« Je m’en fous que tu marques 32 buts »
Le directeur général du Canadien, Marc Bergevin, a été clair : si le défenseur Éric Gélinas veut revenir dans la LNH, il doit changer sa façon de jouer.
Il a amassé 44 points à sa dernière saison dans la LHJMQ. À sa première saison professionnelle, dans la Ligue américaine, il a enfilé 16 buts. Puis, en 2013-2014, il faisait son entrée dans la LNH en récoltant 29 points en 60 matchs.
Partout où il est passé, Éric Gélinas s’est fait remarquer par ses prouesses offensives. Prouesses qui se traduisaient par des statistiques impressionnantes pour un défenseur.
Mais voilà, cette saison, les statistiques n’y sont plus. Gélinas s’est présenté au camp d’entraînement du Canadien en septembre dans l’espoir d’y décrocher un contrat de la LNH. Il en est ressorti avec un contrat de la Ligue américaine.
Il était donc logique de s’attendre à le voir empiler les points avec le Rocket, mais après 20 matchs, le colosse de Saint-Jean-sur-Richelieu ne compte que quatre points, et affiche un rendement de - 8.
« Au début, je voulais scorer des buts. Mais Marc Bergevin me l’a dit : ‟Je m’en fous que tu marques 32 buts. Si tu joues de la même façon qu’avant, ça ne marchera pas. On veut que tu joues d’une certaine façon.” Je dois changer ma mentalité, jouer de façon simple et solide pour être fiable et constant », a expliqué Gélinas, rencontré hier après l’entraînement du Rocket.
« Les stats, c’est ce que les partisans regardent, et ils jugent le joueur avec ça, a enchaîné le numéro 2. Mais ce n’est pas ça qui va me ramener dans la Ligue nationale. Ils me l’ont dit : ‟Une fois que t’as passé la deuxième ligne bleue, fais tes affaires, t’as toujours eu du succès.” C’est plus la relance de l’attaque. »
« Ils m’ont dit de regarder Shea Weber jouer. C’est une superstar et dans un match, tu ne le vois pas beaucoup. »
— Éric Gélinas
À cet effet, il est d’ailleurs intéressant de voir Gélinas employer exactement la même expression que son entraîneur-chef. Preuve que le message a été assimilé...
« À ce point-ci de sa carrière, il doit s’apercevoir que ce ne sont pas les statistiques qui vont le ramener dans la Ligue nationale, observe Sylvain Lefebvre. C’était un gars très offensif, mais ça n’a jamais fonctionné pour lui dans la LNH. Donc c’est d’amener une autre dimension à sa game, et ça ne se fait pas du jour au lendemain. »
Comme joueur, Bergevin a disputé 1191 matchs dans la LNH, même s’il n’a marqué que 36 buts. Lefebvre, lui, a connu une belle carrière de 945 matchs en marquant seulement 30 buts. Donald Dufresne, adjoint responsable des défenseurs à Laval : 6 buts en 268 matchs. Et Francis Bouillon, responsable du développement des joueurs : 32 buts en 776 matchs.
Ces membres de l’organigramme du Canadien et du Rocket n’ont pas fait leur place dans la LNH en remplissant les filets de rondelles. Ils l’ont plutôt fait en s’appliquant défensivement et en maîtrisant les subtilités de la position de défenseur.
C’était évidemment à une époque où le hockey se jouait différemment. Mais Gélinas souhaite tout de même ajouter une dimension à son jeu.
« À mes premières années chez les pros, tout fonctionnait. Je faisais mes affaires et aucun coach ne me disait : fais ci, fais ça. Mais plus ça allait, plus ils me demandaient d’être plus responsable défensivement, de faire attention au positionnement de mon bâton. Je n’avais jamais vraiment appris ces choses-là. Tout le monde me le disait, mais je ne savais pas comment faire.
« Ici, Donald, Sylvain et Francis ont tous pris le temps de me montrer le positionnement du bâton, des patins, du corps. Ce sont des petits détails que je n’avais jamais vraiment appris. C’est à tous ces détails que je pensais en début de saison, et je pensais trop. Je ne jouais plus au hockey. En faisant ça dans les entraînements chaque jour, ça me rentrait tranquillement dans la tête. Ce sont maintenant des automatismes. »
Si Gélinas était déçu, au camp, de se contenter d’un contrat de la Ligue américaine, il pourrait en tirer des bénéfices inattendus. Les joueurs qui ont des contrats exclusivement de la LAH sont en effet admissibles aux Jeux olympiques.
Gélinas est bien connu du groupe de direction de Hockey Canada. On y retrouve en effet le directeur général Sean Burke, qui est également dépisteur chez le Canadien, de même que Martin Brodeur, ancien coéquipier de Gélinas chez les Devils du New Jersey. On raconte entre les branches que l’équipe nationale garderait Gélinas à l’œil.
« Si les joueurs de la LNH allaient aux Jeux olympiques, je n’aurais aucune chance d’y aller, rappelle Gélinas. Mais tout le monde veut représenter son pays aux Jeux olympiques. Le Championnat du monde, c’est une chose, mais les Jeux, c’est encore plus gros. Ça serait spécial, c’est sûr, et ça serait une expérience de vie. Mais mon but en venant ici était vraiment de retourner dans la Ligue nationale. »
Une partie du sort de Gélinas se joue dans la KHL. Le président de la ligue, Dmitry Chernyshenko, a indiqué qu’aucune décision n’avait été prise quant à la participation ou non de ses joueurs au tournoi olympique.
Le Canada participe actuellement à la Coupe Channel One, à Moscou. Parmi les huit défenseurs de l’équipe sur place, cinq sont issus de la KHL, dont les Québécois Simon Després et Marc-André Gragnani. Un boycottage de la KHL ouvrirait évidemment très grand les portes de l’équipe olympique à Gélinas.
Prochain match : Rocket c. Checkers de Charlotte, samedi à 18 h