Opinion

Traitement des animaux de fermE Le gouvernement doit prendre ses responsabilités

Au Québec, aucune loi n’encadre le traitement des animaux destinés à la consommation pendant toute la durée de leur vie active à la ferme.

C’est pour sensibiliser la population sur ces enjeux et interpeller les candidats aux élections provinciales que la SPCA de Montréal vient tout juste de lancer la campagne AniMAL.

La Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal, adoptée en 2015, écarte de son champ d’application les activités d’agriculture pourvu que celles-ci soient pratiquées « selon les règles généralement reconnues ». Or, ces « règles » ne sont pas définies dans la loi. Du moment qu’une part importante de l’industrie emploie une certaine pratique, celle-ci est automatiquement considérée comme étant conforme aux « règles généralement reconnues ».

C’est donc l’industrie elle-même qui détermine quelles pratiques sont légales. Un peu comme si le ministère de l’Environnement confiait au secteur manufacturier du Québec le pouvoir d’établir lui-même ses normes environnementales.

Certes, il existe des codes de pratiques nationaux qui énoncent des lignes directrices concernant les soins et la manipulation des animaux d’élevage. Ces codes n’ont toutefois pas force de loi. Au Québec, leur adhésion demeure d’ailleurs strictement volontaire. Il faut aussi savoir que le comité chargé de leur développement et de leur révision est majoritairement composé de représentants de l’industrie.

Des pratiques répandues

C’est ce qui explique que plusieurs pratiques qui compromettent le bien-être des animaux élevés pour la consommation demeurent répandues au Québec, alors qu’elles sont interdites ailleurs dans le monde. Ces pratiques incluent le confinement des animaux dans des espaces étroits et la mutilation systématique sans anesthésie ni analgésie, qui a fait couler beaucoup d’encre depuis le début de la campagne.

Si les porcelets sont castrés, c’est pour éviter un goût que certains consommateurs trouvent déplaisant dans la viande. Cette castration est généralement pratiquée de manière chirurgicale, c’est-à-dire à l’aide d’un scalpel, par le producteur lui-même, alors que les porcelets sont âgés de quelques jours. Depuis 2016, le code de pratique de l’industrie exige l’emploi d’analgésie après l’opération, mais aucune anesthésie. 

L’Association canadienne des médecins vétérinaires considère pourtant qu’il s’agit d’une procédure douloureuse à n’importe quel âge et qu’une anesthésie et une analgésie efficaces sont requises, peu importe l’âge auquel elle est pratiquée. La castration chirurgicale est d’ailleurs en train d’être carrément éliminée en Europe alors qu’en Suisse, la loi exige que la castration des porcelets soit faite sous anesthésie depuis 2010.

La situation est encore pire pour les autres animaux : les codes de pratiques permettent la castration des veaux et des agneaux ainsi que la coupe de la queue des agneaux et l’amputation partielle du bec des poules pondeuses sans aucune analgésie ni anesthésie.

Un sondage vient tout juste de révéler que 72 % de la population québécoise croit qu’il est important que les candidats aux prochaines élections provinciales traitent de la protection des animaux durant leur campagne électorale.

Il est temps que le gouvernement du Québec prenne ses responsabilités et protège les animaux d’élevage.

L’idée n’est pas nouvelle. Déjà en 2015, à l’occasion du dépôt du projet de loi 54 – Loi visant l’amélioration de la situation juridique de l’animal –, le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation de l’époque, Pierre Paradis, s’était engagé à ce que, au minimum, les codes de pratiques régissant l’élevage d’animaux pour la consommation deviennent obligatoires. Cette promesse n’a jamais été tenue…

En entrevue au sujet de la campagne AniMAL, le président de l’Union des producteurs agricoles, Marcel Groleau, disait qu’« il n’y a pas de gestes gratuits qui sont posés dans le but de faire souffrir un animal. Jamais ». Nous sommes d’accord avec lui pour dire que les producteurs ont un travail difficile et ne confinent pas leurs animaux dans des espaces restreints ni ne les mutilent à froid par plaisir. Ce qui se passe actuellement sur les fermes du Québec est dicté par les demandes du marché.

Voilà justement pourquoi le gouvernement doit intervenir et prendre sa place. Plutôt que de laisser les lois du marché dicter comment les animaux peuvent être traités, il doit poser des balises juridiques et énoncer clairement ce qui est légal et ce qui ne l’est pas.

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