Le Canadien  Shea Weber

Un meneur tranquille

KELOWNA — Comment devient-on un meneur d’hommes aussi respecté malgré une personnalité effacée ?

Plus on écoute les témoignages, plus le portrait de Shea Weber qui se dégage est celui d’un meneur doté des mêmes attributs que Carey Price. Une force tranquille, qui commande un respect certain, qui hausse seulement le ton quand la situation le commande.

Shane Pizzey est le préparateur physique estival de Weber depuis 2010. Même dans son modeste gymnase d’un quartier industriel de Kelowna, il constate en quoi le nouveau numéro 6 du CH exerce de l’ascendant sur ses pairs.

« Il y a deux ans, les Predators ont repêché Justin Kirkland, un joueur des Rockets, raconte l’homme de 38 ans, propriétaire d’Aspire Fitness. À l’été 2015, Shea m’a demandé si Justin pouvait s’entraîner dans son groupe. Il voulait lui montrer ce que ça prend pour être un professionnel. Si tu veux faire partie de l’organisation, voici ce que tu dois faire. »

« Ce genre de meneur hausse le niveau de performance de son entourage. Pour faire partie de notre équipe, tu as intérêt à fournir le même effort que moi. »

— Shane Pizzey, préparateur physique estival de Shea Weber

ALLERGIQUE À LA DÉFAITE

C’est donc sans nécessairement prendre la parole que Weber exerce son influence. Une autre façon qu’il y parvient, c’est dans son attitude face à la défaite.

« On va souvent le voir jouer à l’étranger et chaque fois, on le rencontre après le match, raconte Barry Davidson, de la famille d’accueil de Weber à Kelowna. Si son équipe a perdu, il arrive et il est encore frustré. Il faut lui dire que c’est fini et qu’il doit en revenir !

« Une fois, à Calgary, il est venu nous retrouver dans les gradins après le match. Les Predators avaient perdu en fin de match. Il était juste incapable de parler ! »

Son allergie à la défaite ne se manifeste pas seulement au hockey.

« Il est extrêmement compétitif. Il veut gagner dans absolument tout, estime Shane Pizzey. Par exemple, on fait parfois ce que j’appelle les mini-olympiques. On se divise en groupes de quatre, on a huit exercices à faire. Chacun dans le groupe a une chance de gagner, car il y a des épreuves de force, de sauts, de toutes les sortes. Shea a toujours été mon client le plus en forme, le plus complet.

« Une fois, à la fin, il était à égalité avec Josh [Gorges]. Il n’était pas très content. On a fait un bris d’égalité, et c’était une épreuve que Shea aurait dû gagner. Mais Josh a gagné ! Il était très fier. Et aussitôt, on pouvait voir que Shea était amer. Il était vraiment fâché ! »

LA PLACE AUX AUTRES

La transaction qui a envoyé P.K. Subban à Nashville contre Weber a été accueillie froidement par bien des partisans du Canadien. Et ce n’est pas en donnant des entrevues que Weber gagnera un concours de popularité contre l’ancien numéro 76 !

Pendant que l’un multiplie les apparitions à Montréal depuis la transaction, à grands coups de points de presse, de photos Instagram et de vidéos léchées, Weber s’est limité à une seule apparition médiatique en personne, au tournoi de golf de Michel Therrien, en août. Une apparition qui s’est même fait un peu trop attendre au goût de certains.

Pas de tweet ni de photo Instagram, pour la simple et bonne raison qu’il n’a pas de compte public connu.

Dans ses rares entrevues, il en dit très peu, surtout sur sa vie privée. Un journaliste de Nashville a raconté à La Presse que Weber n’a même jamais divulgué le nom de ses enfants !

« Il protège beaucoup sa vie privée. »

— James Weber

Cette méfiance est-elle la conséquence d’un épisode de trahison, d’une histoire défavorable publiée dans les médias ? Les gens sondés n’ont pas de souvenir d’un tel incident.

« Pas à ma connaissance, répond Bruce Hamilton. Mais retourne voir les photos de ses victoires aux Jeux olympiques. Il n’est jamais à l’avant-plan. Il fait simplement son travail, et il est content de voir les joueurs moins connus obtenir de la reconnaissance. À Nashville aussi, il était comme ça. »

« Regarde ce qu’il a accompli : médaille d’or avec Équipe Canada junior, deux médailles d’or olympiques, en nomination pour le trophée Norris, énumère Marc Habscheid, qui l’a dirigé à Kelowna. Il attire les gens autour de lui par sa feuille de route, mais aussi parce qu’il est simplement un bon gars qui fait sentir aux autres qu’ils sont importants. C’est une étoile, mais il ne se place pas au-dessus des autres. »

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