ÉDITORIAL ATTENTAT DE QUÉBEC

Examen de conscience

C’est une semaine d’introspection, de réflexion, de remise en question qui s’est terminée hier avec le second hommage aux victimes de la tuerie de Sainte-Foy.

Une semaine qui nous a permis, au-delà de la recherche de coupables et de rares dérapages, de faire notre propre examen de conscience.

Le nôtre, individuellement, à nous qui réalisons méconnaître les Québécois de confession musulmane qui sont à côté de nous, certes, mais peut-être pas à nos côtés comme tel.

Le nôtre, collectivement aussi, grâce au courage de quelques personnalités qui ont osé se poser de délicates questions sur la place publique, sans faux-fuyant ni récupération politique.

La sortie chargée d’émotion du député libéral fédéral Joël Lightbound a été, en ce sens, exemplaire. On dit que la fonction fait l’homme, mais en l’écoutant, on se disait que la crise aussi pouvait avoir cet effet.

Le jeune élu de Québec a demandé pardon pour « ne pas en avoir fait assez » afin de contrer la peur, la méfiance et la haine. Il s’est excusé d’avoir observé sans mot dire la « stigmatisation » des musulmans. Et il a ajouté que « si les mots ont des conséquences, les silences aussi ». « Plus jamais », a-t-il promis avec une évidente sincérité.

Même grandeur d’âme à Québec, où le premier ministre a su trouver le ton, les mots et l'attitude justes dans les circonstances. Où le député péquiste Alexandre Cloutier a lancé un vibrant hommage à ses pairs, sans se défiler. « Je nous invite tous à revoir nos déclarations, ce que nous avons écrit, dit ou relayé sur les médias sociaux. Je pense que nous sommes mûrs pour nous regarder un peu dans le miroir. »

Et cet examen de conscience, il ne s’est pas limité à la politique. Pensons seulement à l’animateur de radio de Québec Sylvain Bouchard (FM93), qui a avoué ne jamais avoir donné la parole aux musulmans, même lorsqu’ils étaient concernés par ses propos. « Je le reconnais, j’ai erré ! »

Il ne s’agit pas ici de féliciter tous ceux qui ont fait leur mea culpa, comme s’il n’y avait qu’une bonne façon de réagir à l’attentat.

Mais ces mea culpa ont une importance capitale dans le débat, car une fois les larmes séchées, ce sont eux qui nous permettront collectivement de ne pas retomber dans la banalisation de l’intolérance.

Ce sont eux qui feront en sorte qu’il y ait un avant et un après.

Plus difficile en effet de tomber dans les mêmes excès quand on a reconnu que l’évocation d’AK-47 sous les burqas n’était « pas une bonne idée ». Plus difficile de répéter qu’il y a un problème de terrorisme dans « les mosquées » quand on finit par reconnaître l’existence « de préjugés » à l’endroit de ces mêmes mosquées.

L’événement barbare de dimanche dernier nous a rappelé, comme a dit le premier ministre, que « chaque société a ses démons ». Il nous a rappelé que les Québécois sont aujourd’hui d’appartenance plurielle. Que le vivre-ensemble n’est pas un slogan vide. Que la diversité n’est pas l’addition de nos différences, mais leur osmose.

Il nous a rappelé, enfin, que les valeurs du Québec, auxquelles croit profondément La Presse, sont aujourd’hui plurielles, ouvertes à la différence et aux diverses fidélités.

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