Opinion Acquittement de Tony Accurso

Un procès équitable et un  verdict légitime 

La couverture médiatique du récent procès de Tony Accurso nous a fait voir la tenue d’un procès juste et équitable. Au premier abord, sous l’œil averti d’un juge expérimenté, le verdict d’acquittement rendu par 12 citoyens semble légitime.

Depuis longtemps, cet entrepreneur a mauvaise presse. Sa réputation a souvent été mise à mal. Nul doute que certaines gens resteront dubitatifs face à ce jugement unanime.

Plusieurs facteurs ont pu contribuer au rejet de l’accusation. Tentons d’y voir clair.

Rappelons-nous la clameur de la commission Charbonneau : Tony Accurso y est apparu comme un personnage marquant de l’industrie de la construction. Doté d’un certain bagout, ce témoin incontournable a confronté l’adversité avec aisance.

Contrairement au mandat dilaté d’une d’enquête publique, le procès tenu à Joliette concernait uniquement un chef d’accusation. L’enjeu et le débat étaient bien circonscrits aux faits liés à l’inculpation. Par conséquent, la poursuite ne pouvait pas aborder le profil de l’accusé ou l’ensemble de son œuvre, y compris ses démêlés avec la justice.

L’avocat de la défense savait pertinemment que son client pouvait témoigner avec une belle assurance. Généralement, afin de pouvoir apprécier la thèse de la défense, les jurés souhaitent entendre l’accusé. Face au jury, outre le contenu du témoignage, le langage corporel de l’inculpé peut également avoir un impact sur sa crédibilité.

En présence d’une preuve circonstancielle, le jury doit être convaincu – hors de tout doute raisonnable – que la culpabilité de l’accusé est la seule conclusion rationnelle et logique.

Techniquement, chacun des éléments essentiels de l’infraction alléguée (abus de confiance) doit également être démontré avec la même rigueur.

Selon la preuve administrée devant le tribunal, le maire de Mascouche a bénéficié d’avantages provenant de Tony Accurso, alors que les entreprises de celui-ci ont soumissionné pour obtenir des contrats de la municipalité. La poursuite y a vu un stratagème de pots-de-vin ; la défense a plutôt justifié ces gratifications dans le cadre d’une très longue amitié.

L’infraction d’abus de confiance vise prioritairement tous ceux qui ont le statut de fonctionnaire. Or, les personnes exerçant une fonction élective sont des fonctionnaires. Pour incriminer Tony Accurso, la poursuite devait forcément recourir à la notion de complicité prévue par le Code criminel.

En effet, celui qui agit en vue d’aider ou d’encourager un fonctionnaire à commettre un abus de confiance participe à cette infraction. Il engage pleinement sa responsabilité criminelle.

Cette exigence suppose que Tony Accurso avait une connaissance coupable. Le jury devait être convaincu que l’accusé savait que le maire était en conflit d’intérêts et que les avantages consentis allaient nécessairement favoriser l’octroi de contrats.

Autrement dit, aux yeux des jurés, sans être entièrement convaincus de la véracité des explications de la défense, celles-ci étaient-elles plausibles ?

Dans la mesure où la preuve circonstancielle mise de l’avant par la poursuite n’était pas l’unique conclusion rationnelle et logique, le jury était parfaitement en droit d’accorder le bénéfice du doute à l’accusé.

Lorsque le récit de l’accusé est totalement écarté par le jury, ce témoignage ne peut soulever un doute raisonnable. Cependant, le jury peut rejeter partiellement un témoignage et entretenir encore raisonnablement un doute quant à sa culpabilité. Les jurés peuvent donc considérer certains éléments d’un témoignage qu’ils acceptent ou qui favorisent leur indécision.

Puisque les jurés délibèrent à huis clos et que la loi (sous peine de sanction) les oblige au secret, on ne connaîtra jamais les raisons qui ont motivé le verdict non plus que le cheminement analytique du jury.

Cela dit, la courte durée du délibéré et l’absence de questionnement du jury auprès du juge portent à croire que les pairs de Tony Accurso ont accepté l’orientation générale de ses explications (y compris celles plaidées par son procureur), sans nécessairement croire l’entièreté de ses propos.

D’ailleurs, la loi n’imposait nullement ce niveau de perfection… et c’est tant mieux qu’il en soit ainsi.

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