Allergie aux arachides

Un bémol sur la désensibilisation

Les traitements de désensibilisation à l’allergie aux arachides triplent le risque de réaction anaphylactique, selon une nouvelle étude canadienne. Mais l’auteur torontois de l’étude, lui-même allergique aux arachides, pense qu’il sera possible de les améliorer et de les rendre sécuritaires.

Conditions contrôlées

Le traitement de désensibilisation aux arachides n’est pas encore au point, a conclu Derek Chu, allergologue à l’Université McMaster, après avoir analysé 12 études regroupant 1000 patients. « Le protocole est d’augmenter graduellement la dose jusqu’à une arachide complète, 300 milligrammes, lors de visites à l’hôpital », explique le Dr Chu, auteur principal de la méta-analyse publiée en avril dans la revue The Lancet. « Ensuite, il y a un test d’entre deux et quatre grammes d’arachides. Mais ce test est fait dans des conditions optimales, avec un patient reposé, qui n’a pas d’autres infections, n’a pas pris d’ibuprofène ou d’autres médicaments sans ordonnance qui augmentent le risque de réaction allergique. Quand on retourne à la maison et qu’on doit continuer à manger chaque jour une arachide pour maintenir la désensibilisation, les conditions sont moins optimales. C’est ce qui explique, selon moi, que près du quart des patients ont une réaction anaphylactique dans une année donnée, trois fois plus que les patients qui ne font pas de désensibilisation et continuent d’éviter les arachides. D’ailleurs, même le test à l’hôpital montre que la protection n’est pas parfaite : si on augmente la dose d’un gramme, le taux de réussite du test baisse de 25 %. » Les 1000 patients avaient été suivis en moyenne un peu plus d’un an.

Le point de vue montréalais

Les conclusions de l’étude torontoise n’étonnent pas Moshe Ben-Shoshan, allergologue à l’Hôpital de Montréal pour enfants. « Dans toutes les études sur la désensibilisation, si l’enfant a une réaction [qui n’est] pas trop sévère, comme une toux ou de l’urticaire, ce n’est pas compté comme une réaction anaphylactique, dit le Dr Ben-Shoshan. C’est un double standard par rapport au suivi normal des allergies, ça porte à confusion pour les parents, qui sont souvent très pressés de commencer cette approche dont ils ont beaucoup entendu parler. Une fois que la portion de la désensibilisation faite à l’hôpital est terminée, on a des conditions très différentes à la maison ; ça non plus les parents ne le savent pas toujours. Ils ont un faux sentiment de sécurité parce que le test final s’est bien passé à l’hôpital. Ceci dit, on sait que la désensibilisation fonctionne plus vite chez les enfants plus jeunes et, dans cette étude, l’âge médian est un peu élevé – 9 ans. Il faudra aussi d’autres études sur la qualité de vie. » Le Dr Ben-Shoshan a publié récemment une étude sur la désensibilisation aux allergies au lait, et a aussi décelé un risque plus élevé de réactions allergiques.

Les autres allergies

La désensibilisation fonctionne pourtant pour d’autres allergies, par exemple celle aux guêpes. « Ça fait 100 ans que le concept a été proposé, dit Derek Chu. On y est arrivés avec l’asthme et le venin de guêpe et d’abeille parce qu’on a mis des années à affiner la technique. Il y a aussi des différences importantes avec les allergies aux arachides : l’asthme, par exemple, occasionne beaucoup de crises moins sévères, et il est plus facile d’éviter les composés allergènes en évitant d’aller dans les maisons où il y a des chats ou dans les endroits où il y a des guêpes. Des traces d’arachides, il peut y en avoir partout, ça prend beaucoup de vigilance. Ceci dit, je suis sûr qu’on va trouver une manière de mettre au point un traitement de désensibilisation aux arachides efficace, peut-être sous-cutané ou sous la langue. Je n’ai pas fait de désensibilisation, même si je suis allergique aux arachides, et n’en ferais pas faire à mes enfants s’ils se révélaient allergiques aux arachides. Mais je pense qu’il est probable que mes petits-enfants aient accès à une désensibilisation. »

Réactions gastro-intestinales

L’une des données importantes de l’étude de l’allergologue torontois est la fréquence des réactions gastro-intestinales. « On en parle peu dans les allergies, mais c’est probablement une composante de la réaction anaphylactique, un peu comme les picotements dans la bouche et la gorge, dit le Dr Chu. Il y a même des cas où l’œsophage est tellement enflé que la nourriture y reste coincée. »

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