Opinion Politique québécoise

Sauver la santé
et les finances publiques

Pour une troisième fois en 30 ans, le Québec est dans une impasse budgétaire.

Tant en 1982 qu’en 1998, les décisions pour nous en sortir ont été prises dans l’urgence et sous la pression des agences de notation. Dans les deux cas, il y a eu des effets pervers très importants, mais, surtout, dès l’année suivante, l’hydre du déficit structurel reprenait le dessus.

Le facteur le plus important a été un taux de croissance insupportable des dépenses publiques en santé et services sociaux. La proportion de celles-ci dans le budget du Québec est passée de moins de 30 % en 1984 à plus de 45 % en 2014. Imaginez le défi pour les ministres des Finances !

Depuis 30 ans, les dépenses en santé et services sociaux croissent plus ou moins deux fois plus vite que l’économie québécoise. Les conséquences sont évidentes : affaiblissement des autres missions de l’État, notamment en éducation, déficit structurel croissant, compressions souvent aveugles pour parvenir à l’équilibre budgétaire.

Il n’y a aucun secteur qui, globalement, soit aussi peu redevable et aussi peu transparent dans la gestion de ressources financières publiques aussi massives. Qui d’autre peut forcer le gouvernement du Québec à majorer de 5 à 6 % un budget de dépenses atteignant déjà 30 milliards, y ajoutant près de 1,5 milliard additionnel chaque année, sans justifier une amélioration tangible de ses résultats ?

Il est ahurissant de constater que le pourcentage du PIB que nous consacrons à la santé est plus élevé au Québec (8,5 %) que la moyenne canadienne (7,9 %) et de l’OCDE (7,4 %), que nous avons une performance opérationnelle et d’accès aux services inférieurs sous de multiples indicateurs et que la dépense privée des ménages québécois en santé est 33 % plus élevée que nos voisins ontariens. Autrement dit, dans une province surtaxée et surendettée, moins riche que d’autres, nous dépensons proportionnellement plus pour des services publics moins performants et nous allons davantage que les autres vers le privé !

Trois changements fondamentaux s’imposent : 

Premièrement, tel que recommandé par des observateurs chevronnés comme l’économiste Pierre Fortin et déjà en 2000 par la Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux, il est impératif que, tout en réaffirmant son attachement au principe d’accès universel et à un financement public, le gouvernement établisse une véritable politique de partenariat, claire et transparente, sur la contribution des entreprises privées et OBNL à la livraison de services assurés. Tous les pays qui obtiennent les meilleurs résultats en matière d’accessibilité et de coûts ont des systèmes mixtes de livraison de services et ont mobilisé les entreprises privées pour investir compétences et capitaux dans la poursuite de leurs objectifs nationaux.

Deuxièmement, le financement public à l’activité est essentiel. Aucun autre secteur d’activité ne fonctionne sur une base historique sans connaître ses coûts unitaires, sans égard non plus au volume et à la qualité des services réellement rendus. C’est aussi le levier essentiel pour assurer autant l’équité régionale, l’équité interétablissement et un traitement juste et équitable de tous les producteurs d’un même service, qu’ils soient publics, privés ou à but non lucratif. Les citoyens sont ainsi assurés qu’il n’y a pas des établissements pauvres et d’autres riches pour offrir un même service.

Troisièmement, il faut recentrer toutes les décisions sur le client et donner vraiment à celui-ci le libre choix de son fournisseur de services. La vraie solidarité est dans le financement collectif, et non dans un choix dirigé par l’État vers des établissements publics où la notion de service à la clientèle a souvent été délaissée au profit de toutes sortes d’autres priorités. Au Royaume-Uni, la liberté du choix de fournisseurs de services est devenue un droit l’an dernier.

Oui, il est possible de faire autrement tout en restant attaché à nos valeurs de solidarité et d’accessibilité universelle de services sociaux et de santé de qualité. De nombreuses sociétés avancées l’ont fait. Nous le pouvons aussi.

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