Critique

Vibrant plaidoyer

Celui qui est digne d’être aimé
Abdellah Taïa
Seuil
144 pages
4 étoiles

Il est l’un des rares auteurs arabes à s’exprimer sur la question et a condamné à plusieurs reprises l’homophobie qui sévit dans son pays d’origine. Dans ce court roman épistolaire d’une grande intensité, l’écrivain marocain Abdellah Taïa dépeint la colère d’un jeune homosexuel qui a quitté le Maroc où il a grandi pour s’établir à Paris. Au fil de quatre lettres qui s’étalent sur 25 ans, Taïa expose avec justesse la double discrimination vécue par un homme arabe et homosexuel : en premier lieu au sein même de sa famille, puis en France, où bon nombre de ses compatriotes gais ont tenté de trouver un abri. Même dans sa société d’adoption, Ahmed doit renoncer à une part de lui-même – sa culture – et étouffer sa frustration de « colonisé » afin de se faire accepter. De sa mère, la « dictatrice » qui préférait son frère aîné, à Emmanuel, l’homme français qui promettait de le « sauver », Ahmed crie l’indignation qui le poursuit et l’obsède. Écrit d’une plume puissante et poignante, Celui qui est digne d’être aimé est un vibrant manifeste en faveur de la liberté d’être soi-même.

— Laila Maalouf, La Presse

Extrait

« Chaque matin je me renie. J’ouvre les yeux, je me rappelle que je suis homosexuel. J’ai beau avoir fait tout un travail pour m’accepter, me laver des insultes, j’ai beau me répéter depuis des années que j’ai le droit de vivre libre, vivre digne, vivre vivre, rien n’y fait : cette peau homosexuelle que le monde m’a imposée est plus forte que moi, plus dure, plus tenace. Cette peau, c’est ma vérité au-delà de moi. Je ne l’accepte pas complètement mais je sais que je n’existe que par elle, malgré mes multiples tentatives d’évasion, d’émancipation. »

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