bannissement des sacs d’emplettes

La fin des sacs minces à Brossard, pas la fin du monde

Deux mois après le bannissement des sacs d’emplettes minces à Brossard, La Presse s’est rendue dans 38 commerces pour voir quelles solutions ils avaient trouvées. Malgré l’opposition et les inquiétudes exprimées avant l’entrée en vigueur du règlement, force est de constater que les détaillants se sont déjà adaptés. Ont-ils encore raison de craindre que Montréal et possiblement les 82 municipalités du Grand Montréal emboîtent le pas ?

Le maire de Brossard, Paul Leduc, ne cache pas sa joie d’avoir fait de sa ville la première en importance au Québec à bannir les sacs de plastique mince. « C’est une belle expérience. Ça se passe très bien ! », jure-t-il.

Même les plus fervents opposants à son règlement – Adonis, Walmart et IGA – se sont bien adaptés, affirme l’élu. Ils ont trouvé des solutions et leur chiffre d’affaires n’a pas dégringolé. « Le propriétaire de l'IGA sur le boulevard Taschereau était très réticent. Il craignait que ses clients aillent un peu plus loin, à La Prairie. Finalement, c’est rendu l’un de nos défenseurs. »

Du côté du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD), un lobby qui regroupe les grands détaillants canadiens, dont les chaînes d’alimentation, on convient que la transition n’a pas provoqué de problèmes majeurs. « C’est des coûts additionnels, mais tout le monde a trouvé des solutions. Personne ne veut être en infraction », résume Nathalie St-Pierre, directrice générale du CCCD au Québec et vice-présidente, développement durable.

Parmi les 38 commerces visités par La Presse* : 

• 17 ne donnent plus de sacs (45 %)

• 14 donnent des sacs en papier, conformes ou pas** (37 %)

• 4 donnent des sacs en plastique épais (11 %)

• 1 donne des sacs en plastique aux allures de tissu (3 %)

• 1 donne des sacs en tissu (3 %)

• 1 vend des sacs en papier (3 %)

• 3 vendent des sacs en plastique épais (8 %)

• 3 vendent des sacs en plastique aux allures de tissu (8 %)

• 2 ont trouvé des solutions originales : poignées en corde accrochées aux boîtes (Yellow) et poignées autocollantes pour transporter les gros emballages (Jean Coutu) (5 %)

• 2 offrent encore des sacs de plastique mince aux clients qui le demandent (5 %)

* Le total dépasse 100 %, car certains détaillants peuvent entrer dans deux catégories. 

** Les sacs de papier non conformes sont ceux ayant une poignée de tissu qui les empêche d’être aisément recyclables.

« Le papier est pire ! »

On le voit, tandis que près de la moitié des détaillants ont décidé de ne plus offrir de sacs du tout, plusieurs se sont tournés vers le papier. Une solution conforme, qui « préoccupe » néanmoins le CCCD.

Le papier « a peut-être un impact écologique encore plus grand [que le plastique], fait valoir Nathalie St-Pierre. On choisit des matériaux qui seront peut-être jugés non convenables dans deux ans, car les municipalités prennent des décisions qui ne sont pas basées sur la science ».

Même son de cloche du côté du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD). « Ils nous forcent à aller vers le papier tout en nous disant que le papier est pire ! Ce n’est pas cohérent », affirme la directrice des relations gouvernementales, Françoise Paquet.

Pourtant « pas Greenpeace »

Le CCCD et le CQCD n’existent pas pour défendre la planète. Alors, quel est leur véritable intérêt dans ce débat ? Est-il économique ? « On n’est pas Greenpeace, mais on veut agir en citoyens responsables, tout en offrant un bon service à la clientèle. Les détaillants ne veulent pas faire n’importe quoi, ils ne veulent pas juste sauver des coûts et se faire dire dans 10 ans qu’ils ont empiré la situation », répond la représentante du CQCD.

Le Conseil canadien déplore aussi que ses membres « mettent plus de plastique en marché et vendent les sacs 20 ¢ au lieu de 5 ¢ ». Les sacs réglementaires doivent en effet avoir une épaisseur d’au moins 100 microns. Ce qui se compare à 20 microns pour les sacs qu’on est habitués de voir chez Metro, Dollarama ou Walmart, par exemple.

« Dans leur [prochain] bilan environnemental, les détaillants devront écrire qu’ils ont utilisé plus de plastique. Pour eux, c’est un non-sens. Ils sont sidérés », lance Nathalie St-Pierre.

Ailleurs au Québec

Malgré les préoccupations environnementales persistantes des détaillants, l’expérience de Brossard ne leur prouve-t-elle pas qu’il est possible de bannir les sacs minces sans trop de problèmes ?

« On voulait prendre le temps de regarder les meilleures options », répond Nathalie St-Pierre, du CCCD.

« On veut éviter l’effet gruyère. On veut une uniformité des règlements pour favoriser les approvisionnements », ajoute Françoise Paquet, du CQCD, rappelant que Brossard exige des sacs de plastique de 100 microns d’épaisseur, tandis que Montréal se contentera de 50 microns.

Le maire Leduc a bon espoir, quant à lui, d’inspirer d’autres villes. Mais pour réussir à imposer un changement d’habitude aux commerces et aux consommateurs, il faut avoir l’appui de sa population, insiste-t-il. 

Rappelons que Montréal interdira les sacs de plastique mince dans 14 mois. La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) demande par ailleurs à ses 82 municipalités membres d’adopter un règlement bannissant ces sacs en avril 2018.

Comment ça se passe avec les clients ? 

Nous avons posé la question à des caissières.

AVRIL

L’épicier santé Avril ne donne plus de sacs. Ceux en papier sont vendus 5 ¢. « Quand on dit le prix aux clients, y’en a qui changent d’idée et qui sortent avec leurs achats dans leurs mains, d’autres qui achètent un sac réutilisable. Y’a de plus en plus de monde qui arrive avec ses sacs. »

DOLLARAMA

Dans son magasin de Brossard, Dollarama vend des sacs à 4/1 $. Faits de plastique, ils donnent l’impression d’être en tissu. « On en vend plein ! Y’en a qui trouvent ça cher parce qu’ils ont en tête les sacs à 5 ¢ des épiceries. Mais ils étaient en plastique avec des trous dans le fond. »

YELLOW

Le détaillant de chaussures ne donne plus de sacs, mais ses boîtes sont facilement transportables grâce à une corde. « Ceux qui chialent sont ceux qui viennent de l’extérieur, qui n’ont jamais entendu parler du règlement et qui achètent trois, quatre ou cinq paires. Mais de toute façon, ça ne rentrait même pas dans un sac. »

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