Opinion Pascale Navarro

PARITÉ À L’ASSEMBLÉE NATIONALE
La gifle

C’est passé inaperçu, mais sachez que la semaine dernière, les trois quarts de nos parlementaires ont refusé d’appuyer une motion en faveur du principe de parité au Conseil des ministres.

Québec solidaire a présenté un projet de loi, le 19 avril dernier, obligeant tout futur Conseil des ministres à la parité femmes-hommes. La conséquence de ce projet ? Les partis seraient obligés de présenter suffisamment de candidatures féminines pour arriver à ce résultat. C’est une manière d’atteindre la parité, qui en vaut bien une autre. L’essentiel est d’agir.

Déception et mensonges

C’est ce qu’ont proposé les députés Gabriel Nadeau-Dubois et Amir Khadir, en l’absence de Manon Massé, tout de même porte-parole de ce projet.

Sur les 102 députés présents à la séance (où étaient les 23 autres députés ?), 24 seulement ont soutenu la motion. À l’arrivée de tout ce processus, une maigre part de 19,2 % des parlementaires ose se prononcer en sa faveur.

Les députés caquistes et libéraux s’y sont opposés en bloc, tandis que les péquistes et solidaires ont voté pour. Vous avez bien lu : seulement un député sur cinq a appuyé la motion.

Pourtant, l’an dernier, le 26 avril 2017, tous et toutes, unanimement, appuyaient une motion en faveur de la parité, s’engageant à faire tout ce qu’il fallait pour y parvenir. Maintenant que les élections approchent, ils donnent un coup de frein.

Égalité de façade

Je réécoute les entrevues et déclarations de François Legault et de Philippe Couillard (absent durant le vote de la semaine dernière), alors qu’ils répondaient à la suggestion de légiférer en faveur de la parité, faite par le Groupe Femmes, Politique et Démocratie et les Partenaires pour la parité, une coalition de 24 organisations parmi lesquelles le Comité des femmes anciennes parlementaires : les chefs y ont répondu par une dévotion ardente à défendre l’égalité entre femmes et hommes.

À les entendre, la parité adviendra, puisqu’ils s’y consacrent. Pourtant, ils ont été incapables de le démontrer.

Comment ne pas être déçue que si peu de parlementaires aient eu la hauteur nécessaire pour surmonter la partisanerie et adopter ne serait-ce que le principe de parité ?

Et je repose la question : avec ce refus, quel message nous lancent les élus ? Que voir les choses autrement n’est pas possible au Parlement ? Que la politique ne pourra porter cette valeur jusqu’au bout, c’est-à-dire en l’inscrivant dans une loi ? Que l’égalité n’est qu’un slogan de campagne électorale ? Qu’ils ne reconnaissent pas le retard de l’Assemblée nationale en matière d’égalité des sexes ? Que la politique n’est pas porteuse de changement ?

Malheureusement, c’est tout cela que je comprends aujourd’hui.

VINGT fois sur le métier

Ça ne fait que confirmer à quel point il reste du travail à faire. En effet, il faudra encore démontrer que tout, dans cette société, est bâti pour que les femmes ne prennent pas trop de place. Ces derniers jours, nous avons vu renaître un discours déplorant l’échec scolaire des garçons (à la suite de la publication d’une étude de l’Institut du Québec) et qui accusait les femmes de pomper les ressources pendant qu’eux subissent une « débâcle », comme on a pu le lire dans certains commentaires. Les diatribes antiféministes concluent à l’invasion des femmes et de leurs valeurs.

La grosse machine patriarcale revient à la charge.

Certains ont remis les pendules à l’heure (Francis Vailles, « Le faux débat du décrochage des garçons », La Presse), analysant les résultats et la méthodologie des études, et soulignant à quel point c’est le désengagement politique qui nuit au système d’éducation, sans parler des inégalités de classes (Francis Dupuis-Déri, « Les filles réussissent mieux partout », Le Devoir). Les femmes n’ont rien à voir dans les problèmes du système d’éducation : les accuser de « féminiser » l’école traduit parfaitement la résistance à leur occupation de l’espace public.

Reproduire des inégalités

Ce qui devrait nous faire comprendre une chose : quand vous n’intervenez pas dans un système inégalitaire, vous le laissez reproduire des iniquités de génération en génération.

C’est ce qui me tourmente avec la politique. Si les députés, occupant des charges publiques et financées à même nos impôts, ne se préoccupent pas d’inscrire l’égalité de fait dans notre maison commune, qui le fera ?

La Presse canadienne a publié le 4 décembre dernier les résultats d’un sondage auprès des élues sur la parité, où 75 % d’entre elles ont affirmé que « les partis devaient s’engager à présenter au moins 40 % de femmes aux prochaines élections générales ». Et, désillusionnée, la moitié des femmes ministres interviewées ont dit que « l’égalité n’arrivera probablement jamais ou en tout cas certainement pas avant un siècle ».

Deux choses m’attristent et m’indignent profondément : que les femmes soient si résignées, et qu’une grande partie de la classe politique se soucie peu de la parité et de l’égalité, sauf quand cela contribue à dorer son image.

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