Éducation

Un camp ludique pour éviter aux élèves en difficulté la « glissade de l’été »

Constatant que les deux mois de vacances se traduisent davantage par des reculs que par un simple temps d’arrêt pour trop d’élèves en difficulté, une directrice d’école primaire de la Montérégie a passé le chapeau dans sa région pour financer et monter de toutes pièces un « camp pédagogique ».

Ils sont donc 24 enfants, cet été, à passer deux jours par semaine à l’école, pendant sept semaines.

C’est l’école, mais tout est fait pour que ça lui ressemble le moins possible.

« Une mère est venue chercher son enfant, l’autre jour, et quand elle lui a demandé s’il avait fait du français et des mathématiques, il a répondu par la négative. Il a dit qu’il avait joué toute la journée ! », lance en riant Sophie Sénécal, directrice de l’école du Premier-Envol, à Bedford.

De façon ludique, sans se rendre compte qu’il était en train d’apprendre quelque chose, l’enfant avait bel et bien lu, écrit et compté.

Surtout lu, en fait, la lecture étant la grande priorité du camp.

NE PAS RELÂCHER LA GARDE PENDANT L’ÉTÉ  

Cette idée d’offrir un camp pédagogique à ses élèves en difficulté trottait déjà dans la tête de Mme Sénécal depuis quelque temps déjà.

C’est en assistant à une conférence d’Égide Royer, professeur à l’Université Laval en adaptation scolaire et grand apôtre de la nécessité de ne pas relâcher la garde pendant l’été que Mme Sénécal a été convaincue d’aller de l’avant.

Dans « La réussite scolaire – Chroniques d’un passionné », Égide Royer évoque de fait ce qu’il qualifie de « glissade de l’été ». 

Études à l’appui, il signale que le fait de passer deux mois à ne pas lire ni écrire – ou si peu – a ses effets.

« Les chercheurs concluent essentiellement à une régression en lecture et en mathématiques durant l’été. »

— Égide Royer, professeur à l’Université Laval en adaptation scolaire

« Cette situation affecte beaucoup plus les jeunes de milieux défavorisés, poursuit M. Royer. On estime que pour eux, le recul des habiletés en lecture équivaut à deux mois d’enseignement. »

C’est en entendant cela que Mme Sénécal a décidé d’appeler à l’hôtel de ville de Bedford, au club Richelieu et qu’elle a sollicité une entreprise.

Démarche couronnée de succès : 4500 $ ont vite été amassés. À peine deux mois après avoir lancé l’idée, le premier camp pédagogique accueillait sa première cohorte l’an dernier.

Les parents font maintenant une contribution de 100 $ pour permettre au camp de rester à flot.

« Au départ, je n’étais pas absolument certaine que c’était la chose à faire et que l’on verrait des résultats, mais ça a été le cas, explique Mme Sénécal. Les notes des élèves ayant suivi le camp ont été plus élevées, et plus important encore, nous avons constaté, dès la rentrée, que l’anxiété des enfants avaient diminué de beaucoup. »

« Pour les enfants qui éprouvent des difficultés, on ne mesure pas à quel point l’école, c’est souffrant et anxiogène », poursuit Mme Sénécal.

DES PARENTS MOTIVÉS

Cette année, 12 élèves de 1re année et 12 élèves de 2année suivent le camp, qui a été arrimé au service de loisirs de la ville pour accommoder les parents qui ont besoin d’un service de garde en fin de journée.

Deux animatrices et un éducateur spécialisé font la classe.

Loïc, âgé de 7 ans, assure qu’il ne s’est pas fait tirer l’oreille pour suivre ce camp pédagogique. « C’est une bonne idée parce que j’avais de la misère à lire », dit-il.

À la rentrée, dit Myana, « je vais peut-être être la meilleure ! »

L’an passé, personne n’a abandonné en cours de route. Bien sûr, ce n’est pas l’armée et chacun peut rater quelques journées pour partir en vacances.

N’empêche, « sur 12 élèves par groupe, 10 sont présents en moyenne chaque jour de classe. Les parents sont très motivés », assure Mme Sénécal.

Les enfants aussi. Seuls étaient ciblés les élèves qui étaient en situation d’échec ou qui passaient à peine, mais aussi qui ne semblaient pas trop fatigués ou en grand besoin d’avoir des vacances à temps plein, précise Mme Sénécal.

La petite Léa répondait à ce profil. « Ma fille éprouve des difficultés en français et en mathématiques, explique Geanie Leclair. C’est sûr que c’est l’été, alors, au départ, quand on nous a offert cette possibilité, j’ai eu un peu peur qu’elle ait de la peine de devoir aller à l’école alors que ce n’était pas le cas de sa sœur. Mais finalement, ça se passe bien. C’est l’école, sans l’être tout à fait. C’est une bonne idée, ce camp. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.