Profession : chef d’orchestre

Suivez le chef !

Jean-François Rivest, chef d’orchestre et professeur titulaire à la faculté de musique de l’Université de Montréal, nous donne un véritable cours de maître. Il a choisi pour nous six des plus grandes symphonies du répertoire afin de démystifier les indications que donnent les chefs d’orchestre à leurs musiciens, alors qu’ils font dos au public.

Textes : Hugo Pilon-Larose, La Presse Photos : Olivier Jean, La Presse

La levée

Beethoven, Symphonie no 6, mouvement I (Abbado, Berlin)

« Toute phrase musicale commence par un début. Le chef est immobile, puis effectue un premier geste : c’est la levée. La phrase se développe, arrive à un sommet et redescend. […] Dans cet extrait, on a aussi un bon exemple de ce qu’on vit souvent en direction d’orchestre, c’est-à-dire un départ, un arrêt, puis un “redépart”. Les départs et les arrêts sont techniquement difficiles. Une fois qu’ils sont partis, les musiciens ont un élan qui les aide à avancer, mais il faut bien que le chef les fasse partir ! »

Le legato

Brahms, Symphonie no 2, mouvement II (Haitink, Concertgebouw)

« Les quatre messages de base du chef d’orchestre, c’est plus vite, moins vite, plus fort, moins fort. C’est niaiseux, mais c’est quand même ça. Si le chef va vite, ça lui prendra des petits gestes. S’il va plus lentement, il pourra prendre des plus grands gestes. L’autre opposition qui est fondamentale, c’est celle entre la musique continuelle, legato, et la musique saccadée, staccato. Cet extrait est profondément legato. La musique étant généreuse et profonde, on essaie de le démontrer avec nos gestes. »

Le staccato

Beethoven, Symphonie no 7, mouvement III (Kleber, Vienne)

« Dans cet extrait, la musique est plus “sec”’, donc staccato. Tout va très vite ; certaines mesures sont fortes et énergiques, alors que d’autres sont tout aussi énergiques, mais douces. Pour exprimer le staccato, le chef d’orchestre a des mouvements de rebonds, des coups, des décharges. »

La tension

Brahms, Symphonie no 1, mouvement IV (Abbado, Berlin)

« Dans la musique en général, qui est faite comme toutes les émotions humaines, il y a cette image d’une lutte, d’une tension suivie d’une détente. C’est la nature de l’univers : l’entropie, les saisons, la fécondité, l’amour. Tout est un cycle de tension/détente. En musique, cela se traduit par un étirement de la musique. Dans ce dernier extrait, ça s’exprime par l’accumulation de tension avant de donner un gros coup. »

La baguette et la main

Beethoven, Symphonie no 7, mouvement II (Abbado, Berlin)

« La baguette, qui est en général fine et blanche, allonge le geste du bras pour les musiciens qui sont plus loin. C’est un amplificateur visuel. Cette baguette sert principalement à marquer le temps de la musique. Quand on dirige avec la baguette, la main droite marque le temps, alors que la main gauche fait plus de l’expression musicale. Sans baguette, comme c’est le cas dans cet extrait, on perd cette dichotomie, et les deux mains peuvent servir à exprimer des détails plus subtils. »

Les départs

Beethoven, Symphonie no 5, mouvement I (Kleiber, Vienne)

« Une des jobs les plus importantes et les plus difficiles d’un chef d’orchestre est de faire partir tout le monde ensemble. Dans cet extrait, il y a plusieurs départs. C’est une des difficultés techniques de la pièce. Au niveau des gestes que fait le chef d’orchestre, il doit inciter les musiciens à garder la tension, puis une décharge, en donnant l’impulsion. »

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