Ironman de Mont-Tremblant

Le cordonnier bien chaussé

Pierre Allard passe ses journées à entraîner P.K. Subban, Lars Eller et Alex Galchenyuk. Mais entre deux séances, l’ancien hockeyeur devenu préparateur physique du Canadien de Montréal se consacre à sa passion : le triathlon. Il tentera de boucler dimanche son troisième Ironman à Mont-Tremblant. Portrait d’un cordonnier… bien chaussé.

Mardi matin. Pierre Allard est debout à 5 h 30. À 9 h, il doit être au Complexe sportif Bell de Brossard. Là-bas, les joueurs du Canadien sueront sous ses ordres, se prépareront à la saison qui s’en vient.

« Comme je leur répète souvent, mon travail consiste à faire d’eux des sprinteurs sur glace », explique le préparateur physique du Canadien de Montréal.

Mais avant ça, Allard doit lui-même suer. À 6 h 45, l’homme de 42 ans arrive à la piscine de l’Université McGill, un sourire au visage et un café à la main, aux côtés de son coach de natation.

François Laurin est l’ancien entraîneur-chef de l’équipe des Redmen. Il est aujourd’hui à son compte et conseille ses clients dans cette discipline qui terrorise bien des triathlètes : la natation. « On peut dire qu’il y a une certaine mode du triathlon, concède Laurin. C’est très populaire. J’ai commencé avec deux clients. J’en ai 50 aujourd’hui. »

Laurin sermonne gentiment d’autres de ses athlètes qui arrivent en retard. Mais Allard était à la porte de l’université une minute avant lui, bien fidèle à son horaire réglé au quart de tour.

Une fois son entraînement de 45 minutes terminé, Allard fonce en direction du Complexe sportif Bell. En après-midi, il devra trouver un moment pour courir un peu.

C’est le quotidien du préparateur physique du Canadien : six jours par semaine, deux fois par jour, il s’entraîne. C’est le prix à payer pour être tombé amoureux du triathlon il y a quelques années.

UN HOCKEYEUR DANS L’ÂME

Pierre Allard n’était pas destiné au triathlon. Il a toujours été – et est toujours – un hockeyeur dans l’âme. Après un parcours junior avec le défunt Laser de Saint-Hyacinthe, les Cataractes de Shawinigan et les Saguenéens de Chicoutimi, l’attaquant non repêché a décidé de s’exiler en Europe.

Il y restera finalement 10 ans, deviendra citoyen français et jouera même dans l’équipe nationale aux côtés de Cristobal Huet et de Philippe Bozon. Là-bas, il commence à s’intéresser à la préparation physique.

À son retour, il s’inscrit au programme de kinésiologie de l’Université de Montréal. Il devient aide-entraîneur des Gaulois du collège Antoine-Girouard, chargé de la préparation physique. C’est là qu’il rencontre Kristopher Letang. Le jeune prodige a seulement 16 ans.

« J’ai accompagné Kristopher dans sa progression fulgurante. On a commencé à travailler ensemble l’été. Il a franchi tous les échelons très rapidement. Ça m’a aidé beaucoup, explique Pierre Allard. Kristopher était en partant un super athlète. Mais d’être encadré lui a permis d’atteindre ses objectifs, et moi aussi j’ai atteint mes objectifs. »

En 2009, le préparateur physique du Canadien, Scott Livingston, quitte l’équipe pour ouvrir son propre gym. Un an plus tard, Pierre Allard reprend le poste.

C’est vers cette période qu’il commence à s’intéresser au triathlon. « Après ma carrière, j’ai arrêté de jouer au hockey de manière régulière. Je ne jouais pas dans une ligue de garage, par exemple. Mais j’avais besoin de quelque chose. »

« Je ne pouvais pas passer de joueur professionnel à rien du tout. J’ai toujours adoré le sport. »

— Pierre Allard

Son premier triathlon sprint – 750 mètres de nage, 20 km de vélo et 5 km de course – a lieu à Verdun. La portion natation, la première partie du triathlon, a failli le décourager pour toujours.

« Je n’étais pas très bon nageur, pour être honnête. Quand la course est partie, je me suis fait accrocher, on me nageait dessus ! J’ai un peu paniqué. Un homme dans un kayak est venu me calmer. S’il lit ces mots, je le remercie d’ailleurs. Quand je suis arrivé sur la terre ferme, j’avais l’intention d’arrêter tout de suite. De tout abandonner. Mais je ne sais pas pourquoi, les cris de la foule peut-être, mais j’ai continué et j’ai terminé la course. »

COMME GAGNER UN CHAMPIONNAT

Au fil des ans, il a dû mettre en place un système pour pouvoir s’entraîner. Dans un document, il recense les adresses des piscines dans toutes les villes de la LNH. Il prend l'avion une cinquantaine de fois par année parce qu’il suit l’équipe à la trace. Mais pas question de manquer l’entraînement.

« Les joueurs sont quand même intrigués par ce que je fais. Ils trouvent que ça fait de longues distances, un marathon et 180 km de vélo ! Mais ce qui les impressionne le plus, c’est la nage. Parce que les hockeyeurs ont des épaules très rigides qui rendent la nage difficile. »

Pierre Allard a réussi son premier Ironman – 3800 mètres de nage, 180 km de vélo et 42,2 km de course – en 2013 dans un temps de 14 h 12 min. L’année dernière il a été plus rapide : 13 h 22 min. Dimanche, il rêve de finir dans les 12 heures. « Tant qu’il y a un 12 en avant, je vais être content, même si c’est 12 h 59 min », lance-t-il.

La semaine dernière, des joueurs du CH lui demandaient comment les émotions vécues dans un Ironman se comparaient à celles sur la glace.

« Je leur ai dit que c’était comme finir une saison, gagner un championnat à la maison, devant ses fans, et avoir le sentiment d’avoir porté l’équipe. »

— Pierre Allard

« C’est fort. Ma famille est là à Tremblant. Ils font beaucoup de sacrifices pour que je puisse vivre cette passion et quand j’arrive, dans les deux derniers kilomètres, je pense beaucoup à eux. »

Les réveils à 5 h 30, les entraînements qui se succèdent… Pierre Allard avoue que de préparer un Ironman est tout un engagement pour un père de famille qui suit une équipe professionnelle sur la route. Mais le triathlon coule aujourd’hui dans ses veines comme le hockey naguère.

« Est-ce que ça va être mon dernier ? Certaines semaines, je pense que oui. Mais je sais que quand j’aurai fini dimanche, je ne vais vouloir qu’une chose : m’inscrire pour l’année prochaine ! »

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