Mon clin d'œil

Jean-François Lisée songerait à faire une alliance avec la CAQ.

OPINION SYSTÈME DE SANTÉ

Les médecins sont des humains

Voici une lettre en réaction à la chronique de Patrick Lagacé « Avez-vous fini ? J’ai un autre patient qui m’attend. », publiée samedi dernier.

Depuis deux ans et demi, on nous accable des pires défauts dans les médias : cela a d’abord été la paresse, et plus récemment l’avarice et l’envie.

La semaine dernière, il s’agissait d’un cas de colère où un oncologue monstrueux fait défaut d’empathie et d’humanité devant un patient avec un diagnostic grave. Patrick Lagacé mentionne bien que « c’est une chronique sur CERTAINS médecins qui ont été amputés du muscle de l’empathie et qui rendent encore pire une situation déjà désespérée ». 

Malgré cet avertissement, c’est une histoire qui m’interpelle, car elle est de moins en moins banale. De plus en plus souvent, j’entends mes patients se plaindre qu’un médecin est « comme un coup de vent », qu’« on ne peut pas lui poser de question » ou encore qu’il « est bête comme ses deux pieds ». Croyez-moi, aucune spécialité, aucun genre ni aucun âge n’est épargné de ces critiques cinglantes parfois drôles, mais parfois préoccupantes. 

Globalement, je suis bien content qu’on en parle enfin, de cette « humainerie ». Que ça existe en effet, et j’ose imaginer que les médecins et autres professionnels de la santé concernés ont été sensibilisés, mais j’en doute. Qu’en retiendront les lecteurs ? Que les médecins sont méchants, je parie. 

Je n’ai pas pour but de défendre ni de justifier le manque de professionnalisme de cet oncologue, mais je trouve que cette histoire serait autrement plus intéressante si on avait cherché à savoir qu’est-ce qui a mené ce médecin spécialiste à se conduire ainsi. 

Tout le monde sait qu’il y a deux côtés à une médaille, alors pourquoi ne pas s’enquérir de ce qui s’est passé de l’autre côté pour ce médecin, ce jour-là, lors de cette entrevue ? Un oncologue en plus, hey ! Depuis quand est-ce qu’il agit comme ça ? Est-il en dépression ? A-t-il un trouble de l’usage d’une substance ? Est-il en train de divorcer ? Son enfant est-il mort ? 

Dans mon expérience clinique, quand une personne est désagréable, il y a presque toujours un problème de santé mentale, diagnostiqué ou non, derrière ses agissements. Dans chaque métier ou profession, il y en a des extraordinaires, des ordinaires, et des moins qu’ordinaires. Qui voudrait d’un professeur qui a perdu la flamme de l’enseignement pour ses enfants ? Personne, mais ça existe aussi. 

Le programme d’aide aux médecins québécois levait un drapeau rouge dans son rapport en 2016 (La santé des médecins – État des connaissances et approches préventives) en faisant mention que les médecins seraient plus à risque de suicide, d’abus de substances et d’épuisement professionnel que la population en général. 

Toujours selon ce rapport, près d’un médecin sur deux rapporte des signes de burn-out et les plus à risques seraient ceux de première ligne. Aussi, les morts par suicide sont plus fréquents chez les médecins que dans la population en général, l’écart apparaissant dès la période des études en médecine.

Se pourrait-il que la pression surajoutée depuis le début de la réforme de la santé soit la goutte qui fasse déborder le vase ?

On nous demande de voir plus de patients, mais sans les ressources promises par le ministère de la Santé. Le fameux Centre de répartition des demandes de service (CRDS) ne fournit pas à la tâche, le Dossier santé Québec (DSQ) est en panne régulièrement, etc. 

« Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » 

Le désengagement est un signe d’épuisement professionnel. Arrêtons de croire que les médecins sont surhumains. Non, nous sommes humains, nous aussi. Et l’erreur est humaine. 

Cet oncologue a certainement besoin d’aide, alors que ce soit en lisant ces lignes ou par l’entremise du soutien d’un de ses collègues, je souhaite de tout mon cœur qu’on lui offre de l’aide. C’est en cherchant à se comprendre qu’il pourra être empathique et humain. Pas en lui lançant des roches.

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