Élection de Trump à la présidence

Des Américains magasinent leur maison au Canada

Des Américains indignés par l’élection de Donald Trump à la présidence de leur pays cherchent des cabanes au Canada : le site canadien d’immobilier realtor.ca a reçu quatre fois plus de visites d’internautes américains mercredi, au lendemain du scrutin, qu’à la même date l’an dernier.

« L’augmentation des visites avait commencé dans les jours et les semaines précédents », explique Pierre Leduc, porte-parole de l’Association canadienne de l’immeuble (ACI), qui administre realtor.ca. « On ne peut prédire si cet intérêt se traduira réellement par des ventes, mais il y a quand même eu 599 courriels de demandes d’information envoyés mercredi à des courtiers canadiens. »

Le site immobilier canadien Point2 Homes a indiqué avoir enregistré une hausse de 700 % des visites en provenance des États-Unis au cours des deux jours qui ont suivi l’élection.

Visiteurs américains sur le site realtor.ca

9 novembre 2016 : 38 479

9 novembre 2015 : 10 400

6-7-8 novembre 2016 : 27 690 visiteurs/jour en moyenne

De quels États proviennent les acheteurs américains potentiels ?

13 % Californie 8 % New York 6,5 % Texas 6,3 % Floride

Quelles régions du Canada les intéressent ?

1. Cap Breton, Nouvelle-Écosse

2. Toronto, Ontario

3. Calgary, Alberta

4. Kitchener, Ontario

5. Kelowna, Colombie-Britannique

Hausse des visites en provenance des États-Unis sur le site Point2 Homes, pour les régions les plus recherchées 

Ontario : 900 % Cap Breton : 600 % Toronto : 515 % Montréal : 430 % Vancouver : 335 % Ottawa : 275 %

Police d’assurance

Certains n’ont pas attendu le résultat de l’élection pour agir : en juin dernier, la courtière du réseau Sotheby’s Liza Kaufman a vendu une maison à Montréal à une famille de New York, inquiète du climat politique malsain chez elle.

« C’est quelqu’un qui travaille dans le milieu financier, qui a étudié à l’Université McGill, donc qui connaît Montréal, explique-t-elle. Ils ne vont pas nécessairement s’installer ici à temps plein, c’est une famille riche ayant quatre propriétés, mais cette maison est comme une police d’assurance pour eux, s’ils ont l’impression que les choses se dégradent aux États-Unis. »

Rentrant tout juste d’un séjour en Californie, Liza Kaufman raconte avoir eu plusieurs contacts avec des collègues courtiers s’informant du marché canadien pour le compte de leurs clients. Mais ils sont plus susceptibles de s’intéresser à Toronto et à l’ouest du Canada qu’au Québec, selon elle, pour des raisons linguistiques.

Ce n’est peut-être pas demain matin que vous aurez un Américain anti-Trump comme voisin : immigrer au Canada n’est pas si simple, fait remarquer Joanie Fontaine, économiste pour la firme JLR, spécialisée dans l’analyse de données immobilières. 

« Immigrer, c’est un projet de longue haleine. Plusieurs personnes ont eu une réaction émotive mercredi, en disant qu’elles veulent déménager, mais en voyant la complexité d’un tel changement, elles risquent de déchanter. »

— Joanie Fontaine, économiste pour la firme JLR

Il serait étonnant qu’une vague de « réfugiés » de chez l’Oncle Sam fasse augmenter la demande et provoque une hausse du prix des maisons. « L’impact sera mineur, dit Mme Fontaine. Même si 300 Américains viennent s’installer ici, ça aura peu d’influence sur l’ensemble des ventes. »

« Rêve canadien »

« Mais au moment du déclin de l’empire américain, on voit une croissance du rêve canadien », observe Patrice Groleau, PDG de McGill Immobilier, spécialisé dans la vente de condos, aussi associé de l’agence haut de gamme Engel & Völkers.

La réputation de stabilité du Canada et de son marché immobilier attire de plus en plus d’investisseurs étrangers, qu’ils soient des États-Unis ou d’ailleurs dans le monde, note-t-il. « Il y a de l’intérêt d’acheteurs américains, mais aussi d’autres pays, qui hésitent maintenant à investir aux États-Unis en raison du climat politique et social, et qui réalisent que le Canada est beaucoup plus sécuritaire. Sur les sites dédiés aux courtiers immobiliers, on voit que tout le monde cherche comment profiter de cette manne. »

L’investissement étranger dans l’immobilier au Québec a doublé depuis cinq ans, fait remarquer Patrice Groleau. S’il demeure marginal dans l’ensemble des transactions, il est loin d’être négligeable dans certains marchés, ajoute-t-il. « Dans certains secteurs de Montréal, les deux tiers des maisons de plus de 1 million sont vendues à des acheteurs d’origine chinoise. »

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