des services de garde non régis et qu’ils n’apprennent pas le français parce que la loi 101 ne s’applique qu’en milieu scolaire.

Il suffit de lire la conclusion de l’enquête montréalaise sur l’expérience préscolaire des enfants de la maternelle (EMEP, 2012), pour se rendre compte de l’importance des maternelles 4 ans TPMD. « Nous souhaitons que ces résultats puissent soutenir l’action des intervenants et décideurs concernés par l’accueil et l’intégration des enfants immigrants. À cet égard, nos constats viennent appuyer la recommandation […] d’augmenter le nombre de places en CPE et en maternelle 4 ans dans les secteurs où l’on retrouve des taux d’immigration et de pauvreté élevés. »

Formation, expérience et expertise

Quant à la formation des enseignantes et de leur expérience auprès des enfants de 4 ans, insistons sur le fait que ces étudiantes comptent deux années d’études collégiales avant leur formation universitaire de quatre années d’études en éducation préscolaire et en enseignement primaire. Au total, elles auront étudié six ans après le secondaire avant de prendre en charge un groupe d’élèves.

À la fin de leur baccalauréat, les étudiantes sont prêtes à intervenir auprès d’enfants de 4 ou 5 ans. Plusieurs cours sur la petite enfance font désormais partie de leur formation universitaire : organisation de l’environnement pédagogique au préscolaire, histoire du préscolaire et les différents passages, sensibilisation à la société pluriethnique, caractéristiques des élèves à risque et en difficulté, études sur le développement intégral des enfants, projets et jeux en classe préscolaire, stage obligatoire au préscolaire, évolution de la motricité chez l’enfant, pour n’en nommer que quelques-uns.

En comparaison, les éducatrices en petite enfance ont une formation collégiale de trois ans. D’autre part, il faut ajouter que les maternelles 4 ans mi-temps ont été mises sur pied au début des années 70, avant la création des CPE. L’expertise développée par les enseignantes est bel et bien réelle et solidement ancrée.

Parlons des intérêts des enfants

Enfin, opter pour la poursuite d’investissements dans le réseau des CPE est une bonne chose. Opter pour la poursuite de l’implantation des maternelles 4 ans TPMD est une chose essentielle. Ces deux programmes demeurent des clés pour le développement du plein potentiel de tous les enfants du Québec.

Car au bout du compte, il ne faut pas oublier que l’intervention précoce en milieu défavorisé, comme la mise sur pied de classes de maternelle 4 ans TPMD, vise essentiellement une chose : réduire les inégalités sociales, culturelles et économiques du berceau.

* Yolande Brunelle est chargée de cours en éducation préscolaire et en enseignement primaire à l’UQAM ; Nathalie Morel est vice-présidente à la vie professionnelle de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE).

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