INVESTISSEMENT IMMOBILIER

Concurrence féroce pour les aubaines

Ray D’Onofrio parle avec enthousiasme de ses acquisitions des dernières années. Avec sa femme Monica, le Montréalais a profité de la crise immobilière en Floride pour acheter une série de propriétés à rabais, dont une a coûté à peine 41 000 $US.

Le couple possède aujourd’hui 10 condos et maisons unifamiliales dans le sud-est de l’État, tous loués sur une base annuelle. Les investisseurs obtiennent un rendement de 15 % par an grâce aux revenus locatifs, sans compter la plus-value enregistrée sur ces propriétés acquises au creux du marché, en 2009 et 2010. « Le condo que j’ai acheté pour 41 000 $, je peux aujourd’hui le revendre à 120 000 $ », se réjouit M. D’Onofrio.

Plusieurs Québécois se mordent aujourd’hui les doigts de ne pas être montés dans le train immobilier américain pendant la crise, alors que le dollar canadien valait plus cher que le billet vert. Le huard a depuis perdu plus de 20 % de sa valeur, tandis que le prix des habitations a presque doublé – voire triplé – dans certains secteurs prisés de la Floride.

Malgré ce revirement de tendance, Ray D’Onofrio reste à l’affût de toutes les possibilités d’acquisition. « Est-ce encore le temps d’acheter ? La réponse est oui. Mais aujourd’hui, on est en grosse concurrence avec le reste du monde. Il y a toujours de très bons deals à avoir, mais on les cherche… et les autres les cherchent aussi ! »

REBOND SPECTACULAIRE

La Floride, destination préférée des Canadiens avec presque 4 millions de visites par an, a été l’un des États le plus affectés par la crise immobilière de 2008. Les prix ont chuté de moitié, et des millions de propriétaires ont été obligés de rendre les clés de leur maison. L’État au complet s’est retrouvé inondé par un déluge de saisies bancaires, les fameuses foreclosures.

La forêt de grues qui constelle aujourd’hui le ciel de Miami ne laisse planer aucun doute : la crise est bel et bien chose du passé. Le marché immobilier a redémarré depuis plusieurs trimestres déjà, et il rugit en lion. Les ventes de maisons unifamiliales ont bondi de 19 % depuis un an en Floride ; les prix, de presque 10 %.

« C’est évident que c’est cyclique. Il y a deux ans, les astres étaient alignés. Mais il faut regarder vers le futur et non vers le passé, et c’est ça qui est intéressant du marché de la Floride. Il y a toujours une demande pour ce marché à cause du climat, de l’environnement, de la fréquence des vols. »

— Marcel Racicot, président de la Chambre de commerce Québec-Floride

La Montréalaise Céline Corriveau a profité de la crise pour acquérir une série de condos à Pompano, surtout entre 2009 et 2011. Elle estime que ces appartements avec vue sur l’eau – que son conjoint et elle ont rénové de fond en comble – valent aujourd’hui 50 % plus cher qu’à l’époque.

Les aubaines existent encore, mais les appartements à bon prix et bien situés sont aujourd’hui « dans un état lamentable », précise-t-elle. « La dernière unité que j’ai achetée l’année passée, je l’ai rénovée au complet. Mais les prix ont augmenté aussi au niveau de la rénovation, de 25 à 30 %. Les entrepreneurs ont vu là une manne. »

FAIRE SES CALCULS

Céline Corriveau, qui est aussi gestionnaire immobilière à Montréal, souligne l’importance d’analyser avec prudence ses besoins avant l’achat. Dans son cas, la baisse marquée de la valeur du huard est atténuée par les revenus locatifs qu’elle récolte tous les mois, en dollars américains.

« Si quelqu’un veut acheter un appartement pour l’utiliser soi-même, il faut compter entre 150 000 et 175 000 $US pour des beaux condos avec une belle vue, indique-t-elle. C’est 240 000 $CAN, plus les frais et les taxes qui ont augmenté. Si tu veux y aller quatre semaines par année, ce n’est pas un bon investissement. »

Ceux qui pensent acheter une propriété pour la louer à des snowbirds doivent aussi bien faire leurs calculs, dit Mme Corriveau.

« Les gens veulent tous les mêmes mois : janvier, février et mars. Avec ces trois mois-là, il faut que tu loues très cher pour seulement couvrir tes frais. »

— Céline Corriveau, gestionnaire immobilière qui possède une série de condos à Pompano

Baisse du huard ou pas, de nombreux Québécois continuent d’acheter pour leurs propres besoins, actuels ou futurs. Pour réduire l’impact négatif de la devise, de plus en plus d’entre eux contractent une hypothèque en dollars américains, ce qui fait la fortune de Desjardins Bank en Floride.

Jean-Yves, un Lavallois qui a préféré rester anonyme, a pour sa part devancé de trois ans l’achat d’un condo qu’il voulait faire au moment de sa retraite. Prévoyant, l’homme a converti la moitié de son budget en dollars américains l’an dernier (environ 50 000 $US), avant la chute marquée du huard. « Ça nous a permis de nous prémunir en partie, puisqu’on a payé comptant. »

30 % MOINS CHER

Le soleil continuera-t-il de briller dans les cieux immobiliers de la Floride ? Avec 36 500 nouveaux emplois seulement en février dans le Grand Miami, le taux de chômage a reculé de 7,1 % à 5,4 % dans la région. Les indicateurs pointent vers une croissance économique soutenue, ce qui se traduira par une demande importante pour les logements.

Ces perspectives encouragent les investisseurs à vouloir miser à long terme sur la région. Le groupe québécois TMSA a, par exemple, investi dans une série de propriétés résidentielles et d’immeubles de bureaux depuis 2009. « On croit vraiment dans le potentiel de l’économie ici », explique Josée de Repentigny, vice-présidente, Floride, pour TMSA.

Ray d’Onofrio croit aussi que le marché immobilier demeurera intéressant, en dépit de la hausse des prix. « Si tu es un investisseur et que tu cherches à faire un rendement, il y a encore de très bons deals à faire lorsque tu compares avec le Québec. Par exemple, j’obtiens 1250 $ de loyer par mois pour un condo payé 60 000 $. Au Québec, tu achètes pour 500 000 $ et loues pour 1400 $ ! »

Les prix de l’immobilier restent environ 30 % plus bas qu’avant la crise de 2008 en Floride, et la croissance sera modérée cette année, selon diverses estimations. Le site Zillow.com prévoit un gain de 2,1 %.

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