Monsieur l’inspecteur

Chauffer au bois sans se brûler

Avant d’insérer une première bûche dans le poêle à bois de votre nouvelle demeure, vous aurez quelques devoirs à faire. Vous pourrez ensuite vous installer au coin du feu et profiter de sa chaleur en toute tranquillité.

Pas moins de 20 codes et normes régissent la conception et l’installation de systèmes de chauffage au bois et aux granules. Ce n’est pas pour rien : malgré leur apparente simplicité, les poêles, foyers et cheminées présentent plusieurs risques d’incendie.

Les systèmes de chauffage à combustion solide et leurs cheminées dégagent beaucoup de chaleur. Pour éviter que les matériaux qui composent les murs ne prennent feu, des distances minimales sont prescrites. Le plancher autour du poêle doit être incombustible (céramique, béton ou autre), puisque des braises peuvent y tomber.

« L’appareil au bois est beaucoup banalisé. Les gens le voient comme une boîte dans laquelle on met du bois pour faire du feu. Ce sont pourtant des appareils complexes, avec un système de combustion, des vitres, des joints, des pierres et une cheminée. »

— Julien Gagné, ingénieur junior à l’Association des professionnels du chauffage (APC)

Au Québec, les foyers et cheminées sont exclus des inspections préachat réalisées selon les normes de pratique des associations d’inspecteurs en bâtiment. Dans le cadre d’une transaction immobilière, il faudra faire appel à un ramoneur, un ingénieur ou un inspecteur détenant des qualifications spécifiques. On peut aussi se résoudre à ne pas chauffer au bois ou aux granules tant qu’un expert n’aura pas révisé le foyer et sa cheminée.

Souvent, ce sera l’assureur qui exigera une inspection de conformité. Ce peut aussi être la municipalité, notamment lors de travaux de rénovation.

Un simple appel à un « ramoneux » ne fera pas l’affaire, prévient Chantal Demers, directrice générale de l’APC. Une inspection visuelle de la cheminée et du poêle doit être réalisée par une personne qualifiée, idéalement par un ramoneur qui insérera une caméra dans la cheminée et n’hésitera pas à en démonter des bouts pour l’examiner.

Si c’est la conformité complète qu’il faut démontrer, on peut faire appel à l’un des deux ingénieurs de l’APC. Il ouvrira au moins un mur, pour aller voir entre autres si les dégagements requis autour de la cheminée (minimum 5 cm) sont respectés.

Selon l’ingénieur junior Julien Gagné, le problème le plus commun dans les édifices de condos se situe au point de passage des cheminées d’un étage à l’autre. Les matériaux séparant deux logements superposés doivent afficher une certaine résistance au feu. Mal conçu, le puits par lequel passent les cheminées peut devenir le chemin préféré des flammes, qu’il s’agisse d’un feu de cheminée ou d’un feu provenant d’ailleurs dans le logement.

INSTALLATION SELON LES NORMES DU MANUFACTURIER

Dans les maisons unifamiliales, les ingénieurs ouvrent les murs et découvrent des pièces de bois en contact avec la cheminée, de la laine isolante brûlée et des fils électriques dont les gaines pourraient fondre à la chaleur. L’installation du poêle et de la cheminée a beau avoir été bien faite, ce sont les ouvriers venus fermer les murs par la suite qui bâclent le travail.

Souvent, le poêle n’a tout simplement pas été installé selon les directives du manufacturier. Dans les pièces trop exiguës pour respecter les dégagements prescrits, un expert pourra suggérer l’installation d’écrans en tôle ou en fibrociment contre les murs, et même au plafond.

Dans le cas des foyers à feu ouvert en maçonnerie, on recommandera l’insertion d’un poêle encastrable. On pourra alors véritablement se servir de l’âtre pour chauffer, sans polluer l’air de la pièce.

« La mode est aux téléviseurs placés au-dessus des foyers. Ce n’est pas interdit, mais on nous a rapporté des cas où le téléviseur s’est mis à fondre », prévient Julien Gagné.

Au moment d’acheter une propriété avec un poêle à bois, ce pourraient être les réponses du propriétaire vendeur qui dictent la suite des choses. Possède-t-il un certificat de conformité de l’installateur ? Des factures d’un ramoneur qualifié ? Y a-t-il brûlé les sapins de Noël du voisinage ? Si oui, la cheminée pourrait être complètement encrassée !

UN PETIT APPEL À L’HÔTEL DE VILLE

Pour combien de temps pourrez-vous encore utiliser le poêle en place ? Cela dépend de la municipalité. À Montréal, l’administration Coderre prévoit d’adopter en 2015 un règlement qui obligera tous les propriétaires à déclarer à la Ville la présence d’un poêle à bois ou aux granules. À partir du 31 décembre 2020, seuls les appareils au bois dont la certification atteste qu’ils n’émettent pas plus de 1,3 gramme/heure de particules fines dans l’atmosphère pourront continuer à servir.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.