Hockey

La LNH range ses poings

À titre d’analyste au NHL Network, Mike Johnson assiste à des dizaines et à des dizaines de parties de hockey. Pourtant, il n’a souvenir que d’une seule bagarre planifiée cette saison. « Le combat entre Joe Thornton et Nazem Kadri à Toronto il y a deux semaines, répond l’ancien attaquant. J’essaie de fouiller dans mes souvenirs, je n’en vois pas d’autres. C’est le seul combat planifié qui me vient en tête. »

Non, bien sûr, la bagarre entre Thornton et Kadri ne fut pas la seule bagarre préméditée de la saison dans la LNH, mais la mémoire de Mike Johnson n’est pas défaillante pour autant : il y a, en effet, de moins en moins de bagarres dans la Ligue nationale de hockey, planifiées ou pas.

Selon les données compilées par Hockeyfights.com, une référence dans le domaine du pugilat sur glace, les bagarres sont en baisse cette saison dans la LNH. Fortement en baisse.

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Nombre de combats dans les arénas de la LNH la saison dernière, soit une proportion de combats dans 24,88 % des matchs présentés par la ligue, selon le site Hockeyfights.com

Cette saison, Hockeyfights.com a compté seulement 155 bagarres (avant les matchs d’hier soir), et à ce rythme, seulement 17,64 % des matchs de la Ligue nationale auront été le théâtre de batailles en 2017-2018. Depuis que le site calcule ces statistiques (2000-2001), le pourcentage de matchs avec au moins une bagarre dans la LNH n’a jamais plongé sous la barre des 20 %.

Pour Mike Johnson, qui a joué pendant 11 saisons dans la LNH, c’est un signe qui ne ment pas. « Les temps changent », affirme l’ancien joueur, qui a porté le chandail du Canadien en 2006-2007.

« Aujourd’hui, les entraîneurs veulent donner des postes de quatrième trio à des spécialistes du désavantage numérique, ou bien à des joueurs rapides qui peuvent faire pencher la balance. Plus vraiment personne ne veut habiller un joueur qui va jouer pendant cinq minutes. »

— Mike Johnson, ancien joueur de la LNH

C’est particulièrement vrai cette saison, où une seule équipe, les Panthers de la Floride, mise sur un joueur ayant pris part à plus de 10 bagarres, soit l’attaquant Micheal Haley. Chez le Canadien, seulement six joueurs ont sorti les poings cette saison, et aucun n’a pris part à plus d’une bagarre.

« C’est quelque chose qui est en voie d’extinction, estime Guy Carbonneau, ancien joueur et ancien entraîneur du Canadien. On a vu Nicolas Deslauriers arriver ici et se battre à son premier match avec l’équipe, et ensuite, on se demandait s’il avait choisi le bon moment pour faire ça. Il s’est battu, il a gagné, mais le vent a viré de bord, c’est le Canadien qui a perdu. »

Le mythe d’une bagarre qui « change le cours d’un match », pour emprunter une expression consacrée, a longtemps été répandu et entretenu dans les arénas de la LNH. Aujourd’hui, ce mythe est en train de disparaître. « Dans le temps où je jouais, on disait qu’une bagarre au bon moment et contre le bon adversaire, ça pouvait réveiller les gars sur le banc, ajoute Guy Carbonneau. Mais il reste que tu dois encore être capable de compter des buts ! »

Une question de santé

Le sujet des bagarres est dorénavant lié aux commotions cérébrales. Impossible d’y échapper. Contrairement aux joueurs des générations précédentes, les jeunes patineurs d’aujourd’hui sont bien au fait des dangers qui guettent ceux qui reçoivent trop de coups à la tête.

« Je pense que les plus jeunes se soucient de leur avenir, répond Mike Johnson. Recevoir des coups de poing à la tête, ce n’est pas très bon pour la santé. »

Même si le hockey a encore cette réputation de sport un peu fou – les images des restants de barbe de Thornton à la suite du combat contre Kadri ont fait le tour du web assez rapidement –, la tendance aux bagarres semble bel et bien tirer à sa fin.

L’exemple le plus probant provient sans doute de Philadelphie, là où les Flyers ont longtemps cultivé une réputation axée sur la violence et le sang. Cette saison, les joueurs en noir et orange n’ont pris part qu’à neuf bagarres. C’est 11 de moins que les meneurs à ce tableau, les Ducks d’Anaheim. Les Flyers de la glorieuse époque employaient plusieurs matamores, dont le célèbre Dave Schultz, qui a conclu la saison 1974-1975 avec 472 minutes de punition, une marque qui tient toujours. Haley, le bagarreur le plus actif cette saison, a 87 minutes de punition au compteur depuis le début du calendrier.

Puisque les mentalités changent, les besoins changent aussi. John Scott, qui a distribué des taloches sur les patinoires de la LNH pendant huit saisons, avait remarqué qu’il commençait à se sentir bien seul au moment de sa retraite, en 2015-2016.

« Je peux dire que j’ai pris ma retraite à temps, parce que maintenant, je n’aurais plus aucun adversaire potentiel ! », lance l’ex-poids lourd, qui a conclu son parcours avec le Canadien.

« Vers la fin de ma carrière, je pouvais compter mes adversaires potentiels sur les doigts d’une main, alors qu’à mon arrivée dans la ligue [en 2008-2009], il y avait 20 ou 25 gars qui étaient là pour remplir ce rôle un peu partout dans la ligue. »

— John Scott, ex-bagarreur et ancien joueur du Canadien

Oui, les choses changent. Les scènes à la Slap Shot, l’époque des bancs qui se vident et des joueurs qui se battent sans chandail, sur la glace, dans les gradins ou dans un corridor, tout ça fait maintenant partie d’un passé révolu. Si ça continue, l’époque des joueurs qui se battent sera révolue elle aussi.

Et il n’y aura plus de place pour les John Scott de ce monde.

« De nos jours, les équipes exigent de la production offensive de la part de leurs joueurs de quatrième trio, ajoute Scott. Si j’étais plus jeune et que je tentais de me faire embaucher dans la LNH d’aujourd’hui, je pense que mes chances ne seraient pas très bonnes. »

Les bagarreurs du Canadien cette saison

Brandon Davidson (30 octobre contre Zack Smith)

Jordie Benn (11 novembre contre Josh Gorges)

Nicolas Deslauriers (16 novembre contre Zac Rinaldo et hier contre Tom Wilson )

Tomas Plekanec (16 novembre contre Brad Richardson)

Paul Byron (18 novembre contre Nikita Zaitsev)

Andrew Shaw (9 décembre contre Darnell Nurse)

(Source : hockeyfights.com)

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