États-Unis

La mort d’un chauffeur de taxi

La frustration des chauffeurs de taxi new-yorkais devant la montée des services en ligne comme Uber et Lyft a été cristallisée par la mort de l’un des leurs, lundi dernier.

New York — Nani Gopal Mallick avoue connaître des journées de grande frustration au volant de son taxi jaune.

« Tu roules et roules, mais personne ne hèle ta voiture. Et tu penses à toutes les factures impayées qui s’accumulent à la maison », dit le New-Yorkais de 64 ans en finissant son lunch dans son taxi garé le long de la 1re Avenue, à Manhattan.

« Je gagne presque deux fois moins d’argent qu’il y a cinq ans », ajoute-t-il pendant que des gouttes de pluie dégoulinent sur le pare-brise de sa voiture.

Mais il ne lui viendrait jamais à l’esprit de mettre fin à ses jours pour échapper à la dure réalité d’une industrie du taxi qui a profondément changé depuis ses débuts, il y a 16 ans.

« C’est un grand péché. Dans ma religion, peu importe si tu as mené une bonne vie, si tu fais tes prières, si tu t’enlèves la vie, tu n’iras pas au paradis », dit cet immigré du Bangladesh.

Trois suicides en trois mois

Nani Gopal Mallick tient ces propos à la fin d’une semaine où la Ville de New York a dû s’arrêter un instant pour réfléchir au sort de ses chauffeurs de taxi et de VTC (voiture de transport avec chauffeur). Lundi dernier, peu après le lever du soleil, l’un d’entre eux s’est suicidé à l’aide d’un fusil après avoir garé sa voiture louée devant la mairie. Quelques heures auparavant, Douglas Schifter, né à Brooklyn il y a 61 ans, avait rédigé un message sur Facebook accusant les élus new-yorkais et les services de transport en ligne comme Uber ou Lyft d’avoir détruit l’industrie qui lui permettait jadis de gagner sa vie.

« Les compagnies ne se soucient pas de la façon dont elles abusent de nous, tant que leurs dirigeants obtiennent leurs bonus, avait-il écrit. En raison du très grand nombre de voitures disponibles avec des conducteurs désespérés qui tentent de nourrir leurs familles, elles réduisent les tarifs en deçà des coûts d’exploitation et forcent les conducteurs professionnels comme moi à quitter l’industrie. Elles comptent leur argent, et nous sommes jetés à la rue. »

« Je ne serai pas un esclave qui travaille pour de la menue monnaie. Je préfère mourir. »

— Extrait du message publié par Douglas Schifter sur Facebook

Douglas Schifter est devenu le troisième conducteur de VTC à se suicider en trois mois à New York. Selon ses proches, il souffrait de dépression. Mais la réalité qu’il a décrite dans son message Facebook est familière à tous les chauffeurs de taxi et de VTC de New York à l’ère de la « gig economy », cette économie de petits boulots encouragée par des services comme Uber et Lyft.

« Ce que nous voyons dans cette “gig economy”, c’est la destruction du travail à temps plein », a dit Bhairavi Desai, directrice de l’Alliance des travailleurs du taxi de New York, lors d’une veillée organisée au lendemain de la mort de Douglas Schifter.

Explosion du nombre de véhicules

Le problème n’a pas échappé au maire de New York Bill de Blasio, qui avait tenté en vain de limiter la croissance annuelle d’Uber à 1 % en 2015.

« Nous devons trouver une meilleure façon de réglementer le secteur des VTC en général », a déclaré l’élu démocrate, qui s’inquiète en outre des embouteillages auxquels a contribué la hausse du nombre de ce type de véhicules.

De 2013 à aujourd’hui, ce nombre est passé de 47 000 à près de 130 000, dont la majorité roulent désormais pour des services comme Uber et Lyft. Pendant ce temps, le nombre de taxis jaunes est demeuré le même, soit 13 587.

« Je suis renversé que la Ville ait laissé la situation évoluer comme ça, se plaint Gary Gelin, en attendant l’appel d’un répartiteur dans son VTC à l’ancienne, garé le long de la 10e Rue. Si je n’étais pas copropriétaire de l’entreprise pour laquelle je roule, je changerais probablement d’industrie. » 

« Dans nos meilleures années, nous pouvions compter sur 150 conducteurs. Aujourd’hui, nous en avons 75. Plusieurs nous ont quittés pour Uber. Certains reviennent en réalisant qu’ils en arrachent autant avec Uber. »

— Gary Gelin, chauffeur et copropriétaire d’une entreprise de VTC

Après une pause, le chauffeur originaire d’Haïti ajoute : « Bien sûr, si j’étais un client, j’utiliserais Uber parce que ses voitures arrivent très rapidement. »

Dans son taxi jaune, Nani Gopal Mallick s’estime heureux, malgré tout. Son fils aîné, âgé de 23 ans et diplômé en génie électrique, vient de décrocher un emploi au sein de l’Autorité métropolitaine de transport. « Durant cette période critique, il m’aide beaucoup », dit-il.

Et il se réjouit de ne pas avoir imité plusieurs immigrés qui se sont endettés jusqu’au cou pour se porter acquéreurs d’une licence de taxi jaune, ce célèbre « médaillon » dont la valeur a chuté en quatre ans de 1,3 million de dollars à 150 000 $ à la suite de l’explosion du nombre de VTC.

« Les chauffeurs qui ont acheté leur médaillon pour 1 million, 900 000 ou 800 000 $ sont tous en train de mourir », dit Nani Gopal Mallick, qui loue son taxi jaune à la semaine.

Hélas, certains chauffeurs ne meurent pas qu’au figuré à New York.

États-Unis

Washington veut privatiser la SSI

La Station spatiale internationale (SSI) pourrait-elle devenir une entreprise privée ? C’est le souhait de la Maison-Blanche, qui a fait part de sa volonté de ne plus financer le coûteux programme de la NASA, a révélé hier le Washington Post. La SSI est une station spatiale placée en orbite terrestre basse, pilotée par l’agence spatiale américaine et développée conjointement avec l’agence spatiale russe. « La décision de mettre fin au soutien fédéral direct pour la SSI en 2025 ne signifie pas que la plateforme elle-même sera retirée de l’orbite à ce moment-là – il est possible que l’industrie puisse continuer à faire fonctionner certains éléments ou capacités de la SSI dans le cadre d’une future plateforme commerciale », peut-on lire dans un document interne de la NASA dont le quotidien a eu connaissance.

— Agence France-Presse

violence conjugale

La Maison-Blanche défend sa gestion des scandales

Des responsables de la Maison-Blanche ont défendu hier la gestion des scandales de violence conjugale ayant entraîné la démission de deux collaborateurs cette semaine. « Nous laissons le bénéfice du doute aux gens », a indiqué à la télé Kellyanne Conway, conseillère de Donald Trump, pour justifier le soutien prolongé de la Maison-Blanche à Rob Porter, contraint de démissionner mercredi de son poste de secrétaire du personnel. Il est accusé par deux ex-femmes d’agressions physiques et psychologiques, ce qu’il nie. Le secrétaire général de la Maison-Blanche John Kelly est sur la sellette depuis que plusieurs médias ont écrit qu’il connaissait les détails de l’affaire depuis novembre. Le New York Times affirmait vendredi que le président était furieux contre lui et qu’il lui cherchait un successeur. — Agence France-Presse

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