RÉFLEXION

Le sens de la vie

Mon enfance et mon adolescence se sont passées sous l’emprise des ayatollahs de l’Église catholique. À cette époque, nous étions encadrés par les dix commandements de Dieu et les sept commandements de l’Église.

La religion catholique était omniprésente dans nos vies. Nous vivions sous un régime de terreur, plein d’interdictions comme celle de lire l’Ancien Testament. C’était clair : hors de l’Église, il n’y avait point de salut. Pour ceux qui s’écartaient du droit chemin, c’était la menace des flammes de l’enfer pour l’éternité.

Avec la logique d’un enfant, je ne pouvais m’empêcher, malgré ces contraintes, de me poser certaines questions. Comment pouvions-nous adorer ce Dieu si bon dont on nous parlait ? Dans mon esprit, adorer signifiait bien plus que simplement aimer. Pourtant, ce Dieu nous menaçait des pires châtiments si nous dévions de l’étroit chemin. C’est donc ainsi que mes premiers malaises se sont manifestés sans qu’il me soit possible d’en parler à quiconque. Un tel doute aurait été vu comme une mauvaise pensée susceptible d’entraîner une peine.

Puis, un jour, notre enseignant de science nous parla de l’évolution, une thèse développée par Darwin, le savant britannique. C’était fascinant : j’avais l’impression que nous entrions sur un terrain nouveau. La théorie de l’évolution avait capté mon esprit et celui de mes camarades. Nous étions intrigués et voulions en connaître davantage sur ce processus d’évolution qui touchait tout dans la nature.

UNE CONTRADICTION

Une chose me devint vite évidente. Le concept d’évolution entrait directement en contradiction avec celui, enseigné par l’Église, de la création du monde par Dieu en sept jours. Ce qui eut pour effet de remettre en cause ce qui m’était apparu jusque-là comme un événement historique indiscutable.

Sans m’en rendre compte, mes doutes sur le dieu à qui nous devions nous soumettre venaient de s’accentuer. Et c’est ainsi qu’avec le passage du temps, de plus en plus de questions sans réponse me sont venues à l’esprit.

La question du commencement de l’univers s’est posée. Depuis, elle n’a jamais cessé de m’intriguer. Il m’est difficile d’imaginer que le monde n’ait pas eu de début. Par contre, s’il y en a eu un, cela suppose que rien n’existait auparavant. Alors comment ce début a-t-il pu se produire ? Qu’est-ce qui a bien pu se passer quand il n’y avait encore rien ? En guise de réponse à ces questions, des scientifiques ont conclu que l’univers serait issu du Big Bang. Quant à moi, malgré son apparence scientifique, cette théorie ne nous éclaire pas sur ce qui existait avant le Big Bang et sur ce qui l’aurait déclenché.

Il en est de même sur la question de la fin du monde. Pourquoi y aurait-il une fin ? Qui provoquerait cette fin et dans quel but ? Dans l’hypothèse d’une fin du monde, est-ce que l’immense univers dans lequel nous vivons disparaîtrait ? Autant de questions qui, selon moi, demeurent sans réponse.

Y A-T-IL UNE FORCE ?

Mais, si l’on y songe, ce sont des questions qui soulèvent la question fondamentale : existe-t-il une force, un principe, un être suprême qui expliquerait tout ? Pour les religions judéo-chrétiennes, cet être suprême serait Dieu, Yahvé ou Allah. Selon d’autres religions, cet être serait profondément différent, tel le dieu du bouddhisme. Il pourrait aussi être constitué de plusieurs dieux comme dans bien des peuples autochtones.

Depuis l’origine des temps, l’humain a toujours eu besoin d’imaginer un être suprême ou un dieu. Nous ne faisons pas exception à cette exigence.

En définitive, comme un philosophe l’a déclaré, Dieu est la question la plus importante, qu’il existe ou qu’il n’existe pas. En d’autres termes, si le dieu des religions judéo-chrétiennes n’existe pas, qui ou quoi le remplace ?

Un examen de l’univers dans lequel nous vivons me semble le plus susceptible d’apporter des éléments de réponse ou des éclaircissements sur cette question.

La dimension de l’univers est un premier élément qui fascine. Cet univers né il y a des milliards d’années est toujours en expansion. Sur cela, il n’y a pas de doute. Il est composé d’innombrables galaxies constituées chacune de milliards d’étoiles. La Terre est une parcelle bien petite dans cet univers tellement immense que nous ne pouvons nous le représenter.

C’est sur cette parcelle que nous, les humains, nous retrouvons.

Il nous faut beaucoup de prétention ou d’inconscience pour croire que nous sommes le centre de l’univers, qu’il a été créé pour nous. Que nous sommes les seuls êtres vivants dans l’univers.

Force est de conclure que, pour l’être suprême à la base de l’univers, la Terre et les humains constituent une quantité presque négligeable.

Les mécanismes de l’univers sont réglés avec une telle minutie et une telle précision qu’il est impossible de penser qu’ils sont le fruit du hasard. Songeons simplement au fait que le lever du soleil et son coucher sont connus à la fraction de seconde près et peuvent être prévus pour des années à venir. Il en est de même du début des saisons et des moments à partir desquels la durée des jours commence à allonger ou à diminuer.

L’extraordinaire variété d’êtres vivants sur la Terre dépasse notre imagination. Périodiquement, nous apprenons par exemple que l’on a découvert dans le fond de la mer de nouveaux types de crustacés ou de poissons. Sans parler des éléments du monde infiniment petit qui vont de la molécule jusqu’à la dernière découverte, le boson de Higgs.

UNE LIMITE À NOS CONNAISSANCES

La complexité de l’être humain ne cesse d’étonner. Malgré toutes les recherches depuis des siècles par d’innombrables chercheurs, nous devons admettre la limite de nos connaissances. Des centaines de milliers de chercheurs, équipés de moyens de plus en plus puissants, demeurent incapables de percer les mystères de la vie, de la maladie et de la mort.

Ce qui m’oblige à conclure que nous sommes plus que la création d’un simple Big Bang. Que nous sommes sur la Terre en vue d’une vie éternelle qui y ferait suite. Une vie éternelle qui soulève à son tour une foule d’autres interrogations.

Est-ce que seuls les humains auraient le privilège d’accéder à la vie éternelle ? Est-ce que nous y serons en compagnie des hommes de Neandertal et de Cro-Magnon qui nous ont précédés ?

En fait, malgré les milliards d’humains qui ont passé sur la Terre, aucun signe ne nous a été donné permettant de croire qu’il y a une vie après la mort.

Nous pouvons nous voir comme des passants, comme des relais entre les générations qui nous ont précédés et celles qui vont nous suivre. Nous avons des valeurs qui nous confèrent la dignité propre à l’être humain et à laquelle nous tenons profondément. Cette dignité qui nous distingue des autres membres du règne animal. Ce qui conduit inévitablement aux interrogations sur le sens de la vie ou de notre passage sur la Terre.

Le fait de vivre en société nous confère des droits, mais aussi des responsabilités. Ce qui nous laisse toutefois une large marge de liberté, assez pour déterminer le sens ou l’orientation que nous voulons donner à notre vie. C’est ainsi que la majorité des humains pensent et agissent naturellement afin d’être de bons membres de leurs communautés, des citoyens responsables engagés dans la difficile marche vers le progrès et une meilleure qualité de vie.

Voilà, selon moi, en quoi consiste fondamentalement le sens de la vie. Aucune autre préoccupation ou objectif de vie ne se situe à ce niveau.

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