Opinion : psychiatrie

Pour en finir avec l’isolement et la contention

Il y a 17 ans, sur la base d’« expériences probantes », le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a conclu à la nécessité de réduire, voire d’éliminer les mesures de contrôle que sont l’isolement, la contention et les substances chimiques.

Les orientations ministérielles en la matière ont confirmé le recours parfois abusif aux mesures de contrôle, ainsi que la nécessité « de proposer clairement à l’ensemble des organismes concernés un objectif de réduction maximale d’utilisation de ces mesures, voire ultimement d’élimination, et ce, par la mise en place de mesures de remplacement efficaces et respectueuses des personnes ».

Quels progrès ont été faits depuis ce temps ? Trop peu, constate le mouvement de promotion et de défense des droits en santé mentale. En vérité, au fil des ans, le MSSS semble avoir abandonné son leadership dans le dossier en supprimant le poste de coordination ministérielle aux mesures de contrôle et en reléguant aux oubliettes sa promesse de mettre en place un outil de collecte de données standardisé. Ses actions expliquent le cafouillage actuel à l’égard des données non harmonisées d’un établissement à l’autre !

Or, sans données significatives, comment peut-il y avoir une quelconque reddition de comptes vis-à-vis de l’objectif d’élimination ?

Durs constats pour les personnes qui subissent des mesures de contrôle, mesures qui ne sont jamais thérapeutiques. L’isolement et la contention ont des effets néfastes physiques et psychologiques sur les personnes qui les endurent, mais aussi sur celles qui les appliquent. Par ailleurs, l’Organisation des Nations unies précise que l’isolement et la contention peuvent constituer des actes de torture ou des mauvais traitements.

Pourtant, des solutions de rechange existent ici et ailleurs dans le monde. Certains milieux ont mis en place des initiatives intéressantes, mais elles demeurent peu connues, faute d’un leadership qui assurerait un échange d’expertise adéquat pour tout le Québec.

La pratique sur le terrain des organismes de promotion-vigilance et de défense des droits en santé mentale démontre également que l’utilisation des mesures de contrôle se fait encore et toujours dans des contextes qui ne respectent pas les droits. Par exemple, différents moyens sont mis en place par des établissements afin de contourner les prérogatives de la loi en matière d’isolement (article 118.1 LSSSS). Les droits à l’information et au consentement sont régulièrement bafoués. Ou encore, les notes au dossier de la personne concernée sont souvent laconiques.

Briser le tabou

Le 15 mai, nous avons souligné la quatrième édition de la journée nationale « Non aux mesures de contrôle ». Une occasion privilégiée pour sensibiliser nos dirigeants au sujet tabou de l’isolement et de la contention.

Il va sans dire qu’il y a urgence de rétablir la coordination ministérielle aux mesures de contrôle. Elle devra s’attaquer à l’outil de collecte standardisée de données, mais aussi s’assurer que tous les milieux qui ont recours à l’isolement et à la contention ont une personne répondante de l’objectif de réduction, voire d’élimination.

Une mesure de contrôle est l’équivalent de voies de fait permises exceptionnellement dans un souci de protection. Il s’agit donc d’une forme de violence institutionnelle.

Ici, il faut faire attention de ne pas jeter le blâme sur les seuls soignants qui ont à les appliquer, car aucun ne le fait de gaieté de cœur.

Ces derniers doivent être soutenus par une culture organisationnelle axée sur les solutions de remplacement, donc par des dirigeants qui montrent l’exemple. Des milieux ont effectué des progrès dans le domaine, preuve qu’il est possible de changer les choses.

En fait, le Québec a tout ce qu’il faut pour devenir le leader mondial des mesures de remplacement aux mesures de contrôle pour peu qu’il en fasse une priorité. C’est une question de dignité humaine.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.