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Mathis parle de suicide aux ados

Parler de suicide aux adolescents n’est pas évident. Ça peut pourtant faire une grande différence dans leur vie. Pour aider les jeunes et leurs familles à passer à travers les « mauvaises passes », Geneviève Dufour a écrit un récit dans lequel Mathis, 17 ans, raconte – à la manière d’un blogue – avoir pensé au suicide et s’en être sorti. La Presse a joint à Québec la psychoéducatrice, auteure de Mathis : faire face aux difficultés et choisir la vie, qui vient de paraître aux éditions Midi trente.

Pourquoi parler de suicide aux adolescents ?

Les jeunes et leurs parents sont confrontés au suicide parce que c’est présent dans notre société, malheureusement. On ne peut pas le nier. Ça touche même des personnalités connues. Je me suis dit qu’il serait intéressant de rendre accessible à tout le monde ce que les intervenants savent : quels sont les signes de détresse, comment aider, vers qui se tourner ?

Vous mettez en scène un garçon. Pourquoi ?

Les statistiques démontrent qu’il y a plus de garçons que de filles qui se suicident. Je le constate : les garçons vont moins souvent chercher de l’aide que les jeunes filles. Je ne sais pas si c’est dû à l’orgueil, à l’éducation, à la différence entre les genres, mais les garçons et les hommes ont de la difficulté à admettre qu’ils ont besoin d’aide. Il ne faut pas généraliser, mais c’est une tendance.

Vous indiquez dans Mathis qu’une personne qui pense au suicide est affectée par une souffrance qu’elle perçoit comme étant insurmontable.

Oui. Des fois, on a tellement mal qu’on ne voit plus clair. On pense qu’il n’y a pas de solution, mais il y en a toujours. Il y a des messages-clés à connaître. Personne n’est Superwoman ou Superman dans la vie. Tout le monde fait face à des difficultés et a à souffrir, comme humain. Maintenant, comment réagir face à cela ? Je veux dire aux jeunes : vous avez un certain pouvoir sur la suite. Vous pouvez aider les autres, vous pouvez aller chercher de l’aide. C’est courageux, demander de l’aide.

Quand il pensait au suicide, Mathis utilisait des mots comme « toujours » et « jamais », qui ne reflétaient pas la réalité.

Effectivement. Il faut prendre le temps de nuancer. Mais pour y arriver, ça prend un pas de recul. Ça prend parfois un adulte, un ami ou un intervenant pour faire la part des choses avec nous. Mathis va voir le psychoéducateur de son école. Je sais qu’il y a des coupes dans les écoles et je trouve ça vraiment dommage. J’ose tout de même espérer qu’un enfant qui a besoin de jaser va trouver un éducateur en mesure de lui donner un peu de temps.

Parler du suicide n’en suggère pas l’idée, écrivez-vous. C’est important, pour vous, de conseiller aux ados et à leurs parents comment agir ?

Oui. Si on observe des changements de comportement chez son enfant, est-ce qu’on met tout sur le dos de la crise d’adolescence ? Est-ce qu’on ose parler du suicide ? Je pense qu’il faut aborder le sujet. Si le jeune pense effectivement au suicide, il va voir qu’il y a de l’ouverture, une zone de discussion possible. Que malgré notre malaise, on s’intéresse à lui, on veut prendre soin de lui et on s’inquiète. S’il ne pense pas au suicide, il va nous le dire simplement. Là, on peut continuer à parler, demander ce qui cause les changements de comportement.

Vous faites noter à Mathis ce qu’il aime faire dans la vie. C’est un bon truc ?

Je suis une fille assez proactive. Je pense que même si on ne va pas super bien, le fait de se mettre en action, d’avoir des occupations peut nous aider à découvrir autre chose. Miser sur ses forces, ses intérêts, prendre conscience qu’on fait plein de choses le fun, c’est important. Les jeunes vont dire : « Ah ! c’est plate, y’a rien à faire ! » Mais ils font plein de trucs, ils ont des amis. Mathis joue au basket. Il faut prendre soin de soi en passant de bons moments, à faire ce qu’on aime faire.

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