L’économie qui s’écrit

Tout sur le fameux 1 %

Depuis le mouvement populaire Occupy, le 1 % le plus riche de la population est scruté à la loupe.

Quelques mesures timides à leur endroit pour étouffer la grogne populaire ont même été prises par les gouvernements. La plus répandue est la réintroduction d’un nouveau palier d’imposition pour les hauts revenus, qui reste encore loin des taux d’imposition des années 80.

En 2013, il fallait avoir un revenu total de 194 600 $ pour appartenir au 1 % le plus riche au Québec. On dénombrait 68 166 personnes dans cette cohorte formée d’hommes à 79,7 %, précise Nicolas Zorn, dans son remarquable essai Le 1 % le plus riche – L’exception québécoise. Il nous rappelle aussi qu’un PDG gagnait 40 fois plus que le salarié moyen en 1930, mais 367 fois plus en 2006.

Zorn essaie d’expliquer comment le 1 % est parvenu à capter de plus en plus de la richesse créée en l’espace de trois décennies.

Sa démarche est rigoureuse et méthodique, le ton, le plus neutre possible : son ouvrage est bel et bien le résultat d’un travail de recherche de haut niveau, pas un essai polémique.

« La concurrence doit normalement limiter les profits démesurés, mais si les marchés ne sont pas concurrentiels et que l’État ne s’assure pas qu’ils le sont, des situations d’extraction de rentes vont s’établir », écrit-il. 

« Il y aurait deux façons de devenir riche : créer de la richesse ou détourner celle qui a été créée par d’autres personnes [l’extraction de rentes]. »

— Nicolas Zorn, auteur et analyste à l'Institut du Nouveau Monde

La richesse se concentre un peu moins vite au Québec

L’essayiste enchaîne en cernant les différents types de capitalisme, comme les modèles coordonné ou libéral. Dans ce dernier type, il observe que la capitalisation boursière joue un rôle de premier plan dans le financement des entreprises alors qu’il est assumé par les banques avant tout dans un modèle coordonné.

Chiffres à l’appui, il fait ressortir que la capitalisation boursière favorise moins la redistribution de la richesse. C’est le modèle le plus rencontré dans les pays anglo-saxons (dont le Canada), celui où les écarts de richesse se sont le plus creusés depuis trois décennies.

Dans cet environnement, le Québec a en partie échappé à cette polarisation des revenus faite au détriment des couches inférieures de la classe moyenne.

Zorn essaie de cerner pourquoi. Il croit avoir trouvé en partie la réponse. « Le modèle québécois d’État-providence a sa propre particularité, affirme-t-il. Il se démarquerait du modèle canadien de régime libéral par une structure économique différente (c’est-à-dire plus d’interventions et d’emplois publics assurés par l’État québécois), un taux de syndicalisation plus élevé, des politiques sociales plus généreuses et plus universelles, un système fiscal plus progressif, des recettes fiscales plus élevées ainsi que des taux d’inégalité et de pauvreté moins élevés. »

Le 1 % le plus riche s’est quand même enrichi plus vite que les 99 % restants des Québécois. 

Une des raisons est la baisse du taux marginal maximal d’imposition, qui est passé de 69,0 % en 1985 à 42,8 % en 2008.

« Si, en 2012, la part des revenus captée par le 1 % était restée la même qu’en 1982, le revenu moyen du 1 % le plus riche serait passé de 212 900 $ à 237 000 $ [en dollars de 2012] plutôt qu’à 397 300 $, calcule-t-il. Quant aux 99 % inférieurs, leurs revenus moyens seraient passés de 28 700 $ en 1982 à 31 800 $ en 2012 plutôt que 30 200 $. »

Un écart de 1600 $ peut sembler négligeable. À l’échelle de la population, c’est tout de même une bagatelle de 10 milliards, uniquement pour 2012.

Très riches et... peu mobiles

Zorn pourfend enfin le mythe selon lequel l’augmentation du taux maximal d’imposition ferait fuir les plus riches. La seule exception serait celle des travailleurs étrangers. La confusion, bien entretenue, vient du fait qu’on ne précise pas que les individus (et leurs familles) sont moins mobiles que les capitaux.

Zorn rappelle enfin que plus les riches sont riches, moins la croissance économique est forte, selon une étude récente du Fonds monétaire international.

Le 1 % le plus riche – L’exception québécoise

Les Presses de l’Université de Montréal 191 pages

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