Tester pour mieux comprendre

Si Téo s’est imposé en moins d’un an dans le paysage du taxi montréalais, c’est bien sûr grâce à un modèle d’affaires inédit. Mais c’est aussi par un heureux concours de circonstances qui lui a permis de démarrer sur les chapeaux de roues. Merci à l’expertise de l’Institut du véhicule innovant, situé à Saint-Jérôme. Éclairage. — Pierre-Marc Durivage, La Presse

Avant Téo

Un peu plus de deux ans avant que le premier taxi vert et blanc prenne son premier client, l’Institut du transport avancé du Québec (ITAQ) avait déjà achevé son propre projet de démonstration sur le taxi électrique au Québec. L’ITAQ, qui s’est associé en avril 2015 au Centre national du transport avancé pour créer l’Institut du véhicule innovant (IVI), avait ainsi déterminé l’utilisation moyenne de chaque véhicule taxi. « Nous avions fait la recommandation au gouvernement de lancer un projet-pilote d’une centaine de taxis électriques à Montréal et Québec, s’est rappelé Véronique Lamy, directrice du développement des affaires de l’IVI. Le projet figurait en haut lieu auprès de l’administration de Pauline Marois, mais tout ça s’est retrouvé sur une tablette après le changement de gouvernement… »

Coïncidence, Alexandre Taillefer entreprenait alors une démarche personnelle qui visait à mettre sur pied un parc de taxis Tesla à temps pour le 375e anniversaire de Montréal. « On l’a contacté directement en juin 2014, nous a raconté Mme Lamy. Il ne savait pas qui on était et nous a donné une heure pour vendre notre salade. Il nous a rappelés dès le lendemain. »

Projet-pilote

Alors que l’IVI cherchait 100 propriétaires de taxi pour son projet-pilote, il s’est retrouvé du jour au lendemain avec un seul client qui disposait de 100 taxis. Le fait que les chauffeurs de Téo soient salariés a considérablement facilité les choses. « Alexandre Taillefer avait la twist pour rendre le projet économiquement viable, a souligné François Adam, directeur général de l’IVI. Il a repensé le modèle. »

« De notre côté, on avait les solutions, on a pu consolider son idée, a enchaîné Stéphane Pascalon, coordonnateur de projet à l’IVI. On avait aussi éduqué des fonctionnaires à la question, ça a permis à Téo d’avoir des portes ouvertes auprès du gouvernement. »

Tests quotidiens

En rotation, 20 voitures sont testées quotidiennement, soit 9 Kia Soul, 9 Nissan Leaf et 2 Tesla Model S. « De mois en mois, on cherche à voir le vieillissement des batteries en utilisation intensive, nous a expliqué Stéphane Pascalon alors que se terminait le test d’une Soul sur dynamomètre. Les tests se font dans des conditions identiques et contrôlées. On enregistre l’ensemble des données de chaque véhicule : kilométrage, niveau de charge, temps arrêté, temps en veille, consommation en kWh/km. On prend en fait une “photo” de la batterie pour voir dans quel état elle est à un moment donné. » Les premiers tests sur les taxis Téo ont été réalisés en novembre 2015 au cégep de Saint-Jérôme. 

Résultats cohérents

Selon les constructeurs, les batteries des autos électriques perdent en moyenne 3 % de rendement par année. Ce qui est cohérent avec les analyses réalisées depuis un an par les chercheurs de l’IVI. « Ce à quoi on s’attendait – et ce qu’on espérait – était d’assister au vieillissement des batteries en fonction du temps et du nombre de cycles de recharge, a décrit Stéphane Pascalon. On savait aussi que les taxis Téo allaient être davantage affectés par les recharges plus fréquentes, et nos résultats préliminaires sont conséquents. Cela dit, on pourrait penser que les recharges répétitives pourraient avoir des effets accélérés sur la capacité des batteries, mais ce n’est pas le cas ; le vieillissement en utilisation taxi est donc plus lent. »

Parc de voitures idéal

Un autre mandat de l’IVI était de comparer les différents véhicules du parc de Téo. « Ils veulent déterminer lequel est le plus approprié en termes de qualité-prix, a dit Stéphane Pascalon. Toutefois, au chapitre de la performance des batteries, nos études démontrent qu’il n’y a pas de différence majeure entre les modèles de la flotte. Il y a un petit écart en faveur de la Kia Soul l’hiver, mais on veut avoir un vrai hiver pour compléter notre analyse. » Le choix devrait donc se faire en fonction d’autres critères, comme les performances, l’équipement et le confort. La Soul semble avoir la préférence des clients et des chauffeurs, nous dit-on…

Économies d’échelle

Le projet-pilote de l’IVI permet enfin à Téo de mesurer la réelle efficacité de l’aventure. « Le suivi scientifique du projet amène une autre dynamique. Cela va entraîner des retombées globales économiques que l’on peut dorénavant chiffrer, a affirmé Stéphane Pascalon. C’est important pour le taxi de connaître le nombre de kilomètres par minute de charge. Pour le consommateur moyen, c’est 2 % moins cher de rouler électrique quand on inclut le prix d’achat actuel. Mais plus on roule, plus on épargne : pour Téo, l’économie est de l’ordre de 30 à 40 %. »

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