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Les humoristes ne font pas tous rire par les temps qui courent, constate notre chroniqueur. C’est dans ce contexte que Guy Nantel a annoncé qu’il se moquera de tout le monde, sans discrimination, dans son prochain spectacle.

Chronique

Quand l’humour sent trop fort

Voici venu le temps de l’année où traverser un rayon de parfums d’un grand magasin est une opération à haut risque. Les représentantes se ruent sur nous et nous aspergent de leurs effluves dernier cri. Pourquoi une telle ardeur ? Parce que les maisons de parfums réalisent près de 40 % de leurs ventes durant la période des Fêtes.

On assiste exactement au même phénomène avec les humoristes. Certains d’entre eux vendent de 30 à 40 % de leurs billets pour les mois à venir uniquement à Noël. Cette réalité est tout à fait observable en ce moment. Avez-vous remarqué la surabondance de coups d’éclat et d’effets publicitaires dans les médias ?

Le dernier en date concerne Mario Tessier et Peter MacLeod. Je ne sais pas si vous l’avez vue à la télé ou sur les réseaux sociaux. Peut-être n’avez-vous pas eu le temps, car elle a été retirée après quelques jours de diffusion. Le public a jugé qu’elle était de mauvais goût.

Vêtus d’un smoking, les deux humoristes nous disaient qu’ils voulaient venir en aide aux gens souffrant de dépendance au poteau (référence au poteau qui se trouve dans les bars de danseuses). Qu’est-ce qu’il y avait derrière Tessier et MacLeod, pensez-vous ? Ben oui, toi, un poteau. Et qui est-ce qu’on voyait descendre du poteau ? Ben oui, chose, une fille en string. Devant la réaction négative du public, particulièrement sur Facebook, on a décidé de retirer au plus sacrant cette publicité nuisible.

Il faut préciser qu’il y avait un contexte peu favorable à la présentation de cette publicité. Au moment de sa diffusion, la semaine dernière, un débat avait lieu autour de l’annonce du gala Juste féminin annoncé pour l’été prochain. Le festival Juste pour rire s’est rapidement retrouvé avec une « patate chaude » entre les mains à la suite des critiques d’humoristes féminines comme Virginie Fortin et Cathy Gauthier. Ces femmes n’avaient pas envie d’un happening de « fifilles ».

Nous avons finalement appris hier que Juste pour rire annulait la tenue de ce gala, une fausse bonne idée qu’on a lancée trop rapidement sans l’appui des leaders féminines de l’humour. Pourquoi, pensez-vous ? Pour vendre des billets durant la période des Fêtes.

Un autre exemple de la tendance il-faut-que-je-me-fasse-remarquer-à-tout-prix-car-le-temps-des-Fêtes-approche, Guy Nantel lançait hier la tournée de son spectacle Nos droits et libertés. Au cours de la conférence de presse, Nantel s’est demandé jusqu’où un humoriste pouvait aller. C’est pour cela qu’il avait invité à son événement (voir le compte rendu de ma collègue Véronique Lauzon) un Noir, un juif hassidique, une Femen et une femme en burqa (des comédiens qui avaient accepté de jouer le jeu). Cette mise en scène démontre à quel point on met le paquet pour attirer l’attention.

Je parle de coups publicitaires, je pourrais aussi parler du climat de rivalité et de la tension qui règnent depuis quelque temps dans le milieu de l’humour. Les récentes attaques de Guillaume Wagner (chez Gravel le matin) et de Fred Dubé (dans le journal Métro) à l’égard de leur confrère Martin Matte (nouveau porte-parole de Maxi) ont créé un réel malaise. Je ne reprendrai pas les propos de ces deux détracteurs, car ils se situaient bien en bas de la ceinture, mais disons qu’on est en droit de se demander si tout cela ne relève pas du règlement de comptes personnel.

Vous me direz qu’on n’est pas plus gentils et empathiques chez les chanteurs et les comédiens. Je suis d’accord. La différence avec les humoristes, c’est qu’ils sont forts en gueule (c’est un préalable pour faire ce métier) et que plusieurs d’entre eux sont aussi des chroniqueurs. Ils disposent donc d’une tribune pour évacuer leur trop-plein.

Je comprends que plusieurs dizaines d’humoristes québécois promènent leur spectacle en tournée en même temps et qu’ils se battent férocement pour vendre un maximum de billets. Mais ce tapage et ces attaques sont peut-être en train de montrer qu’on a atteint un quota d’humoristes au Québec. Cela est peut-être aussi en train de nous dire quelles sont les véritables limites à ne pas franchir.

Les humoristes sont devenus comme des vendeuses de parfums dans les grands magasins. Leur envie féroce de vendre leur produit commence à être franchement agaçante. Car c’est bien connu, quand on asperge trop, ça sent fort ! Et ça, c’est désagréable !

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