dominos

Une « mosaïque » du Sud-Ouest sur la Croisette

Un mois à peine après sa diffusion sur TV5, la websérie québécoise Dominos est en lice pour le trophée de la Meilleure Série Digitale à la première édition de CANNESERIES (du 4 au 11 avril), un festival international consacré au format court.

Divisé en cinq épisodes d’une dizaine de minutes chacun, le récit nous invite à partager les tribulations de divers personnages colorés et attachants errant dans le quartier Sud-Ouest à Montréal. Malgré une illustration souvent dure de la réalité – la mort soudaine de la mère de deux des protagonistes agit comme catalyseur de l’intrigue –, Dominos s’affiche essentiellement comme une vibrante affirmation de la vie, ponctuée par de l’humour empathique et de nombreux dénouements insolites.

Regarder les hommes tomber

Fruit d’un an de labeur, Dominos est la seconde websérie de Zoé Pelchat, après une coréalisation diffusée par Urbania il y a trois ans. « C’est mon premier projet d’auteur sérieux toute seule ; c’est la première fois que j’écris le scénario, que je fais le casting. C’est un blueprint pour les projets que je veux faire à l’avenir », indique à La Presse la jeune diplômée de l’INIS en réalisation.

« Sa démarche est plus profonde, plus sentie, plus juste », ajoute sa fidèle collaboratrice Véronique Charbonneau, productrice chez St Laurent TV.

Inspirée par les films choraux de Paul Thomas Anderson ou Robert Altman, Zoé Pelchat décrit son œuvre comme une « mosaïque ».

« Je voulais que chaque épisode ait son concept narratif propre. C’est un beau défi d’écriture d’essayer de dépeindre un personnage sous différents angles en peu de temps. Je voulais montrer des gens qui s’échappent de la réalité, chacun à sa manière. »

— La cinéaste Zoé Pelchat

« On n’a pas voulu juger les actions qu’ils posaient, on a voulu adopter la position d’observateur qui ne fait que constater l’impact qu’ont les personnages les uns sur les autres », précise Véronique Charbonneau.

« Lavi a pa fasil... »

La distribution de Dominos se distingue par son éclectisme. Au-delà des visages connus comme Paul Ahmarani ou Charlotte Aubin, on découvre de relatifs nouveaux venus, tels Benjamin Roy, Mounia Zahzam et Grégory Beaudin, alias Snail Kid du groupe rap Dead Obies.

La fluidité des performances a notamment été facilitée par de nombreuses répétitions hors caméra. « Ça nous a permis de réécrire les dialogues selon les suggestions des acteurs, explique Zoé Pelchat. C’est un luxe que je vais dorénavant toujours me permettre. »

Afin de mettre en relief le caractère multiethnique de l’univers dépeint, Dominos a misé sur des figures émergentes du hip-hop québécois, comme FouKi, Rymz et Rednext Level.

« Je me fais un point d'honneur de faire rayonner ces artistes-là en leur donnant une autre forme de visibilité, à un autre public. »

— La productrice Véronique Charbonneau

La grosse prise musicale de Dominos est cependant La vi ti-nèg, le fameux hymne de Muzion sorti il y a deux décennies. « Ça a pris des mois et des mois pour qu’on réussisse à avoir les droits, rappelle Zoé Pelchat. Les gens voulaient abandonner, et moi je disais : “Non ! Continuez à écrire à Sony.” Finalement, on l’a eu à un prix assez modique. »

De Verdun à la Côte d’Azur

Pendant qu’elles étaient en repérage à Verdun ou Lachine durant la grisaille d’automne, les deux collaboratrices n’auraient jamais imaginé participer à un festival d’envergure internationale sous le soleil de la Croisette. Et pourtant… « Quand on a eu la réponse pour Cannes, Zoé n’y croyait pas, et m’a demandé de leur réécrire pour confirmer qu’on était bien en compétition », se remémore Véronique Charbonneau.

« Cannes, les entrevues dans le journal, c’est la cerise sur le sundae, mais moi, j’ai hâte de retourner au travail, de rebûcher, de réécrire, confie Zoé Pelchat.

« Avec Dominos, je me suis rendu compte qu’il y avait un réel intérêt pour voir des trucs un peu plus champ gauche. Ce n’est pas une formule, ce n’est pas deux filles qui partent en voyage dans le Sud et tombent amoureuses du même gars. Ça me donne donc envie de prendre encore plus de risques et d’aller plus loin dans cette direction flyée. »

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