« C’est magique ! »

Alex Harvey remporte le 50 km style libre, épreuve reine du ski de fond

Dans les secondes qui ont suivi la plus belle victoire de sa carrière, Alex Harvey a été pris dans un tourbillon. Il y a eu les entrevues avec les médias finlandais et norvégiens. Puis il a grimpé sur le podium pour recevoir sa première médaille d’or individuelle aux Championnats du monde, le sourire fendu jusqu’aux oreilles.

Le fondeur a ensuite dû faire d’autres entrevues, se prêter au jeu d’une séance de photos pour ses commanditaires, recevoir les accolades, les félicitations et assez de tapes sur l’épaule pour laisser un bleu à n’importe qui, aussi champion du monde soit-il.

Ensuite, il a appelé sa blonde et son père au Québec pour leur parler de sa victoire au 50 km style libre, l’épreuve reine du ski de fond. Il venait de vivre, à 28 ans, « la plus belle course de [sa] vie ». Il avait envie de partager le moment.

Le soir venait de tomber sur Lahti, en Finlande, quand il a finalement rappelé La Presse. Il n’avait même pas eu le temps de boire une bière, de célébrer sa victoire. Harvey prenait tout de même le temps de rappeler tous les médias québécois un après l’autre, comme il le fait après chaque course, après les meilleures comme après les pires.

Parfois, les bons gars gagnent à la fin. C’était le cas hier aux Championnats du monde de ski de fond, à Lahti.

« Cette victoire, elle est tout en haut pour moi. Un titre de champion du monde, la seule chose qui peut battre ça, c’est une médaille d’or olympique. Ça ne va pas plus haut que ça, a lancé Harvey au bout du fil. Depuis que je suis jeune, je rêvais de devenir champion du monde dans une épreuve individuelle. » 

« C’est un rêve de ti-cul qui se réalise. »

— Alex Harvey

Pour bien prendre la mesure de l’exploit, il faut saisir l’importance du moment : les Mondiaux sont plus prestigieux que les épreuves de Coupe du monde. Seuls les Jeux olympiques, où Harvey rêve de décrocher une première médaille, sont plus importants.

Aux Mondiaux, donc, Harvey était monté une seule autre fois tout en haut du podium. C’était en 2011 à Oslo, en Norvège. Mais c’était au sprint par équipe. Cette fois-ci, la victoire était à lui seul, décrochée dans l’épreuve la plus prestigieuse de la discipline.

Pourtant, il avait connu des Mondiaux 2017 difficiles jusqu’alors. Douzième, cinquième, sixième des épreuves individuelles, puis éliminé du relais avec le reste de l’équipe canadienne.

Mais dans ce relais vendredi, son entraîneur, voyant que tout était déjà perdu quand Harvey a pris le relais, lui a donné l’ordre de mettre la pédale douce. Pendant que les Norvégiens, les Suédois et les Russes se battaient devant, Harvey a ralenti juste un peu. Hier, il lui restait des cartouches.

« J’ai exécuté mon plan de course à la perfection. Les skis étaient super. C’était une super belle journée. C’était du ski rapide. C’était une journée parfaite, a résumé l’athlète de Saint-Ferréol-les-Neiges. Cette médaille, je l’aurais prise dans n’importe quelle épreuve, mais le 50 km, c’est l’épreuve reine en ski de fond. C’est magique ! »

Rester parmi les grands

Harvey et son équipe avaient un plan de course simple sur papier, mais difficile à exécuter. Ils avaient remarqué la veille, au 30 km des femmes, que le peloton était resté soudé jusqu’à la fin. Dans ces conditions, le Québécois s’est dit qu’il lui fallait absolument rester dans le groupe de tête tout le long des 50 km.

« On savait que ça allait probablement rester groupé chez les hommes aussi, en raison des conditions de neige rapides. Dans un gros groupe, il y a plus de risques d’accrochages, de bris d’équipement. L’endroit le plus sécuritaire, c’est en avant du peloton, explique Harvey. J’ai tout fait pour rester dans les premiers pour éviter les chutes. »

Et Harvey y est arrivé. Au cinquième kilomètre, il était 22e. Mais 10 bornes plus loin, il pointait au quatrième rang. À cinq kilomètres de la fin, il était deuxième, exactement là où il voulait être.

Tout s’est joué dans une épingle à la toute fin. Harvey – avec l’expérience de celui qui n’en est pas à sa première course – a su bloquer le Russe Sergey Ustiugov. Puis sur sa lancée, dans la descente, il a doublé le Norvégien Martin Sundby.

Il s’est retrouvé premier avec 150 m à faire.

« Là, je pensais d’abord à ne pas me planter ! La seule personne qui pouvait me battre, c’était moi-même. La seule façon de ne pas gagner, c’était de tomber ou de me planter un bâton entre les jambes », raconte Harvey.

« J’arrivais avec beaucoup de vitesse et j’ai confiance en mon sprint final. Souvent, c’est moi le gars qui remonte de quatrième à troisième sur la fin. Alors si j’arrive premier dans le dernier 100 m, je vais être dur à battre. Je pensais juste à me rendre à cette maudite ligne-là ! »

Il s’y est rendu, à la maudite ligne, six dixièmes de seconde devant Ustiugov et 1,4 seconde devant le Finlandais Matti Heikkinen, favori de la foule.

Il était champion du monde.

Une bière, pas plus

Après l’entrevue, Harvey se promettait une bière avec son équipe, mais pas plus. Il avait déjà commencé à penser à la fin de sa saison. Il lui reste un sprint mercredi en Allemagne, puis un autre 50 km samedi à Oslo, en Norvège. Ensuite, la saison se termine à Québec, pour la dernière épreuve de Coupe du monde du 17 au 19 mars.

Harvey, qui est quatrième au classement général, espère monter sur le podium à l’issue de cette saison qui est sa meilleure à vie. « De pouvoir aller chercher le troisième rang au général à Québec, ce serait super. Donc, on ne peut pas partir sur la brosse à soir ! disait hier le fondeur québécois. Mais c’est sûr qu’après les courses à Québec, on va avoir un bon party. »

On soupçonne toutefois que très vite, le ski de fond reprendra le dessus. Harvey ne s’en cache pas : déjà, il pense aux Jeux olympiques qui vont avoir lieu l’hiver prochain, en Corée du Sud.

« Ce qu’il manque à mon palmarès, c’est une médaille olympique. Il n’y a aucun Canadien qui a su gagner une médaille olympique en ski de fond. Les filles ont réussi, mais pas les gars. Alors, c’est sûr que c’est la dernière chose qu’il me manque. »

— Alex Harvey

« Les Jeux, c’est le gros objectif. Tous nos entraînements, toutes nos saisons sont basées en fonction de cet objectif-là. J’y pense chaque jour. Mais en même temps, ce n’est pas tout. Une médaille aux Jeux, ça définirait qui est Alex Harvey, l’athlète. Mais je ne veux pas que ça définisse Alex Harvey tout court. Ça reste du sport après tout. »

Oui, ça reste du sport après tout. Mais hier, « Alex Harvey, l’athlète » était le meilleur fondeur de la planète, devant les Norvégiens, les Finlandais, les Suédois, les Russes et tous les autres. Et ça, ce n’est pas rien.

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