Chronique

Le REM et les gros chiffres du PQ

Quelles sont les conditions essentielles de réussite du Réseau électrique métropolitain (REM) ?, me demande une lectrice.

À mon avis, il y en a deux. Primo, il faut que les Québécois finissent par accepter que le train de la Caisse leur coûtera des sous. Secundo, il faudra que les travailleurs soient nombreux à miser sur le REM pour leurs déplacements, notamment les automobilistes.

Pour le reste, j’ai plutôt confiance en la Caisse de dépôt et placement et les autorités : le projet sera géré intelligemment, efficacement et sans corruption. Bien sûr, il faut rester critique et vigilant, mais on n’a pas affaire à des amateurs. Et gardons à l’esprit que nous sommes à l’ère post-Charbonneau, où les magouilles sont considérablement moins nombreuses.

Les deux conditions de réussite m’amènent à vous parler des estimations qu’a publiées le Parti québécois (PQ), mardi, quant aux coûts du REM pour les citoyens des 83 villes concernées.

Selon le PQ, le REM coûtera 200 millions de plus par année que le réseau actuel. Ces coûts se traduiraient par une facture annuelle de 259 $ pour les familles de l’île de Montréal, de 216 $ pour celles de Longueuil et de 197 $ pour celles de Laval 1.

À cette somme s’ajoute l’impact de la nouvelle répartition des déficits du réseau entre les villes. Par exemple, ce nouveau partage fait passer la facture globale à 338 $ à Longueuil et 308 $ à Laval. Bref, la facture serait plutôt salée pour les citadins, selon le PQ.

L’estimation globale du PQ (200 millions de plus par an) est relativement réaliste, quoique dans le haut de la fourchette des récentes estimations publiques. En décembre, un document du comité de transition du transport collectif faisait état d’une facture oscillant entre 100 et 200 millions.

Pour ma part, mes calculs prudents de décembre donnent une facture de 240 millions, mais en retranchant la portion attribuable à l’accroissement de l’achalandage, j’obtiens 160 millions. Finalement, la Caisse a admis fin janvier qu’il faudra prévoir entre 40 et 130 millions, ce qui m’apparaît fort modeste.

Les contradictions des Libéraux

Quoi qu’il en soit, le PQ a raison de dire que les libéraux avaient promis un projet sans impact financier pour le gouvernement et les municipalités, ce qui n’est manifestement pas le cas.

En mai 2015, le ministre des Finances, Carlos Leitão, déclarait : « Il n’est prévu nulle part qu’il y aura des subventions de qui que ce soit pour l’exploitation de ce service-là. […] Il n’y a aucune subvention directe du gouvernement provincial et des gouvernements municipaux. Ç’a été clairement établi que les gouvernements municipaux ne peuvent pas non plus accorder de subventions. »

Cela dit, le PQ prend un raccourci pour faire mal paraître les libéraux en gonflant la facture familiale. En effet, il est loin d’être évident que les 200 millions seront entièrement refilés aux villes et donc aux citoyens.

Tout indique que les usagers absorberont une partie de cette facture, dans le contexte de la refonte tarifaire, comme les automobilistes et le gouvernement du Québec d’ailleurs.

Selon les estimations de l’Agence métropolitaine de transport (AMT), la refonte tarifaire permettra d’attirer plus de passagers en tenant mieux compte de la sensibilité des diverses clientèles aux tarifs. On planche sur des tarifs plus bas pour les utilisateurs exclusifs de l’autobus et plus élevés pour ceux du REM et des autres trains, par exemple.

De plus, le gouvernement du Québec et les automobilistes participeront vraisemblablement au financement annuel, eux aussi, d’une façon ou d’une autre. Ces deux groupes profiteront de l’efficacité qu’engendrera le REM dans la région de Montréal, le premier avec la hausse du PIB et le second avec la plus grande fluidité du transport sur route.

La position du PQ souffre d’une autre incohérence. Son chef, Jean-François Lisée, constate que le REM coûtera des sous, mais se dit « favorable à ce grand projet de transport collectif ».

Or, malgré tout, il réclame « du gouvernement qu’il s’engage à ce que le REM ne se traduise par aucune hausse de taxes pour les familles de Montréal et du 450 ». C’est ce qui s’appelle la quadrature du cercle.

Au bout du compte, le REM est un beau projet qui améliorera significativement l’offre et la qualité du transport collectif dans la région de Montréal. Le gouvernement et la Caisse doivent être transparents quant à la facture à venir et faire preuve d’ingéniosité quant à sa répartition.

Il reste que les contribuables doivent accepter que le REM ne sera pas gratuit et que son succès passe par son adoption en grand nombre.

Le PQ a fait son calcul sur la base d’une famille de quatre personnes.

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