Le Canadien  Shea Weber

Les points d’interrogation

SICAMOUS — Dès l’annonce de la transaction, en juin dernier, le verdict de bien des partisans et analystes était sans appel : le Canadien était perdant, et par beaucoup.

En se débarrassant d’un joueur de 27 ans au profit d’un patineur quatre ans plus vieux, Marc Bergevin répétait l’erreur de Serge Savard d’échanger Chris Chelios contre Denis Savard, faisaient valoir les uns. Une transaction aussi mauvaise que celle de Patrick Roy, tranchaient les autres.

La communauté des statistiques avancées, très visible sur Twitter, évaluait que Subban était largement supérieur à Weber en sortie et en entrée de zone, que l’ancien défenseur du CH récupérait nettement plus de rondelles libres que celui qui le remplacera à droite. Que Roman Josi faisait bien paraître Weber.

Dans les médias, on sentait que les deux équipes tentaient de tirer les ficelles. À Montréal, on ébruitait – et on le fait encore – que Subban était devenu une nuisance au bien-être collectif. À Nashville, les fuites d’information faisaient état d’un Weber vieillissant qui était pratiquement devenu troisième dans la hiérarchie, qui était inefficace en séries.

« Je prends ça avec un grain de sel, les partisans peuvent penser ce qu’ils veulent. Ma femme prend peut-être plus ça à cœur », raconte le père de Shea, James Weber, qui s’est remarié après la mort de sa première femme.

« Ce sont des joueurs et des personnes différentes. Je n’ai rien contre P.K., je ne le connais pas vraiment. »

— James Weber

« Le problème que j’ai, ce sont les analystes de statistiques avancées qui disent : voici où P.K. est bien meilleur que Shea. Ils ne montrent pas ce pour quoi Shea est meilleur. C’était un seul côté de la médaille. Mais ce sont deux joueurs différents et c’est d’ailleurs pourquoi ils ont fait la transaction, pour changer leur équipe. C’est la chose qui m’a dérangé.

« C’est comme comparer des pommes et des oranges. Shea veut simplement gagner des matchs, il ne se préoccupe pas des statistiques. C’est probablement la même chose pour P.K.. Mais P.K. ne bloque pas de tirs, il ne frappe pas vraiment. Shea mène son équipe presque chaque année pour les mises en échec, il bloque beaucoup de tirs. Tout ce que ça prend pour gagner, il le fait. Et Subban aussi, il fait ce qu’il peut pour gagner, mais avec ses outils à lui. Shea essaie d’intimider les adversaires, de les rendre nerveux, de les forcer à se débarrasser de la rondelle plus rapidement. »

A-T-IL RALENTI ?

Au lendemain de la transaction, un membre du groupe d’entraîneurs d’une équipe de l’Ouest soulignait à La Presse que pour être efficace, Weber ne devait pas excéder les 22-23 minutes par match. Il s’expliquait ainsi les ratés du grand défenseur lors des dernières séries. Un constat un brin inquiétant s’il s’avère, puisqu’à l’inverse, Subban ne semblait pas avoir de quota de minutes jouées. Et quand vous êtes défenseur numéro 1 d’une équipe, vous passez beaucoup de temps sur la patinoire.

Son préparateur physique, Shane Pizzey, conteste ce constat.

« On a eu à composer avec certaines situations ces dernières années, il a eu ses blessures, rappelle-t-il. Mais à 31 ans, ça ne veut pas dire qu’il ne peut plus être le plus en forme. Tant qu’il est en santé. On le surnomme d’ailleurs le “ Freak ”.

« Regardez Zdeno Chara, il a longtemps été le gars le plus en forme des Bruins, même dans la trentaine. Cette année, Shea a encore plus de motivation à le démontrer, il a un incitatif, en raison de ce qui s’est dit à son sujet, des gens qui ont parlé de son âge, de la différence d’âge avec P.K.. Mais il est finalement en santé. Il est dans sa meilleure forme en trois ans. »

« Ce qui me dérange, ce sont les questions sur le fait qu’il ralentit, fait valoir Bruce Hamilton. Regardez-le, il est bâti comme un dieu grec ! »

« Il est énorme. Il est endurant. Les gens ne réalisent pas à quel point c’est un bon patineur. »

— Bruce Hamilton, propriétaire des Rockets de Kelowna

Dans mon travail, je suis appelé à évaluer les défenseurs. Une chose que je regarde, c’est le temps que prend un joueur pour se rendre de son but vers le coin de la patinoire. Il pèse 250 lb avec son équipement, et regarde à quelle vitesse il se déplace du poteau au coin. Il couvre beaucoup de territoire. »

« Tout ce que je sais, c’est qu’il ne faut jamais, jamais, jamais sous-estimer Shea Weber, ajoute Marc Habscheid, l’entraîneur de Weber au niveau junior. Il a une confiance tranquille. C’est un gagnant. Il est gros, il prend soin de son corps. Si les gens doutent de lui, il ne dira rien, mais le feu brûlera en lui. »

Quand on interroge les proches de Weber, même sans nommer Subban dans la question, le numéro 76 revient constamment dans les réponses. Comme s’ils avaient eux aussi été fouettés par les analyses.

Aussi bien s’y faire, le jeu des comparaisons ne fait que commencer.

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