remaniement ministériel à québec

Des « ajustements » plutôt que de grands changements

QUÉBEC — Philippe Couillard a passé ses vacances avec son ami et bras droit Roberto Iglesias. Les deux compères, pas très loin de Fort Lauderdale jusqu’au 14 janvier, dessinent sur la plage des scénarios de remaniement ministériel. Des réflexions qui alimentent la rumeur sur la colline Parlementaire.

Avant les Fêtes, une frénésie s’était emparée de certains médias qui prédisaient un important rebrassage des cartes. On évoquait même un nouveau départ du point de vue parlementaire, un message inaugural pour préciser le plan d’action des prochains mois pour le gouvernement. En y regardant de plus près, on peut penser que Philippe Couillard optera pour des changements bien plus modestes. L’idée d’une nouvelle session paraît d’ores et déjà mise de côté – les ministères n’ont pas eu de commandes en ce sens.

D’ailleurs, le message des députés libéraux en décembre ne portait pas sur des changements au Conseil des ministres ou sur un nouveau départ au Parlement. En revanche, les élus ont martelé une exigence : que Philippe Couillard passe davantage de temps en région – et, par conséquent, se rende moins fréquemment à l’étranger. Il avait raté presque deux semaines, importantes, en fin de session parlementaire en décembre.

Dans le passé, presque à tout coup, Philippe Couillard avait penché en faveur d’un scénario minimaliste, et on pourrait parier qu’il le fera encore. Une exception : il avait tenté un coup d’éclat il y a un an, mais avec un succès bien relatif. En effet, Pierre Moreau n’avait fait qu’un mois à l’Éducation en raison de problèmes de santé, la mise au rancart de Robert Poëti a généré bien des tracas et les promotions de Luc Fortin à la Culture et de Rita de Santis aux Institutions démocratiques n’ont pas livré les résultats attendus.

UN POSTE PLUS APPROPRIÉ À PIERRE MOREAU

Au centre de l’opération qui vient : redonner à Pierre Moreau, un des bons compteurs de son équipe, un poste plus approprié que « ministre délégué aux Finances », la responsabilité réduite qu’on lui avait confiée pour ses mois de convalescence.

Ce n’est pas une certitude, mais une probabilité tant que MM. Couillard et Iglesias n’ont pas rangé leurs parasols. Pierre Moreau serait nommé président du Conseil du trésor, le poste qui avait été temporairement confié à Carlos Leitao, qui continuera aux Finances.

En réduisant les changements, Philippe Couillard n’alimentera pas les frustrations des députés de l’arrière-ban. Confrontés à de grandes manœuvres, ces élus auraient compris que leur tour n’arriverait pas de sitôt.

S’il veut encore davantage réduire l’impact des « ajustements », Philippe Couillard pourrait même se contenter de les annoncer en marge de la prochaine réunion du Conseil des ministres, le 17 janvier.

Autrement, les ajustements attendront son retour de la réunion du Sommet économique mondial, à Davos, après le 20 janvier. S’il attend ce moment, c’est qu’il a choisi une opération un peu plus vaste. Il devait participer à une délégation de représentants de l’industrie pharmaceutique et de la santé en Suisse du 23 au 28 janvier, mais les participants ont été avisés au tout début de l’année que ni Philippe Couillard ni Dominique Anglade ne les accompagneraient.

LA SANTÉ ET LA JUSTICE

Mais bien peu d’éléments plaident pour un important rebrassage des cartes – en décembre, des médias évoquaient sans sourire le départ de Gaétan Barrette de la Santé ! Beaucoup de regards s’étaient tournés vers Stéphanie Vallée en décembre. La ministre de la Justice n’a pas bien paru devant sa critique péquiste, Véronique Hivon, sur la réponse à donner à l’arrêt Jordan de la Cour suprême. Mais depuis la promesse d’effectifs supplémentaires, c’est silence radio du côté de la magistrature. Avant les Fêtes, des juges en chef avaient fait des sorties sans précédent, sonné l’alarme sur la situation déplorable dans les palais de justice. Bien sûr, Me Vallée devra adopter le ton juste pour défendre le projet de loi 62 sur le port du voile. On peut penser qu’elle reste en observation, mais que son sort ne sera pas tranché dans les prochaines semaines.

Pierre Moreau aurait fait un candidat tout désigné pour la Justice – il a même été chef de cabinet de Jacques Dupuis quand il occupait ce ministère. Mais il aurait des réserves ; sa femme, Michèle Monast, est juge à la Cour supérieure, une situation délicate pour un ministre de la Justice. Rien d’insurmontable, toutefois, si on regarde les précédents.

Pauline Marois aux Finances était de ce fait la patronne de son mari, Claude Blanchet, à la Société générale de financement (SGF). Aujourd’hui disparue, la femme de Bernard Landry, ministre sous Lucien Bouchard, était juge en chef à Montréal. La conjointe de Sam Hamad siège à la Cour du Québec. On peut penser que les réticences de M. Moreau ont une origine ; au fond, il préfère de beaucoup aller au Conseil du trésor.

POËTI ET HAMAD

Il serait aussi surprenant de voir Robert Poëti et Sam Hamad réintégrer le Conseil des ministres. Le premier n’a pas caché que Denis Coderre lui avait tendu les bras pour les prochaines élections municipales, en novembre. Sa circonscription de Marguerite-Bourgeoys est un bastion libéral. C’est plus délicat avec Sam Hamad. Il avait été l’un des premiers partisans de Philippe Couillard dans la course à la direction du Parti libéral. S’il claquait la porte, une élection partielle dans Louis-Hébert risquerait de donner des ailes à la Coalition avenir Québec, déjà en bonne position dans la région de Québec. Mais les rapports successifs du Commissaire au lobbyisme et du Commissaire à l’éthique dans le dossier de Premier Tech ont probablement plombé ses chances de redevenir ministre. Des probabilités encore, plutôt que des certitudes.

Dans les rumeurs de décembre, on envoyait la nouvelle élue de Verdun, Isabelle Melançon, à la Culture. L’ancienne directrice des communications de la SODEQ, qui a, au surplus, dirigé le cabinet d’Hélène David à la Culture, aurait le profil parfait pour la culture. Mais Luc Fortin n’a pas démérité, semble-t-il, même si ses obligations familiales – des enfants en bas âge – empêchent le ministre responsable de l’Estrie d’être présent aux événements culturels de Montréal. Une autre promotion d’il y a un an, Rita de Santis, pose problème, semble-t-il aussi, et Marie Montpetit aurait bien besoin d’un coup de pouce pour se faire réélire dans Crémazie.

Mais les probabilités, encore elles, font qu’elle devra prendre son mal en patience.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.